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Histoire de la Gacilly sous la revolution et la chouannerie

LA REVOLUTION A LA GACILLY.

1789.

chef des chouansEn mai 1789, lors de la réunion des Etats Généraux, un conflit éclate
entre, d’un côté, les représentants du tiers-état soutenus par une partie de la noblesse et du clergé qui veulent que les députés, sans distinction d’ordre, délibèrent en commun et que l’on compte les votes par tête et, de l’autre côté, les privilégiés, appuyés par le roi, désirent, suivant l’usage ancien, que les députés délibèrent par ordre et que l’on compte les votes par classe. Mais le tiers-état l’emporte.

Dans les paroisses, c’est un peu la même chose qui se passe entre les paysans et les citadins plus ou moins bourgeois. Ainsi, à Guémené, les citadins revendiquent leur propre électeur alors qu’à La Gacilly, la protestation est inverse. Déjà cette ville se distingue des autres communes environnantes par ses idées révolutionnaires, par son goût du changement et du progrès. En général, les électeurs ruraux contestent le résultat du scrutin trop favorable au candidat du chef-lieu « ces vieux routiers exercés à la finesse et à la tromperie » peut-on lire dans une plainte des paroissiens du Temple et de Tréal, scrutin qui témoigne d’ailleurs de la rancœur et de l’animosité atavique des paysans « venus du fonds de leur campagne » et qui se sont « faits duper dans les lieux qui fourmillent de gens de judicature ».

Déjà en 1788, sitôt après les évènements dont Rennes fut le théâtre à la réunion des Etats Provinciaux et après l’incendie de l’abbaye de Redon, un clan se forme à La Gacilly. La violence s’y manifeste et les adhérents en imposent à la partie saine de la population. A partir de ce clan, les Gaciliens forment une « patrouille patriotique ». Ils sont suivis par Rochefort-en-Terre et par Carentoir qui avoue naïvement faire comme les autres. A Redon, on dit que se sont des brigands. Ce qui frappe dans ces formations, plus que leur utilité problématique, c’est leur composition. A La Gacilly, la « patrouille » est en majorité composée des éléments les plus médiocres du pays et commandée par un triste sire du nom de Guillemin connu sous le sobriquet de Cadet, étranger au pays. C’est la raison pour laquelle de telles troupes ne pouvaient pas grande chose. Ce furent elles cependant qui, quelques mois plus tard, allaient incendier les châteaux et les maisons bourgeoises.

D’un autre côté, une classe spéciale de la bourgeoisie se met en place et va donner à notre pays un de ses plus mauvais éléments. Il s’agit d’hommes d’affaires, de petits bourgeois, de notables de l’ancien régime ou de personnalités imbues de leur personne, reniant la monarchie qui pourtant les avait « engraissés », qui changent d’opinion suivant les événements et qui deviendront les révolutionnaires les plus durs en retournant leur veste. Parmi ces révolutionnaires d’occasion se trouvent Le Clainche, avocat et sénéchal de Rochefort-en-Terre, Geslin, procureur-syndic du district de Rochefort, Séguin, ex-procureur du marquisat de la Bourdonnaye, le « meneur » de La Gacilly, Le Gall, procureur fiscal, Grinsart, le maire de La Gacilly et Jean-Marie Le Blanc, juge de paix de Carentoir, notaire et ancien procureur fiscal à La Gacilly. Né en 1761, ce dernier est nommé député du Tiers-état à l’assemblée de la sénéchaussée de Ploërmel le 7 avril 1789 sous le nom de Leblanc de L’Herminais.

La nuit du 4 août, avec l’abolition de la féodalité et des privilèges, fut davantage critiquée par la petite noblesse que par la grande : elle y tenait d’autant plus qu’elle en possédait peu, comme le vicomte de Noailles qui lança l’idée de révolte d’autant plus facilement qu’il n’avait rien à perdre au sacrifice. La paysannerie n’y regarde pas de si près et se met à mener, contre ses maîtres et seigneurs, des expéditions au cours desquelles fut saisie de vive force et le plus souvent brûlée, la paperasserie ancestrale qui consignait droits et surtout devoirs. Les victimes de ces razzias ne se laissaient pas toujours faire ; au pays de Vilaine, la riposte fut orchestrée par M. Joseph de la Ruée, seigneur de Castellan en Saint-Martin-sur-Oust et du Pré-Clos en Tréal. C’est lui qui, dès 1786, fomenta l’affaire dite du Pré-Clos étant mêlé de très près à la rédaction d’une préface locale de la Révolution écrite en forme de tragi-comédie et qui continua en organisant les protestations de la noblesse et même en mettant en place des moyens de résistance. Le Pré-Clos est une gentilhommière où des conciliabules nombreux ainsi que des réunions furent tenus par l’animateur local, M. de La Ruée. Un soir de 1791, à l’heure du dîner, après une surveillance renforcée par le district de Rochefort, le Pré-Clos fut cerné par les dragons de Ploërmel qui arrêtèrent tous les convives et mirent tout le monde à l’ombre. Ils furent très vite rendus à la liberté sans autre forme de procès. Le roi qui jouissait encore d’un semblant de pouvoir décréta l’amnistie en ouvrant l’Assemblée Législative du 1° octobre 1791. Les conspirateurs retrouvèrent leur liberté mais ils comprirent qu’il ne fallait plus jouer avec ce feu.

Les Cahiers de Doléances..

Le 8 août 1788, Louis XVI convoque les Etats généraux pour le 1° mai 1789. La Bretagne étant un pays d’états, les députés aux Etats généraux devaient être élus d’après les usages anciens par les Etats de la Province. C’est pourquoi les élections se firent dans le cadre des sénéchaussées de la Province.

Toutes les paroisses et toutes les trèves furent invitées à présenter des cahiers de doléances. Dans la sénéchaussée de Ploërmel, 146 paroisses et 39 trèves prirent part à ces élections. Seulement 3 paroisses et 6 trèves – dont La Gacilly – ne répondirent pas à la convocation. Curieusement, sur les 6 trèves manquantes, 3 faisaient partie de la paroisse de Carentoir : La Gacilly donc, la Haute-Bourdonnaye et Quelneuc. Ceci semble bizarre et pose question. Ces trèves ont-elles bien été prévenues ? Les cahiers de doléances de ces trèves passaient-ils par la paroisse ? Ont-ils été subtilisés et par qui et pourquoi ? Beaucoup d’autres questions pourraient être posées. Toujours est-il que le cahier de doléances de La Gacilly n’apparaît pas aux archives départementales de Vannes. Pourtant l’abbé Chérel déclare que ce cahier a bien été rédigé puisque, en parlant du droit de guet, il mentionne que « les Gaciliens inscrivirent la suppression de ce droit périmé dans leur cahier de doléances rédigé en 1789. »

Au milieu du XVIII° siècle, l’étendue des landes était considérable surtout aux Fougerêts, à Ruffiac, à Sixt-sur-Aff et à Carentoir où il est même dit que la paroisse contient une « quantité prodigieuse de landes. » Pourtant de nombreux défrichements sont effectués à cette époque la plupart du temps réalisés par les paysans eux-mêmes, aux ressources pourtant limitées. Il existe aussi des terres en « labeur » mais, sur Carentoir et La Gacilly, les terres cultivées sont en fait des landes afféagées qui « malgré les sueurs et les travaux des cultivateurs ne produisent guère. » C’est surtout le seigle que l’on récolte. La lande est aussi le pacage ordinaire des bêtes à cornes et des moutons. L’industrie tourne autour de la toile et des tanneries ; en 1794, La Gacilly compte, au moins, une douzaine de tanneurs.

Beaucoup de paysans « se débattent contre la misère et sont incapables de salarier un journalier. » Les uns comme les autres « ont peine à assurer leur subsistance toute l’année. » Cette situation est encore aggravée par la disette des grains surtout depuis 1772 qui force les paysans « à voler et à piller les blatiers » car, en plus, la propriété paysanne est grevée de redevances et de droits seigneuriaux. Dans ces conditions il n’est pas étonnant de trouver, dans les cahiers de doléances, la réforme des Etats provinciaux, l’égalité devant l’impôt, la suppression des abus du régime seigneurial et bien d’autres vœux émis par ces braves paysans.

Les assemblées de paroisse, pour rédiger leur cahier de doléances, se réunirent entre le 29 mars et le 6 avril 1789 dans la sénéchaussée de Ploërmel. En général, ces assemblées se tiennent dans la sacristie ou à la croix du cimetière et c’est très souvent qu’elles ne sont composées que des membres du général de la fabrique. A noter cependant qu’aux Fougerêts, Peillac et Glénac, les membres du général sont convoqués avec « les habitants roturiers de la paroisse. » Très souvent également faisaient partie de ces assemblées les hommes de loi, le clergé (Briend à la Chapelle-Gaceline), les artisans et ouvriers mais surtout les paysans. Par contre, les femmes sont très peu représentées ; l’une d’entre elles signe le procès-verbal du cahier de Peillac. Différents titres furent donnés à ces cahiers, celui de Carentoir fut intitulé : « Cahier de doléances, plaintes et remontrances » et celui de Saint-Nicolas-du-Tertre (alors Saint-Nicolas-sous-Ruffiac) fut appelé « Représentations et Plaintes. » Les habitants de Réminiac refusèrent de rédiger un cahier et déclarèrent adopter entièrement celui de Tréal.

Les assemblées avaient aussi pour mission d’élire des députés dont le rôle était de faire parvenir les cahiers de doléances à Ploërmel et de participer à l’élection des députés de la sénéchaussée aux Etats généraux. C’est ainsi qu’à Glénac, Julien-Alexis Joyant, fermier général du comté de Rieux est élu pour « aller faire à Ploërmel » alors qu’à Tréal, tous les députés élus sont des laboureurs qui « sont reconnaissants envers le roi d’entendre tous ses sujets sans distinction de rang et de fortune » et ils demandent à être admis, à l’avenir, à se faire représenter à toute assemblée nationale et que « nos représentants soient, au moins, en nombre égal à celui des ordres privilégiés. » Les paysans de Tréal, comme ceux de la Chapelle-Gaceline et des Fougerêts, souhaitent qu’aux Etats généraux, les voix soient comptées par tête pour la répartition des impôts et « toutes autres affaires qui seront proposées pour la réforme des abus, la prospérité générale du royaume et le bien des sujets. » Les plaintes, remontrances et griefs des électeurs se rapportèrent aussi bien au gouvernement du royaume (les finances, la justice, le clergé) qu’aux charges royales et seigneuriales (la corvée, les fouages, les devoirs) sans oublier l’assistance publique (la mendicité, les secours aux malades.)

Toutes ces doléances allaient donner lieu à la rédaction d’un cahier général du Tiers-état de la sénéchaussée de Ploërmel par quinze commissaires élus pour faire ce travail dont un Duval de Renac. Ce cahier comprend 88 articles dont le dernier émet un vœu : « que les comptes à rendre… soient désormais publiés par la voie de l’impression pour l’instruction des villes et spécialement des campagnes. »

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1790.

Révolte Paysanne.

Elle commença dès la fin de 1789 en direction de la petite noblesse. En janvier 1790, lorsque les paysans de Sixt-sur-Aff, de Saint-Just, de Bruc-sur-Aff et de Pipriac décident d’attaquer le château de la Touche en Renac appartenant à M. de Trelo, ils commencent par piller et mettre à sac la maison de son notaire, M. Poligné à La Gacilly ; l’aubergiste du même nom qui tient alors l’hôtel des Voyageurs toujours à La Gacilly est de sa famille. Après avoir terminé leur besogne à La Gacilly, ils se rendent au château de Renac et y mettent le feu. Une des filles du seigneur avait obtenu la garde d’un morceau de la Vraie-Croix destiné à la paroisse de Saint-Just ; elle l’avait déposé dans sa chambre or, lors de l’incendie du château, cette chambre ne fut pas endommagée par les flammes, c’est la seule pièce qui fut épargnée.

Quelques jours plus tard, a lieu l’incendie de la Forêt-Neuve à Glénac, incendie des titres s’entend. Le château en fort mauvais état et inhabité sert, de temps en temps et pour peu de jours, de rendez-vous de chasse à ses propriétaires, les de Rieux ; ceux-ci y avaient entassé toutes les archives provenant de leur ancienne terre patronymique qui, jointes aux titres de la Forêt-Neuve même et à ceux des nombreux autres biens qu’ils possédaient dans le pays, formaient un chartrier de grande valeur. D’où venaient les incendiaires ? Certains disent de La Gacilly, d’autres disent « de Redon par Sixt-sur-Aff ». En tout cas, ils sont sous la conduite d’une brute locale, le citoyen maréchal-ferrant Danart de La Gacilly. Augustin Joyant, régisseur des de Rieux, qui habite le Bas Sourdéac, ne semble pas avoir cherché à arrêter le flot des incendiaires ; c’était un fort honnête homme mais il est soupçonné à ces dates de 1790, d’avoir été quelque peu atteint par les idées nouvelles. Il livre tous les papiers de famille des de Rieux et tous les titres de propriété ; il y en avait tant que, déclare un compte-rendu officieux de cette mémorable expédition, « tous ces papiers brûlèrent devant le château durant six heures et, pendant ce temps, le cidre ne cessa de couler à la santé des de Rieux ». Joyant devait plus tard, sous le coup atroce de la mort de son jeune maître au Champ des Martyrs à Auray, se ressaisir et devenir un chouan extrémiste. Son fils fut le charretier de la machine infernale dirigée contre le Premier Consul.

Les paysans du voisinage se réjouirent de cet incendie qui détruisit les contrats de redevances. Deux mois plus tard, le château du marquis de Castellan, Joseph de la Ruée, est à son tour incendié ; au début de 1791, c’est au tour du château de la Ville Quéno en Quelneuc mais un vieux garde fit tellement boire les incendiaires qu’il les saoula et ils repartirent sans avoir accompli leur vile besogne. Enfin il y eut une expédition contre le château de la Bourdonnaye par une troupe d’incendiaires de La Gacilly toujours menée par le même Danart ; le château fut pillé, ils enlevèrent la grille qui fermait la cour d’honneur, brisèrent les ponts-levis et mirent la maison à sac. L’ignoble Danart, peu de temps après, fut incarcéré pour viol quasi-public d’une petite fille de La Gacilly.

Aucune de ces scènes de destruction ne semble avoir été l’objet ni d’enquête ni à plus forte raison de poursuites.

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Création du Département.

L’étude sur la départementalisation débute en novembre 1789 (député Thouret) et se termine en février 1790 ; le roi promulgue la nouvelle division du royaume par lettres patentes du 4 mars 1790. Le terme de département a été emprunté à l’expression « département de l’impôt ». Quant au nom « Morbihan », c ‘est la réunion de deux mots bretons : mor qui veut dire mer et bihan qui veut dire petite par allusion au golfe qui baigne une partie de son littoral ; d’ailleurs, dans le projet initial, ce département devait s’appeler « Côtes du Midi » par opposition aux Côtes-du-Nord. Il faut faire remarquer que le Morbihan est le seul département français dont le nom ne soit pas tiré du français. Pour délimiter les départements, un principe avait été retenu : tous les habitants du département devaient pouvoir se rendre au chef-lieu à cheval au maximum en une journée. C’est la raison pour laquelle l’Aff fut choisie pour limite avec l’Ille-et-Vilaine au lieu de la Vilaine pour l’ancien diocèse. Bains-sur-Oust, Brain-sur-Vilaine, Langon, Redon, Renac, Saint-Just et Sixt-sur-Aff rattachées au diocèse de Vannes jusque là, furent incluses dans le département d’Ille-et-Vilaine parce que Rennes souhaitait avoir un port sur la côte Sud

En plus des départements, les lettres patentes du 4 mars 1790 divisèrent les départements en districts. Il y en eut neuf dans le Morbihan : Vannes, Auray, Hennebont, Le Faouët, Pontivy, Ploërmel, Josselin, La Roche-Sauveur (la Roche-Bernard), et Roche-des-Trois (Rochefort-en-Terre). La Gacilly est rattachée au district de Roche-des-Trois avec 29 autres communes dont Carentoir. Le 16 juin 1790, un projet tendant à modifier la circonscription du district de Redon prévoit d’y inclure La Gacilly comme quatrième canton avec Sixt-sur-Aff et Carentoir avec ses trèves. En avril 1792, le rattachement du Temple à la commune de Carentoir ramènera ce nombre à 28. En mai et juin 1790, a lieu l’élection des membres du Directoire de chaque district. Pour celui de Rochefort, il y eut un Gacilien, Joseph-Marie Seguin, procureur et notaire à La Gacilly. La loi du 28 pluviôse an VIII supprimera les districts et mettra en place les arrondissements avec, à leur tête, un sous-préfet. Le Morbihan sera divisé alors en quatre arrondissements : Pontivy, Ploërmel, Lorient et Vannes, La Gacilly fut rattachée à ce dernier. Le 16 juin 1790, un projet tendant à modifier la circonscription de Redon prévoyait d’y inclure La Gacilly comme quatrième canton avec Carentoir et ses trèves ainsi que Sixt-sur-Aff. 

 

Création de la Commune de La Gacilly.

Les décrets des 16 et 22 décembre 1789 créent les communes et établissent dans chacune un maire, un corps municipal et un état-civil. La loi du 20 janvier 1790 fixe le nom des communes qui, en général, sera celui de la paroisse ou de la trève. La Constitution de l’an VIII créera les adjoints au maire mais tous, maires, adjoints et conseillers municipaux seront nommés par le préfet. Entre 1848 et 1852, ils seront élus au suffrage universel, ce mode de scrutin sera définitivement adopté après 1882.

En 1790, pour marquer l’émancipation de la commune de La Gacilly, certains de ses citoyens abattirent la croix de la chapelle Saint-Vincent. La création des communes amena bien des litiges surtout entre La Gacilly et Carentoir qui perdait ainsi ses trèves. Le 26 avril 1791, le citoyen Joseph Guéhéneuc, officier municipal de La Gacilly, se plaint auprès du Directoire de Roche-des-Trois qu’il vient d’être désigné par la municipalité de Carentoir pour assurer la collecte du vingtième et des fouages pour l’année 1790 dans les frairies de la Bouère et de Saint-Jacques. Pendant cette période intermédiaire entre l’Ancien Régime et l’administration issue de la Révolution, la collecte des impôts obéit encore aux règles anciennes. Il faut savoir également qu’avant la Révolution, Carentoir était le siège du doyenné et que La Gacilly n’en était qu’une trève ; or, à cette époque, c’est le doyenné ou la paroisse qui est chargé de la collecte des impôts. Joseph Guéhéneuc se plaint parce que cette nomination est tardive, qu’il est seul pour faire cette collecte, alors qu’en fait, il habite La Gacilly. enfin il a déjà été désigné pour faire cette corvée en 1789, ce n’est donc pas à lui d’y être assujetti. La municipalité de Carentoir répond qu’elle n’est pour rien dans le retard apporté à la nomination, ayant reçu les rôles d’imposition de Vannes seulement le 1° avril ; que l’année précédente, c’est Joseph Métayer qui a fait la collecte ; que, si l’année suivante, il était encore désigné, ce que l’on ne se propose pas, ce ne serait pas une injustice puisque chaque paroissien, après avoir fait la collecte de sa frairie, est encore assujetti à faire la recette générale de la paroisse ; enfin il est notoire que Guéhéneuc possède des biens dans la frairie de Saint-Jacques qui lui rapportent deux cents livres de revenus. A leur tour, les municipaux de La Gacilly défendent leur collègue. Pour eux, Joseph Guéhéneuc a bien fait la collecte de la capitation dans la frairie de Saint-Jacques en 1789 et il est d’usage de n’assujettir un particulier à une nouvelle corvée que trois ans après la décharge de la première. Par ailleurs, étant officier municipal, il est tenu d’assister souvent aux délibérations et ne peut être surchargé de travail. Enfin la municipalité de La Gacilly fait observer à Messieurs les Administrateurs du district que, depuis leur rivalité (sic), les citoyens de La Gacilly n’ont cessé d’être opprimés par Carentoir ; ils citent à l’appui de leurs dires plusieurs cas similaires concernant également le recouvrement de l’impôt.

Très rapidement, le 16 mai 1791, le Directoire du district de Roche-des-Trois donne son avis sur le litige. Après avoir analysé les faits, il propose à la municipalité de Carentoir de nommer un autre collecteur d’impôts que Guéhéneuc, celui-ci étant officier municipal de La Gacilly, puis transmet le dossier au Directoire du département pour information.

Un autre litige naît entre La Gacilly et Carentoir à propos de la délimitation des deux communes. Le Directoire du district de Rochefort prend acte d’une réclamation le 20 juillet 1792. Il faut savoir à ce sujet que, dans le nouveau découpage du territoire, les députés avaient retenu pour principe de ne pas modifier les limites des anciennes paroisses qui devenaient communes mais les limites entre les paroisses et les trèves furent beaucoup moins évidentes. C’est pourquoi le Directoire du district désigne un commissaire qui se rend sur place et rédige un rapport ; celui-ci n’a jamais été retrouvé, sans doute fut-il détruit lors de la prise de Roche-des-Trois par les Chouans le 16 mars 1793.

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Création du Canton de La Gacilly

Si les lettres patentes du roi du 4 mars 1790 avaient créé les départements, les districts et les communes, elles créèrent aussi les cantons.

Le Morbihan est divisé en 69 cantons administratifs et judiciaires, c’est à dire que chaque canton est doté d’une justice de paix. Le district de la Roche-des-Trois en compte six dont La Gacilly et Carentoir. Le canton de La Gacilly comprend les communes de Cournon, Les Fougerêts, Glénac et Saint-Martin-sur-Oust ; celui de Carentoir ne comprenant que Tréal, le Temple et la Chapelle-Gaceline. Ceci sera la source, entre autres, de nombreux litiges entre La Gacilly et Carentoir qui dureront jusqu’en 1837 au moins.

Il faut savoir que le juge de paix est investi de fonctions très importantes, non seulement il est chargé de régler les différends ou litiges entre les citoyens mais il est également officier de justice, c’est à dire chargé de la poursuite des crimes et des délits, du maintien de la tranquillité publique, de la suppression des détentions arbitraires, des constatations de décès ainsi que de la pose des scellés qui suivent ces décès. Etant donné l’importance des fonctions de ces juges de paix, leur élection, réclamée par de nombreux cahiers de doléances, fut très réglementée et prise très au sérieux. Le dimanche précédant l’élection, dans les cinq églises paroissiales du canton, aux prônes des messes, est annoncée, à tous les citoyens actifs, l’élection du juge de paix du canton de La Gacilly pour le dimanche suivant. Ce jour-là, après l’office divin et au son des cloches, les citoyens actifs se présentent à l’église paroissiale du canton. Le plus ancien électeur présent est nommé président temporaire de l’assemblée d’élection ; ensuite les trois électeurs les plus âgés, présents et sachant lire et écrire deviennent assesseurs ; enfin un secrétaire est nommé par acclamation. Ce bureau provisoire passe à l’élection d’un bureau définitif qui peut élire alors valablement le nouveau juge de paix. Mais un incident va survenir, en effet les représentants de Saint-Martin-sur-Oust se retirent prétextant qu’il est tard et qu’une longue route leur reste à faire. En fait un des notables de cette commune désire que Saint-Martin-sur-Oust devienne chef-lieu de canton avec Saint-Laurent, Saint-Congard et Saint-Gravé. Le président de séance remet l’élection du juge de paix au lendemain à 10h du matin. Pour ce nouveau rendez-vous, un seul habitant de Saint-Martin-sur-Oust est présent et l’élection peut donc valablement avoir lieu. Joseph-Marie Séguin, notaire à La Gacilly et membre du Directoire du district de Roche-des-Trois, est élu juge de paix pour le canton de La Gacilly avec 104 suffrages sur 106 exprimés au début du mois de décembre 1790. A Carentoir, c’est Jean-Marie Leblanc qui est élu avec 63 voix sur 117 votants. Nommé député du tiers-état à l’assemblée de la sénéchaussée de Ploërmel le 7 avril 1789 sous le nom de Leblanc de L’Herminais, il est également ancien procureur fiscal de La Gacilly, homme de loi et notaire, son étude étant d’ailleurs à La Gacilly, elle sera pillée par les Chouans en 1793 parce qu’il était devenu juge du tribunal du district de Rochefort en 1792. Louis-Joseph Le Roy lui succèdera, comme juge de paix du canton de Carentoir le 2 décembre 1792, tandis que Joseph-Marie Séguin sera réélu à La Gacilly. Le lendemain de l’élection de Joseph-Marie Seguin, les officiers municipaux de Saint-Martin-sur-Oust et des trois autres communes concernées adressent une supplique au Directoire du district de Rochefort demandant que Saint-Martin-sur-Oust soit chef-lieu de canton, dénonçant une manœuvre électorale de la part des « messieurs de La Gacilly » qui, au lieu d’inscrire sur le bulletin de vote « les noms de ceux qui lui disoient » inscrivaient les leurs, un certain nombre d’électeurs étant illettrés. Une enquête est ouverte sur les communes du canton et les administrateurs du district recueillent quelques témoignages. Dans le rapport d’une délibération de la municipalité de Cournon du 26 décembre 1790, il est mentionné que « les réclamations de quelques habitants de Saint-Martin sont de véritables tracasseries ». A Glénac, un rapport identique déclare que Pierre Chevalier, président de la municipalité, « après avoir évoqué les faits et dénoncé la manœuvre du dénommé Mathurin de Saint-Martin qui avait entrepris de faire nommer pour juge de paix dans cette commune son protégé Bellavoir qui devait en retour le nommer son greffier ». Et le maire de Glénac continue « le sieur Seguin, nommé juge de paix du canton de La Gacilly, a toutes les qualités requises et nécessaires pour occuper cette place avec distinction, de la probité, des mœurs et des connaissances ; que Bellavoir, au contraire, n’a aucune espèce de connaissance des affaires, qu’il n’a pas l’intelligence nécessaire, qu’il sait à peine signer son nom et que si Mathurin était parvenu, par ses intrigues, à le faire nommer juge de paix, les habitants de Cournon auraient été bientôt forcés de solliciter sa révocation attendu son incapacité notoire et son peu d’aptitude aux affaires ». René Danilo, le maire des Fougerêts, confirme que les opérations électorales se sont déroulées régulièrement. Le nommé Mathurin de Saint-Martin-sur-Oust paraît être très connu, il est cité à plusieurs reprises en cette affaire mais son nom patronymique n’apparaît jamais. Enfin le 30 décembre 1790, le Directoire de district rend son verdict : « En l’assemblée du Directoire où étaient M.M. Duperron, vice-président, Bosson, Corvoisier, Le Roy, administrateurs-directeurs et Le Cadre, administrateur-adjoint. M. le procureur-syndic présent. Vu la requête présentée au département au nom des officiers municipaux et notables des paroisses de Saint-Martin, Saint-Gravé, Saint-Congard et Saint-Laurent, signée de quelques individus des seules paroisses de Saint-Martin et Saint-Gravé, les délibérations des municipalités de Glénac et de Cournon du 26 et le certificat de René Danilo, maire de la paroisse de les Fougerêts du 28. Le Directoire considérant : 

que la nomination du juge de paix du canton de La Gacilly paraît avoir été faite très légalement.

que la réclamation contre n’a lieu, suivant toute apparence, qu’à la sollicitation du sieur Mathurin qui, se voyant déchu d’un office qu’il désirait, a fait le possible pour faire annuler les opérations de l’assemblée qui peut-être a eu des raisons pour en préférer un autre.

que le refus des citoyens des paroisses de Saint-Congard et Saint-Laurent de signer cette requête annonce leur approbation de la réformation devant nous et l’avantage qu’ils y trouvent.

que cette requête n’a été signée par les habitants de Saint-Gravé et de Saint-Martin que parce que le sieur Mathurin qui l’a rédigée et la leur a expliquée, fait entendre aux uns que Saint-Gravé resterait chef-lieu de canton et aux autres que Saint-Martin le deviendrait.

Le Directoire ouï le procureur-syndic, trouvant la nomination du juge de paix de La Gacilly légalement faite, est d’avis qu’elle soit confirmée et que la requête signée de quelques habitants de Saint-Martin et de Saint-Gravé soit rejetée ».

La loi du 8 pluviôse an IX et un arrêté des consuls de la République du 3 brumaire an X (25 octobre 1801) ramène le nombre des justices de paix du Morbihan de 69 à 37 et celle de La Gacilly est supprimée. Carentoir garde la sienne et reste le chef-lieu du canton pour les communes de Carentoir, Cournon, Les Fougerêts, La Gacilly, Glénac, Saint-Martin-sur-Oust et Tréal. La réélection d’un nouveau et unique juge de paix devient indispensable. Joseph-Marie Séguin est réélu avec 1349 voix sur 2457 suffrages exprimés ; son concurrent carentorien Hoëo-Lavallière totalise 1102 voix, il devient premier suppléant et de La Gacilly, le second. Joseph-Marie Séguin installe la justice de paix à Carentoir mais continue d’habiter à La Gacilly où les justiciables des communes proches sont même entendus.

La municipalité et les Gaciliens sont très déçus d’avoir perdu le titre de chef-lieu ; à partir de ce moment, ils n’auront qu’une idée en tête : récupérer ce titre et réparer ce qu’ils considèrent comme une injustice. Jean nommé par le Directoire de Roche-des-Trois président de l’administration municipale gacilienne, c’est à dire le maire, en 1793, commence une campagne de récupération en se faisant appuyer par Cournon, Glénac et même Redon qui, en 1789, était encore dans le diocèse de Vannes ; Saint-Martin-sur-Oust n’ayant plus d’espoir d’être chef-lieu de canton se rallie également à la candidature de La Gacilly. C’est ainsi que le 12 brumaire an XI (3 novembre 1802), ce sont les maires et adjoints des communes de Saint-Martin-sur-Oust, Les Fougerêts, Glénac, Cournon et La Gacilly, à l’instigation de cette dernière, ainsi que le juge de paix du canton de Carentoir, Joseph-Marie Séguin (un gacilien) qui adressent une pétition au grand juge, ministre de la justice, pour que La Gacilly devienne à nouveau chef-lieu de canton et siège de la justice de paix qu’elle avait perdu en l’an X au bénéfice de Carentoir. La pétition se présente sous la forme d’un long document dans lequel les pétitionnaires exposent leurs arguments. Dès les premières phrases, ils indiquent que l’intérêt public les pousse à faire connaître au ministre, que le véritable point central du canton, c’est La Gacilly. Ils développent ensuite leurs griefs contre Carentoir, chef-lieu de canton :

  • le bourg de Carentoir se trouve à l’extrémité septentrionale de la commune et du canton.

  • il ne contient pas plus de trente maisons et n’a aucune distinction des bourgs ordinaires.

  • il est sans commerces et sans marchés. Depuis la Révolution, les habitants ont cherché à en établir mais ils n’ont pas pu y parvenir, le bourg étant situé à une lieue et demi de Guer et à la même distance de La Gacilly donc trop près de marchés établis depuis longtemps.

  • la majeure partie de la population de Carentoir demeure à la porte de La Gacilly.

  • la commune de Carentoir est divisée par le « fleuve » le Rahun qui gêne les communications.

  • les chemins pour se rendre à ce bourg sont affreux.

  • au contraire, La Gacilly dispose de précieux avantages : centre de l’arrondissement, chemins directs et plus beaux, communications faciles avec Redon, la ville la plus voisine où il y a bureau de poste.

  • Ils développent ensuite l’aspect commercial : six grandes foires annuelles principalement pour les bestiaux. Le samedi de chaque semaine, un des plus forts marchés du département, fréquenté même par des personnes éloignées de La Gacilly. De très grandes halles où on trouve étoffes, « clincailleries », toiles, grains et autres denrées.

première halles pour le marché gacilienUne précision : au-dessus des halles, se trouvent deux chambres d’audience (sous entendu, qui seraient utiles pour le juge de paix ). Enfin une rivière navigable pour les bateaux de Redon et de La Gacilly, avantage que Carentoir ne peut offrir. Le rapport traite ensuite un peu d’histoire pour rappeler qu’avant la Révolution, La Gacilly était le chef-lieu d’une juridiction très importante, le marquisat de la Bourdonnaye ; on y trouvait un bureau des devoirs, une brigade d’employés au tabac. Elle possède, depuis plus de deux siècles,  un bureau d’enregistrement et deux études notariales y sont installées ; il ne s’en trouve aucune à Carentoir. La municipalité énumère encore quelques activités et prétend que, lors de l’institution de la première justice de paix, La Gacilly fut établie chef-lieu de canton des communes de Carentoir et de Tréal (ce qui est manifestement faux car on a vu que fin 1790, Jean-Marie Leblanc pour Carentoir et Joseph-Marie Séguin pour La Gacilly avaient été élus juges de paix de leur canton). « Par quelle fatalité… s ‘exclament les rédacteurs de la pétition est-il donc arrivé que le chef-lieu de canton ait été fixé au bourg de Carentoir ? » Et de produire à l’appui de leur demande des attestations des maires de Redon, Malestroit et Guer, de Simon, maire de Tréal et, ce qui est plus curieux, du maire et de l’adjoint de la commune de Carentoir : « De brumaire an XI. Nous soussignés maire et adjoint de la commune de Carentoir certifions à qui il appartiendra que la ville de La Gacilly, commune du même nom actuellement jointe au canton de Carentoir (ligne ajoutée : que La Gacilly était chef-lieu de canton), qu’il existe depuis un temps immémorial un bureau d’enregistrement, est le lieu le plus commode et le plus central du canton actuel pour y laisser exister le bureau de l’enregistrement. Qu’il n’y a même pas dans les autres bourgs de cet arrondissement de logement commode pour se placer ; qu’au contraire La Gacilly étant le point le plus central, est à la portée de tous les administrés qui ont tous les jours les moyens de s’y trouver à cause du grand commerce qui s’y fait. De fortes foires, le marché qui s’y tient chaque année (sic), de la commodité d’une rivière qui se rend à Redon, et sur laquelle le batelage se fait avec la plus grande commodité pendant les deux tiers de l’année. Que dans cette ville il y existe une très vaste halle, une forte maison d’arrêt, que l’on y aborde par des chemins très commodes de toute part, qu’il est juste et nécessaire pour l’intérêt des habitants du canton que le bureau de l’enregistrement y reste fixé, que même la majeure partie de la population de la commune de Carentoir en est à proximité, puisque la majeure partie ne s’en trouve éloignée que d’environ un quart de lieue, une demie et trois quarts de lieue au plus, qu’il serait également intéressant pour le bien des habitants du canton actuel que les autorités civiles et judiciaires fussent fixées à La Gacilly se trouvant situées absolument au milieu de l’arrondissement et vu les autre avantages qu’elle offre au public. En foi de quoi nous avons délivré le présent, à Carentoir ce six brumaire an onze de la République. Bon approuvé que La Gacilly soit chef-lieu de canton. » Cette attestation, écrite quelques jours avant la pétition, présente les mêmes arguments que celle-ci en faveur de La Gacilly.

Si les habitants de Tréal restent favorables à Carentoir pour une raison de proximité, l’un des maires, Joseph Ollivier, un républicain convaincu et admirateur des opinions politiques et des idées avancées gaciliennes, aidé de plusieurs de ses conseillers, soutiendra La Gacilly pour qu’elle redevienne chef-lieu de canton. En 1832, le préfet, sous couvert de neutralité, demande avis aux communes du canton sur le choix du chef-lieu. Voici le rapport de la séance du conseil municipal de Tréal du 5 novembre 1832. « Monsieur le président (de l’administration municipale) a donné lecture d’une lettre de Monsieur le Préfet du Morbihan en date du 2 octobre par laquelle Messieurs les conseillers municipaux sont invités à donner leur avis sur l’utilité de la translation du chef-lieu de canton à La Gacilly. Considérant que Carentoir est sans commerce et peu fréquenté, que la lutte actuelle entre son bourg et La Gacilly est une lutte d’opinion politique autant que d’intérêt national, débat qui intéresse vivement toutes les communes du canton Déclare s’unir aux partisans du trône de juillet et demande que le chef-lieu de canton soit transféré à La Gacilly, lieu où il est généralement désiré et où il sera évidemment plus utile au public. Fait en mairie de Tréal, les jours et mois et an que dessus. Les sieurs Ollivier, maire, Beaujouan, adjoint, Lanoë ont signé la présente délibération. Les sieurs Michel Borgat, Dando, Maro ayant déclaré ne savoir et ne pouvoir le faire. Les deux autres membres présents ont refusé d’adhérer et se sont rétractés subitement quoiqu’ils eussent spontanément donné leur consentement dans les réunions préparatoires ainsi que les quatre autres membres ayant fait défaut bien qu’impérativement prévenus. Résultat plus que probable des instigations ou menaces des carlistes (partisans de Charles X). Signé Ollivier, Beaujouan, Lanoë. Une majorité de trois membres sur onze conseillers…Tout ceci est un peu tiré par les cheveux, il aurait été intéressant d’avoir la réaction du préfet et de savoir si un tel rapport a été profitable à La Gacilly. Si tout le monde est d’accord y compris la municipalité de Carentoir, il n’y a plus de difficultés et le gouvernement devrait se rendre aux vœux des autorités et de la population unanimes ; d’autant plus que ce n’est pas la première tentative de La Gacilly, le 4 brumaire an X, un an avant l’actuelle pétition, le préfet du Morbihan avait adressé un premier dossier de demande de transfert de la justice de paix aux conseillers d’Etat Berlier et Regnault de Saint-Jean-d’Angély et l’avait assorti d’un avis favorable. Pour faire bonne mesure, Cheval, le maire de La Gacilly avait dans la même période adressé directement la même requête au ministre « pour la lui remettre sous les yeux ». Mais l’affaire n’est pas terminée et va demander beaucoup de temps.

En 1804, la municipalité de La Gacilly continue d’adresser au préfet les attestations qu’elle peut obtenir en faveur du transfert : celle du contrôleur des contributions directes de La Gacilly, du sous-officier du recrutement du canton de Carentoir lequel estime qu’il conviendrait pour l’intérêt public et la commodité des particuliers de fixer la réunion des conscrits à La Gacilly. Enfin le brigadier de gendarmerie en résidence à Carentoir croit que la vie serait plus aisée et que la gendarmerie serait beaucoup mieux à La Gacilly, pensant que le chef-lieu de canton a été fixé par erreur à Carentoir.

Quatre années se passent, les maires ne sont plus les mêmes, mais l’administration suit ses dossiers. Le 22 juin 1808, le préfet écrit au maire de Carentoir, Hoëo, pour l’informer qu’il est obligé de transmettre au gouvernement la demande faite pour que le chef-lieu de la justice de paix soit fixé à La Gacilly au lieu de Carentoir, comme étant le point central. Il sollicite son avis et écrit : « Je pense que, dans votre opinion, vous considérerez plutôt le bien général du canton que l’intérêt d’une seule commune ». Bien sûr le nouveau maire de Carentoir défend sa commune et n’est pas disposé à accepter la perte du chef-lieu de canton comme son prédécesseur. Il répond au préfet dès le 3 juillet 1808 : « Je vois que l’intrigue s’agite pour me tourmenter » et conteste que La Gacilly ait une position plus centrale que Carentoir dans le canton ; a-t-on pensé à Tréal ? La Gacilly n’est qu’à cent pas de l’Ille-et-Vilaine. Autre argument, la population de Carentoir et Tréal réunies compte 6.506 habitants contre 4.787 pour le reste du canton. La Gacilly, n’ayant pas réussi à devenir chef-lieu de canton lors de leur réunion, veut actuellement « le lever » morceaux par morceaux ; pour l’instant, c’est la justice de paix, alors que la justice pour les habitants des communes pétitionnaires leur est rendue à La Gacilly en la demeure du juge de paix qui, toutefois, dispose d’un local décent à Carentoir. « On m’a dit, en votre hôtel, écrit-il au préfet, que La Gacilly est une ville alors que Carentoir est un bourg. Si la vanité des habitants de La Gacilly les porte à assimiler leur bourg à Vannes ou même à Paris, il restera toujours vrai que Carentoir est plus beau et plus grand que La Gacilly qui n’en est qu’un démembrement … ». Il termine sa lettre en offrant sa démission.

Deux jours après il adresse au préfet un nouveau courrier dans lequel il reprend les arguments géographiques et statistiques et cette fois n’hésite pas à attaquer son collègue de La Gacilly. « Les intérêts de 6.500 personnes sont bien capables de faire rejeter les prétentions d’un ambitieux novateur qui va mendier l’adhésion de quatre maires insouciants pour contenter son orgueil sans utilité, tout en me faisant bonne mine et faisant semblant de se concerter avec moi pour le bien des administrés. » Il poursuit sa diatribe et propose de se rendre à Vannes pour réfuter les nouveaux arguments que pourraient avancer ses adversaires ; il ne parle plus de démission. Le maire de Tréal appuie son collègue de Carentoir et propose de consulter les habitants de sa commune mais, écrit-il, « je les consulterai inutilement parce qu’ils se trouvent bien de l’administration de Carentoir. »

Il ne sera pas utile d’attendre quatre ans cette fois pour connaître la conclusion temporaire de cette affaire. Par une lettre du 6 août 1808, le préfet informe le maire de La Gacilly qu’il a examiné avec une sérieuse attention la pétition présentée par son prédécesseur le 12 brumaire an XI. Il fait observer que la fixation des cantons de justice de paix ayant lieu en vertu d’une loi organique, il y a peu à espérer qu’on y déroge pour un seul canton, d’autant plus que l’intention du gouvernement est de n’apporter dans ce moment aucun changement dans l’ordre administratif et judiciaire. Il laisse cependant une porte entrouverte en poursuivant :    « mais il pourrait par la suite s’en occuper… ». 25 ans plus tard, le 8 novembre 1833, la commune de La Gacilly adresse une nouvelle demande d’érection en chef-lieu de canton ou création d’un nouveau canton avec les communes de Cournon, Glénac, Les Fougerêts et peut-être Saint-Martin-sur-Oust. On revenait à la situation qui existait en 1790.

Quoi qu’il en soit, tous les maires de La Gacilly se sont bagarrés pour obtenir gain de cause ; ils ont modernisé la ville (hôtel de ville, école publique, bureau de poste, gendarmerie, perception, sapeurs-pompiers et future église) ; ils se sont créés de nombreux amis et défenseurs comme Ducrest de Villeneuve, Ducordic, Jollivet, Eude, le préfet Lorois lui-même, le député de la circonscription Bernard ; c’est ce dernier qui va réussir à emporter la décision auprès du préfet mais aussi auprès du roi qui possède alors quelques propriétés dans le pays en argumentant que La Gacilly se trouve au centre des communes concernées et que le préfet de Vannes préfère La Gacilly parce que c’est une ville plus grande, plus moderne et plus commerçante que Carentoir. Le 20 décembre 1836, la Lande de Sigré, contenant 367 hectares de landes, est vendue par la commune de La Gacilly pour 40.020 francs au domaine privé du roi Louis-Philippe dont l’administration, après les avoir clos de talus, les ensemença et planta des arbres verts (en l’occurrence des pins maritimes) pour les réunir à la terre de Mabio et en faire une forêt dite forêt de La Gacilly. Les 7 et 9 février 1837, le préfet du Morbihan fait adresser, par son cabinet, deux courriers sensiblement identiques. Voici le second :

« Le 9 février 1837

Préfecture du Morbihan

1° division

Bureau des Travaux Publics n° 137

Monsieur le Maire,

          L’ordonnance qui transfère à La Gacilly le chef-lieu de votre canton, est en effet insérée sous la date du 20 janvier au bulletin des lois n° 479, promulguée à Paris le 1° février. Mais l’ampliation en forme qui doit m’être adressée par Monsieur le Ministre de l’Intérieur ne m’est point parvenue encore. Aussitôt que je la recevrai, je m’empresserai de vous en transmettre une expédition…Déjà Monsieur le Procureur du Roy fait ses dispositions pour que les audiences de la justice de paix se tiennent à l’avenir à La Gacilly ».

Depuis la première demande du 4 brumaire an X (26 octobre 1801), plus de 35 années ont donc été nécessaires pour obtenir satisfaction et recevoir l’ordonnance du 20 janvier 1837 signée de Louis-Philippe dont voici le texte :

Louis-Philippe, Roi des Français, à tous présents et à venir, salut.

 Sur le rapport de notre garde des Sceaux, ministre secrétaire d’Etat au département de la justice et des cultes.

Vu la proposition adressée à notre ministre du commerce et des travaux publics le 20 septembre 1833 par le préfet du Morbihan, à l’effet de faire transférer dans la commune de la Gacilly le chef-lieu de la justice de paix du canton de Carentoir ;

Vu les délibérations des conseils municipaux des sept communes composant le dit canton ;

Vu les délibérations par lesquelles le conseil d’arrondissement de Vannes et le conseil général du département du Morbihan appuient la translation demandée ;

Vu l’avis de notre procureur général près la cour royale de Vannes également favorable à la translation ;

Vu l’avis du président du  tribunal de première instance de Vannes ;

Vu la lettre de notre ministre de l’intérieur du 13 décembre 1836 ;

Vu toutes les pièces du dossier

Notre conseil d’Etat entendu,

Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :

  • Art. I. Le chef-lieu de la justice de paix du canton de Carentoir, arrondissement de Vannes (Morbihan), sera transféré dans la commune de La Gacilly appartenant au même canton.

  • Art. 2. Notre garde des Sceaux, ministre secrétaire d’Etat au département de la justice et des cultes, et notre ministre de l’intérieur, sont chargés chacun en ce qui le concerne de l’exécution de la présente ordonnance qui sera insérée au bulletin des lois. Donné au château des Tuileries, le 20 janvier 1837. Signé : Louis-Philippe.

A la mi-février, M. Robert et M. Etrillard s’en allèrent avec une charrette vers Carentoir. Là, ils forcèrent les portes de la mairie, dérobèrent tous les livres et tous les papiers intéressants et ramenèrent le tout à La Gacilly. En revenant, les deux bonshommes chantaient sur tous les tons : « Nous ramenons le chef-lieu de canton ». Un brave paysan leur rétorqua : « mais pas le doyenné ». C’était la vérité. A l’ordinaire, le chef-lieu de canton correspondait avec le doyenné, mais cette fois, il y eut une exception. Carentoir est resté doyenné jusqu’à nos jours. Pour marquer ce retour du chef-lieu de canton, un banquet patriotique de 150 couverts est offert par le maire le 30 juillet 1837 et placé sous la présidence du procureur du roi à Vannes, M. Hervo et Ducrest de Villeneuve, tous les deux comme représentants des députés, conseillers et autres amis dévoués qui avaient pris une part active dans la lutte. Des discours, des chants spéciaux, des danses au son du biniou, des évolutions militaires, des feux de joie et des illuminations signalèrent cette journée dont le souvenir ne peut s’effacer de la mémoire des habitants et dans laquelle les pauvres ne furent pas oubliés par la bienfaisance. A l’issue du banquet, Mathurin Robert, alors maire de La Gacilly, exprime sa gratitude à tous ceux qui l’ont aidé à récupérer ce titre, puis il y eut des toasts pour M. Hervo, procureur du roi ; M. Ducrest de Villeneuve, l’ami de La Gacilly ; M. Jollivet, député d’Ille-et-Vilaine ; M. Ducordic, conseiller général ; M. Eude, représentant au conseil d’arrondissement ; M. Duportal, M. Jourdan, M. Nouel de la Touche, M. Lorois, le préfet ; M. Bernard, M. Hervé, le juge de paix.

Peu de temps après cette cérémonie officielle, des Gaciliens s’en allèrent au village de Launay en Carentoir où il y avait une chapelle dont les saints patrons étaient Saint-Sébastien et Saint-Fabien. La statue de ce dernier fut dérobée et transportée à La Gacilly où elle fut placée sur la fontaine municipale et appelée Saint-Canton pour rappeler sans doute le vol de la statue et la récupération du chef-lieu de canton.

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Le canton de La Gacilly comprend neuf communes :

Carentoir, la Chapelle-Gaceline, Cournon, Les Fougerêts, La Gacilly, Glénac, Quelneuc, Saint-Martin-sur-Oust et Tréal. La commune du Temple a été supprimée et ce bourg est maintenant rattaché à la commune de Carentoir ; par contre, Quelneuc est devenu commune et est rattaché au canton.

 

1791 – 1792.

La Constitution Civile Du Clergé.

Un décret voté le 12 juillet 1790 par l’Assemblée Nationale établit une nouvelle organisation ecclésiastique de la France. Ce décret est ratifié par le roi Louis XVI le 24 août mais il est condamné par le pape. Il crée un siège épiscopal dans chaque département et met en place l’élection des évêques et des curés par les citoyens. Il supprime tous les bénéfices du clergé, même le casuel et l’Etat prend à sa charge les frais du culte et un traitement accordé à chaque ecclésiastique proportionnellement à la population concernée.

Une grande partie du clergé refuse cette nouvelle organisation ce qui va provoquer une scission parmi les prêtres : d’un côté les prêtres constitutionnels ou assermentés, surnommés aussi les « intrus » et les prêtres réfractaires ou insermentés, ces derniers étant de loin les plus nombreux. Le 27 novembre 1790, la Constituante est amenée à exiger une prestation de serment par les ecclésiastiques. Quelques mois plus tard, les prêtres assermentés sont mis par le pouvoir temporel en possession des édifices religieux ; les seconds entrent alors dans la clandestinité tout en continuant à exercer leur ministère mais en cachette. Au début de 1791, les sanctions commencent à pleuvoir sur les prêtres indociles, timidement d’abord mais très vite la chasse aux prêtres réfractaires va s’intensifier. Beaucoup, alors, vont chercher, à contre-cœur, à s’expatrier, en particulier vers l’Espagne.

138 prêtres du Morbihan et 43 religieux vont alors constituer, autour de l’évêque Charles Le Masle, l’église constitutionnelle assermentée. Bien que la population de La Gacilly adopte dès le départ les idées révolutionnaires, son curé du moment, Jean Chantreau, refuse, en 1791, de prêter le serment exigé par la Constitution Civile du Clergé. L’année suivante, il est remplacé par un « intrus », le citoyen Rubault. Le doyen de Carentoir, Gobrien Le Cerff, refuse également de prêter le serment prescrit. Un curé constitutionnel arrive à Carentoir en 1792 et le doyen réfractaire doit alors se cacher (voir Les Doyens).

Voici les cinq prêtres assermentés des environs de La Gacilly :

  • Thomas Chédaleux, né à Saint-Martin-sur-Oust le 21décembre1754, vicaire à Peillac, il prête le serment de 1791 et devient recteur constitutionnel de Saint-Martin-sur-Oust le 10 octobre 1792 en remplacement de F.J. Houeix. Il écrit une lettre à l’évêque Le Masle en faveur de Julien Cheval, recteur constitutionnel de la Chapelle-Gaceline. Il se marie, à Peillac, avec Françoise Guiot qu’on disait être sa bonne. Il fut tué par un coup de feu au bourg de Peillac le 19 janvier1795.
  • Pierre Dugué, né à Saint-Jacut-les-Pins, prête le serment de 1791 et devient recteur assermenté de Pluherlin. Il remet ses lettres de prêtrise en 1794 et déclare renoncer à ses fonctions le 13 décembre 1796.
  • Nicolas Dupré, né à Bains-sur-Oust le 28 décembre 1733, aumônier du régiment royal d’artillerie à Lorient, prête le serment prescrit par la loi du 10 août, à Lorient , le 27 septembre 1792.
  • Michel Robin, né à Tréal en 1727, d’abord vicaire à Carentoir, il le devient ensuite à Tréal où il est élu maire en 1790. Il prête serment le 1er février 1791. Ne s’entendant pas avec son recteur insermenté, il est nommé chapelain au village du Cleu. Le 25 février 1793, il est conduit à Vannes par la gendarmerie puis à la prison de Josselin. Libéré, on le dit « preschant publiquement l’obbéissance aux lois de la République. »
  • René-Noël Rubault, vicaire à La Gacilly. Ce dernier ne fut ni violent ni agressif mais fort attaché et jusqu’au bout aux idées révolutionnaires.( Voir chapitre spécial sur R.N. Rubault). Après le départ forcé de l’abbé Chantreau, curé de La Gacilly en septembre 1792, sur avis de Jean Cheval, il est nommé, par le conseil municipal de La Gacilly dont le maire est Joseph-Mathurin Grinsart, le 27 février 1793, curé de La Gacilly, Glénac, Cournon et d’autres communes voisines.

En mars 1792, parvient l’ordre d’enlever aux églises tous les ornements et objets de valeur : vases, croix de procession. En 1793, la Convention ordonne même que les cloches des églises soient saisies pour être envoyées à la fonte pour en faire des canons et aussi des pièces de monnaie. Cette mesure ne sera appliquée à La Gacilly que le 13 mars 1794 par les citoyens Grinsart alors maire et Jean Hersart, conseiller municipal. Toute l’argenterie existante fut envoyée à l’administration du district de Rochefort.. Les fidèles les plus sûrs se rassemblent et s’organisent afin d’éviter ces saisies et de mettre à l’abri les objets convoités. C’est ainsi que les cloches de Cournon sont cachées sous deux mètres d’eau dans l’ancien lit de l’Aff ; celles de Glénac sont immergées dans les marais et celles des Fougerêts dans l’étang du Groutel. Les vases sacrés sont remis à des mains sûres : à Sorel de la Juberde en Cournon et Jean-Louis Boudard à Glénac, aux habitants du village des Boissières aux Fougerêts.

Un nouveau coup dur attend le clergé réfractaire avec la loi du 27 mai 1792 qui stipule la déportation des prêtres insermentés à Rochefort, à Saint-Martin-de-Ré et même en Guyane. Le 28 juin, des arrestations massives de prêtres réfractaires sont opérées ; les dénonciations se multiplient et les mêmes dénonciateurs se retrouvent : Le Gall et Séguin de La Gacilly, (ce dernier devait pourtant être sauvé, plus tard, par le chouan Jouvance), Bloyet, Jolivet, Le Blanc de Carentoir. Le 18 septembre 1792, l’abbé Chantreau, curé de La Gacilly, refuse à nouveau de prêter serment et disparaît. Il ne réapparaîtra qu’en 1800. Il fut sans doute caché à Maupas en Carentoir où une maison possédait une cache et aussi à la Haute Bardaie où vivaient des parents du côté de sa mère, Anne Moulin.

Dès le début de 1793, les déportations commencent et certains prêtres sont même guillotinés, voire assassinés. Entre le 23 octobre 1793 et le 22 mars 1796, 25 prêtres morbihannais ont la tête tranchée dont :

  • Michel Després, né à Bains-sur-Oust au village de Penlheur le 2 août 1764 ; arrêté dans les vignes de Beau-Soleil non loin de Redon, il est vicaire de Bains-sur-Oust quand il est guillotiné le 24 octobre 1793 à Redon.
  • Julien Racapé, né en 1754 au hameau de Parsac en Saint-Just. Vicaire de Brain-sur-Vilaine, il est arrêté à Poubreuil en Saint-Just et guillotiné à Redon le 1° novembre 1793.
  • Julien-François Minier : né en 1761 à Rochefort-en-Terre, arrêté à Coëdali en Pluherlin ; vicaire de Limerzel, il est guillotiné à Lorient le 11 janvier 1794.
  • Joseph Pontgérard : né en 1747 à Augan dont il est le vicaire, il est arrêté en mer au large de Saint-Malo alors qu’il s’expatrie ; il est exécuté à Rennes le 11 mars 1794.
  • Noël Briend : né en 1743 à Saint-Perreux et vicaire de Sérent, il est arrêté à Sait-Perreux au village de Carouge et guillotiné à Vannes le 6 mai 1794.
  • Pierre Mahieux : né à Cruguel en 1764 et vicaire de Sérent, il y est arrêté au village de la Touche et guillotiné à Vannes le 26 mai 1794.
  • Mathurin Le Breton : né en 1749 au village de Priziac en Pleucadeuc dont il est le vicaire, il est arrêté à Rochefort-en-Terre et exécuté à Lorient le 7 juillet 1794.
  • Jean-Toussaint Hamery : né le 23 novembre 1759 à Guer où il est arrêté, il est exécuté le 22 mars 1796 à Vannes.

Il faut faire remarquer que, sur les 8 prêtres réfractaires qui sont guillotinés en 1793 et au début de 1794, 6 furent arrêtés aux environs de La Gacilly ce qui dénote l’état d’esprit qu’il pouvait y avoir dans la région.

Pendant cette même période, les déportations sont aussi très nombreuses.

19 prêtres réfractaires morbihannais sont envoyés sur les pontons de Rochefort sur Mer en 1794 dont :Pierre Hervé de Guer

Pierre Pierre, né à Saint-Gravé en 1745 et arrêté à l’Abbaye en Bohal, il décèdera à bord des Deux-Associés et sera inhumé à l’île d’Aix.

Joseph Robert, né au village de la Croix en Cournon , il en devint le vicaire. Il assista, avec Rubault, à la bénédiction de la seconde cloche de l’église Saint-Nicolas de La Gacilly ; il fut arrêté à Cournon en septembre 1792. Il part le 26 mars 1794 pour Rochefort sur le Patriote. Descendu sur l’île Madame comme malade, il devait y mourir et y être enterré le 2 septembre 1794.

En 1798 et dans les années qui suivirent, 27 prêtres morbihannais sont déportés à Rochefort sur Mer et Saint-Martin-de-Ré, l’un d’entre eux y décèdera. 17 partiront pour la Guyane et 5 ne reviendront pas dont Vincent Denoual, né à Sérent en 1744 et archiprêtre de la cathédrale de Vannes, il est arrêté à Kernué en Guégon et envoyé en Guyane où il décède le 22 décembre 1798.

Parmi les déportés à l’île de Ré et l’île d’Oléron, il y a :

Louis-Marie Briand, né en 1750 à Carentoir, vicaire à la Chapelle-Gaceline.

François Peschoux, né à Quily en 1754 et vicaire à Quelneuc, il se cache dans un chêne creux près du Val en Quelneuc ; capturé, il est déporté à Saint-Martin-de-Ré de 1796 à 1800 ; le vitrail de la porte Nord de l’église du bourg de Quelneuc retrace l’épreuve de cet abbé courageux et fidèle à ses principes.

Guillaume Michel, né à Carentoir en 1737, dessert la trève de la Haute-Bouëxière ; élu recteur constitutionnel de Carentoir, il refuse ce poste et se cache alors aux Feuges en Tréal et quelques fois dans un chêne creux au village des Touchettes. Arrêté, il est déporté à Saint-Martin de Ré.

Pierre-Alexandre de la Villeloays, né en 1751 à Saint-Nicolas-du-Tertre, devient prêtre habitué de Carentoir ; caché à la Touche Peschard, il est arrêté et conduit à Vannes pour être jugé puis déporté à l’île de Ré. A son retour, il deviendra recteur des Fougerêts et de Cournon.

Parmi les 59 prêtres réfractaires morbihannais assassinés, il y a : 

Thomas Chédalleux (voir les prêtres assermentés).

Joseph Guéhéneuc, né à Peillac, vicaire à Saint-Martin-sur-Oust, il est tué par les Bleus au village de la Touche-Morin en Peillac.

Yves Le Priellec, né à Vannes, recteur de Tréal ; agenouillé derrière une porte, il est fusillé au village de la Ville-Jeanne par les bleus qui tirent à travers la porte. Son vicaire, Michel Robin, avec qui il ne s’entendait pas, fut sans doute à l’origine de cet acte.

Certains prêtres âgés et/ou malades furent emprisonnés à la Retraire de Vannes ; ce fut le cas pour Robin de Tréal à 64 ans, Naël de Peillac, Collet de Bains-sur-Oust, Pierre Déro de Saint-Martin-sur-Oust à 60 ans, Caudard de Limerzel, François Pucelle de Peillac à 72 ans, Robert de Cournon .

Afin d’éviter la guillotine, la prison ou la déportation, les prêtres insermentés se « terrent » : quatre se cachent à Carentoir, six à Bains-sur-Oust, deux aux Fougerêts, un à Glénac, deux à Peillac, deux à Allaire, trois à Rieux dont l’abbé Tual qui, arrêté, réussit à s’échapper mais son frère fut fait prisonnier à sa place. Les fidèles qui aident le clergé à se cacher et à se nourrir sont durement réprimandés. Ainsi, pour avoir donné asile à l’abbé Robin, Louis Guillotin de Tréal eut son grenier incendié par les bleus. Dénoncé par le révolutionnaire Le Blanc de Carentoir, l’abbé est prévenu à temps et se cache pendant un certain temps dans les taillis très touffus de la forêt de la Bourdonnaye.

Parmi les prêtres qui se cachent autour de La Gacilly, il y a :

  • Jean-Mathurin Chantreau : voir à ce chapitre.
  • Julien Cheval, né à Carentoir, il demeurait au village de la Boussardaie en la Chapelle-Gaceline, trève de Carentoir, et y faisait fonction de prêtre habitué. Dénoncé par un nommé Berthelot à qui le directoire du district attribue cent livres, il est conduit à Vannes. Chédaleux, assermenté, intervient en sa faveur en disant de lui qu’il ne « presche pas contre la Révolution et ne fréquente pas les prêtres réfractaires. » Julien Cheval rentre chez lui, réclamé par la municipalité alors que l’évêque avait demandé à Louis-Marie Briand, en 1800, d’assurer la messe à la Chapelle-Gaceline.
  • Julien Etrillart, né au Temple de Carentoir en 1758, vicaire à Carentoir, il y fondera un petit collège en 1803.
  • Joseph Le Guéhéneuc, né aux Fougerêts, vicaire perpétuel de Saint-Pierre de Vannes, il vient se mettre à l’abri aux Fougerêts après avoir été sur le point d’être arrêté le 19 juin 1792.
  • François Houeix, né au manoir de Beaumont en Saint-Laurent-sur-Oust , recteur de Saint-Martin-sur-Oust, il disparut à l’arrivée de Thomas Chédalleux.
  • Guillaume Michel : voir aux déportés à l’île de Ré.

Certains prêtres, au lieu de se cacher près de chez eux, préfèrent carrément s’exiler ; ce fut le cas pour :

  • Nicolas Andrieu, né aux Fougerêts ; après s’être caché pendant quelque temps, il part pour l’Espagne en compagnie de René Houeix de Ruffiac. Il mourut en exil.
  • Vincent Bouchet, né à Carentoir et devant être emprisonné à la Retraite des Femmes à Vannes, il choisit de s’exiler. De retour, il mourut à la Provotaye le 19 septembre 1796 et enterré dans la chapelle Saint-Adrien en Carentoir.
  • François-Vincent Dudoué, né à Carentoir en 1755, prêtre à Questembert, il décide de s’exiler en Angleterre tout en faisant mine de partir pour l’Espagne.
  • Jean-Marie de la Houssaye, né à Rieux (ou à Malansac), retiré à Saint-Martin-sur-Oust et pressentant d’être arrêté, il s’exile pour l’Espagne.

Enfin, pour terminer la liste de toutes ces misères, certains prêtres furent arrêtés et détenus ayant refusé de se cacher ou de s’exiler ; ce fut le cas pour :

  • Jean-Joseph Charlot, recteur de Carentoir, à 70 ans, il est interné à la Retraite des Femmes à Vannes où il décèdera le 22 mai 1794.
  • Mathurin-Marie Cheval, né à Sixt-sur-Aff, vicaire d’Allaire puis recteur de Pleucadeuc. Interné au Petit-Couvent de Vannes, il promit de prêter le serment afin de sortir de prison ; libéré, il dut se cacher jusqu’en 1800, il redevint alors recteur de Pleucadeuc.
  • Pierre Dero, né à Saint-Martin-sur-Oust en 1735, prêtre dans cette paroisse, il est arrêté au village de Grossené et interné à la Retraite des Femmes à Vannes, puis à Josselin et ramené à Vannes et enfin libéré à la demande des officiers municipaux de Saint-Martin-sur-Oust au général Bruc. Mais il dut à nouveau se cacher et il fut saisi, le 5 octobre 1799, par une colonne venue de Rochefort-en-Terre. La tradition assure que sa sœur put le voir à La Gacilly et apprendre de lui où il avait caché son argent. Interné au Petit-Couvent à Vannes, il fut libéré le 24 décembre 1799.
  • François Le Boursicaud, né à Guégon, vicaire à Carentoir ; insermenté comme son doyen Gobrien Le Cerf, il est arrêté par les gendarmes de Rochefort-en-Terre parce qu’il était dans une maison d’hommes en armes et interné au Petit-Couvent à Vannes. Dans la nuit du 20 décembre 1796, il s’évada avec neuf autres prisonniers et se cacha à Carentoir. Après 1800, il devint vicaire de Caden puis recteur de Molac.
  • Gobrien Le Cerf : voir à doyens de Carentoir.

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La Chouannerie.

La suppression des pouvoirs du roi et la création des comités de surveillance en 1790, l’adoption de la Constitution Civile du Clergé et l’arrestation du roi à Varennes en 1791, l’abolition de la royauté en 1792 et la conscription forcée des jeunes en 1793, tous ces évènements majeurs provoquent une émotion considérable parmi la noblesse mais aussi parmi les paysans plutôt royalistes qui condamnent même les exactions commises dans les châteaux par quelques aventuriers et révolutionnaires de dernière heure. Mais c’est en mars 1792 que commence vraiment la chouannerie lorsque la Constituante donne l’ordre d’enlever des églises tous les objets et ornements sacrés de valeur ; de plus, de nombreuses réquisitions affectent surtout les paysans qui sont tenus de fournir des bêtes et des denrées pour le ravitaillement des troupes. Ces mesures vexatoires et inopportunes exaspèrent la population des campagnes et amènent à la rébellion contre la nouvelle république en laquelle elle avait fondé de grands espoirs. Une partie de la noblesse, les paysans, le clergé et les petites gens comprennent qu’ils ont été bernés. Une affreuse guerre civile, la pire des guerres, s’abat alors sur la Bretagne et la Vendée. Pendant près de dix ans, toutes sortes d’atrocités vont être perpétrées entre les deux camps : d’un côté, les blancs royalistes, défenseurs de la religion et du roi, appelés aussi les Chouans et, de l’autre côté, les bleus ou républicains.

Le nom de Chouan viendrait du nom de leurs premiers chefs, deux paysans du Maine, les frères Cottereau, vulgairement appelés les frères Chouan qui le tenait eux-mêmes de leur aïeul paternel surnommé Chouan (de chat-huant) à cause de son caractère morose. Selon d’autres, ce nom viendrait de ce que le cri du chat-huant ait servi de cri de ralliement aux royalistes. La chouannerie représente le type même de la guerre d’embuscade faite par de petites bandes de gens de la campagne armés de faux, de fourches ou de bâtons mais toujours prêts à se jeter sur les détachements républicains. A partir de 1793, une véritable insurrection prend naissance en Vendée surtout à partir du 25 février, date à laquelle la conscription prit un caractère obligatoire ; elle s’étend rapidement à l’Anjou et à la Bretagne. Une armée catholique et royale est créée ; elle est commandée au départ par Stofflet et Cathelineau puis, par la suite, par d’anciens officiers nobles comme Bonchamps, Lescure, La Rochejacquelin, Charette et d’Elbée

1793.

Comme dans les villes environnantes, il y eut d’abord des bandes de blancs insurgés. Un essai d’organisation de ces bandes de Questembert à La Gacilly en passant par Allaire est tenté par M. Léopold de Cacqueray, un gentilhomme manceau de 22 ans, ancien page de Louis XVI ; il établit son quartier général en 1792 au château de la Bourdonnaye et commença à recruter sur Glénac, Les Fougerêts, Carentoir et Ruffiac. Les deux frères Boutemy de Glénac et Jouvance des Fougerêts ne le quitteront plus. Dans ce château, les chouans transforment l’une des tours en atelier de fausse monnaie ; quelques-uns de leurs outils seront découverts, plus tard, enterrés dans le potager, entre autres une imprimante mobile et un peu d’or. Léopold de Cacqueray , sous les ordres du marquis de la Rouërie, commence par créer une poste clandestine dont les étapes principales sont la Minière en Réminiac, la Noë Cado aux Fougerêts, Port-de-Roche sur la Vilaine. Malheureusement, un an après son arrivée, il tombe dans une embuscade entre Saint-Nicolas-du-Tertre et Ruffiac où il fut tué. Il semble que ce fut l’œuvre de Chedaleux qui avait abandonné le bréviaire pour la carabine. C’est la raison pour laquelle les Chouans condamnèrent ce dernier à mort ainsi que trois autres personnes, une de La Gacilly et deux autres de Cournon. Quelques jours plus tard, le prêtre Chedaleux était fusillé avec une des deux personnes de Cournon.

Dès le début de 1793, La Gacilly est devenue un poste militaire. Elle a sa petite garnison de républicains que renforce une garde nationale plus dévouée que nombreuse. Cette première garnison de 45 hommes venue à La Gacilly appartient au 109° Régiment d’Infanterie de Rouen qui a laissé une triste réputation par ses déprédations, ses brigandages et ses crimes, faits rapportés par J.M. Seguin dans le compte-rendu qu’il fait de l’attaque de La Gacilly par les Chouans. Les troupes républicaines, cantonnées passagèrement dans les localités menacées par les Chouans, vivaient sur le pays et ne se faisaient aucun scrupule de piller, de voler, ni même de tuer ceux qui leur résistaient. Le représentant du peuple Brüe, ainsi que les généraux Hoche, Quantin et Krieg se plaignent amèrement dans leurs rapports de l’indiscipline, de l’immoralité et de la cruauté de ces troupes et prendront des mesures sévères pour les ramener à l’ordre. En plus des réquisitions générales, il faut citer les innombrables et dangereuses corvées auxquelles sont assujettis ceux qui ont des chevaux ou savent les conduire pour transporter les grains à Vannes, à Rennes, à Redon dans les magasins militaires, à Saint-Perreux, à Malestroit ou à Rochefort. Ils doivent aller chercher ces mêmes grains, le plus ordinairement de nuit, dans les communes du canton et des cantons voisins afin de les mettre en sûreté dans les halles de la ville. Tout cela ne va pas sans danger ni risque car il faut le faire dans des chemins défoncés et presque impraticables, à travers des bois et des forêts où se cachent des bandes de malfaiteurs, de réfractaires et de déserteurs sans foi ni loi, ne vivant que de pillages et de vols. Les Chouans se tiennent à l’affût, régulièrement encadrés par d’anciens officiers du roi. Ils cherchent l’occasion de se ravitailler en prenant les grains réquisitionnés, les considérant comme leurs puisque, en majeure partie, ces grains ont été enlevés de force aux fermiers des émigrés.

A La Gacilly, l’entrée de chaque rue est fermée par des portes, la halle est close, barricadée et crénelée pour se mettre à l’abri d’un coup de main des Chouans ou des bandes d’insurgés qui parcourent toujours le pays ; le temps n’est plus où elles se bornaient à rançonner leurs adversaires ou à raser par moitié la tête des fonctionnaires publics. Autour de La Gacilly, ces bandes d’insurgés prennent le nom de Ho Ho ou de Hou Hou ; elles dévastent la campagne gacilienne parce que les principes de réforme de 1789 y ont été bien accueillis dès le début.

14 mars 1793. 

Les paysans des environs, à peine armés, attaquent la ville de Vannes voulant comme ils disent « crocher avec la Nation et mourir pour la Religion, parce qu’ils n’ont plus leurs bons prêtres. »

15 mars 1793.

D’autres s’emparent de la Roche-Bernard. Deux administrateurs du district, le dénonciateur Le Floch et le jeune Joseph Sauveur sont massacrés par la foule irritée ce qui fit changer le nom de la Roche-Bernard en Roche-Sauveur. Le Directoire ordonne de payer 600 livres à la municipalité de Redon pour maintenir sa sécurité menacée par les brigands répandus dans les paroisses limitrophes à la distance d’une, de deux ou trois lieues. En réalité le péril est proche : des rassemblements se sont formés à Bains-sur-Oust, Pipriac, Saint-Séglin, Bruc-sur-Aff et Saint-Vincent-sur Oust. Dans le port, un navire a, ce jour, mis le pavillon blanc.

16 mars 1793.

Rochefort-en-Terre tombe aux mains des paysans exaspérés de la persécution religieuse. Les bandes de Hou-Hou aident grandement les Chouans à réaliser le « sac » de cette ville ; 1.500 assaillants armés d’objets hétéroclites s’emparent du chef-lieu du district sans grande difficulté, les hommes du 109° Régiment d’Infanterie de Rouen n’offrant qu’une piètre résistance et les républicains s’étant enfuis devant cette horde déchaînée ; parmi les bleus en déroute, il y a Geslin, Séguin, Le Blanc, Le Clainche, Le Gall, Hurel et Hoëo-Boisgestin. Trois personnalités, membres du comité révolutionnaire, surprises dans les caves du château où elles s’étaient cachées, sont massacrées : le chirurgien Duqueno, Denoual et l’avocat Lucas de Bourgerel. C’est en souvenir de leur sacrifice que Rochefort-en-Terre sera appelé Roche-des-Trois jusqu’à l’Empire, c’est à dire pendant une vingtaine d’années. Parmi les blancs, il y a Gilles Davalo du Rocher en Tréal, Pierre Chevalier, venu de Carentoir avec 68 hommes, sous les ordres du lieutenant local Montméjean, de son vrai nom chevalier Montbrun Dupuy-Montméjean qui est alors le chef de la chouannerie dans le secteur de La Gacilly, Carentoir, Malestroit, Saint-Gravé et les marais de Glénac. Lieutenant au régiment du Forez à Sedan en 1786, marié à Melle Anne-Gabrielle Le Roy de la Danais le 29 janvier 1782, il émigra en 1791 mais revint clandestinement dans la région où habitait sa femme, à la Grée-Horlay et c’est là que les Chouans de Carentoir vinrent le chercher pour être à leur tête. Sa tête fut mise à prix à trois reprises pour 600 livres et en particulier après le « sac » de Rochefort-en-Terre. Après la prise de cette ville, les Chouans y installèrent une garde permanente de 3 à 400 hommes que les paroisses environnantes devaient fournir. Trois d’entre elles : La Gacilly, Saint-Marcel et Réminiac n’ayant pas participé à la prise de cette ville refusent d’y envoyer un contingent. Le général Beysser arrive à Redon encerclé par les Chouans. Il se heurte à eux à Aucfer mais il se retire. Il attaque ensuite le passage de Saint-Perreux puis se dirige sur La Gacilly lorsqu’il apprend la prise de la Roche-Bernard par les Chouans. Après la reprise de la Roche-Bernard quelques jours plus tard, 200 hommes sont envoyés sur Glénac, La Gacilly et Les Fougerêts dans l’un des villages de ce bourg, les Zéreux où des dénonciateurs fixent encore le nombre des hommes envoyés à Rochefort-en-Terre à près d’un cent. Il n’y eut pas d’arrestation mais une perquisition de céréales.

18 mars 1793.

Un Chouan venu de Rochefort-en-Terre nommé Brière de Peillac (certains pensent plutôt à La Feuillade des Fougerêts), envoyé par Montméjean, arrive à cheval à La Gacilly et somme les habitants de fournir 40 hommes pour le lendemain midi à la garnison improvisée de Rochefort ; il confie à Jean Cheval du Châtelier, le commandement de la paroisse au nom du roi. C’était pour le moins étrange car Cheval était déjà agent national de La Gacilly pour la République ; mais, en ces temps troublés, bien d’autres choses extraordinaires se produiront. Les républicains gaciliens tentent de s’emparer du Chouan par la force sans y parvenir. Ils demandent aussitôt du renfort à Redon, renfort qui ne viendra pas. Il ne peut venir car l’armée républicaine est complètement débordée et submergée par ce mouvement soudain et inattendu des masses paysannes marchant en avant partout à la fois. Alors les membres du comité révolutionnaire et les fonctionnaires, ne se sentant plus en sûreté, inaugurent une tactique qu’ils prendront à chaque menace du danger. Pris de peur, ils se sauvent en hâte pour se mettre à l’abri sous la protection des baïonnettes républicaines, laissant les petites gens qu’ils ont compromis recevoir les coups à leur place. Ce qui le montre bien, c’est que l’enquête faite à La Gacilly après les évènements de mars par le commissaire du département d’Ille-et-Vilaine à Redon, ne cite comme témoins que de petits commerçants, des artisans ou des ouvriers de la localité. Ce sont Pierre Hallet, Paterne Soulaine, François Thomas, cordonnier, Jérôme Petit, tanneur, Louis Pignaud, tanneur et Jean Epaillard, cordonnier.

Revenons à ce fameux La Feuillade, de son vrai nom Louis Bocherel de Renac, maçon de son métier, il fut d’abord incorporé dans la garde nationale mais il déserta, il apparaît comme un cerveau brûlé ; il rejoint les partisans de la Chouannerie. Un jour, il plante un drapeau blanc au faîte de l’hôtel de ville de La Gacilly promettant de « plomber les fesses au premier qui s’aviserait de l’aller chercher ». De fait le drapeau resta assez longtemps et il fallut l’intervention d’une troupe sous le commandement du capitaine Blancheville pour descendre le drapeau blanc.

23 mars 1793.

L’ordre de Brière étant resté sans réponse, celui-ci arrive avec sa troupe par la rue Saint-Vincent ainsi que les hommes de Chevalier de Carentoir. C’est alors la première attaque de La Gacilly par les Chouans. « La ville est vite envahie et ses défenseurs désarmés » dit un rapport officiel. Voici le récit fait par des témoins gaciliens au commissaire de Redon : « Le samedi 23 mars à 8 heures du matin arrive une troupe d’hommes ayant à leur tête Brière de Peillac et Chevalier de Carentoir. Nous savons d’autre part que ceux-ci étaient sous le commandement de Vaillant fils, du Bignon, adjoint au capitaine de Peillac. Ils demandent à haut cri leur Roi, leur Religion et leurs bons prêtres, invitent les habitants à se rendre et à remettre leurs armes ainsi que les clefs des greniers renfermant les grains des émigrés. Après avoir désarmé tous ceux qui tentaient d’opposer quelque résistance, l’attroupement mit bas le bonnet de la liberté et mit à la porte le drapeau blanc et sommèrent (sic) les habitants à prendre la cocarde blanche. » Les Chouans ne se retirèrent qu’après avoir mis les auberges au pillage et en emportant tout ce qu’ils purent trouver d’armes et de céréales. Contrairement à Rochefort-en-Terre et la Roche-Bernard, la première prise de La Gacilly par les Chouans se fit sans aucune violence grave sur les habitants et sans effusion de sang parce que les républicains gaciliens sur lesquels les arrivants auraient pu décharger leur colère, s’étaient prudemment éclipsés et que les paysans insurgés ne trouvaient plus pour les recevoir que des connaissances, des amis et même des parents tyrannisés comme eux par les fonctionnaires orgueilleux du nouveau régime. La cause de ce soulèvement populaire qui, comme une puissante et invincible lame de fond, s’étendit soudainement à cette époque sur tout l’arrondissement, de Redon à Vannes et de la Roche-Bernard à La Gacilly et à Rochefort-en-Terre, fut la persécution religieuse. Comme l’a bien écrit l’historien Lenôtre : « Ce n’est pas contre la Révolution que combattit pendant tant d’années le peuple breton. C’est pour la liberté de ses croyances. » Cela est surtout vrai du mouvement de révolte de mars 1793. Ce n’est que plus tard que les royalistes tenteront de se servir du mécontentement populaire pour l’utiliser habilement en faveur de leurs visées politiques. Ce que demandent ces paysans soulevés, à Vannes comme à La Gacilly, c’est la libre pratique de leur religion, ce sont les prêtres bannis, dénoncés, traqués, emprisonnés et mis à mort, ce sont leurs églises fermées, profanées et désertes. Et leur colère s’adresse naturellement aux hommes de loi, aux juges, avocats, procureurs, tous gens détestés sous l’ancien régime qu’ils avaient rendu odieux par leurs rigueurs et leurs exactions et qui sont devenus les fonctionnaires honnis d’un nouvel état de choses encore plus insupportable que l’ancien puisque, non content de violer les bourses, il veut encore violenter les consciences. Ils s’en prennent avec raison à ces nouveaux maîtres du pays qui sont, le plus souvent, loin de valoir ceux qu’ils ont remplacés, car s’ils ont gardé leurs défauts en les exagérant, ils ont oublié leurs qualités et leurs vertus. Ils veulent demander des comptes à ces gens qui ont dénoncé, livré, poursuivi les prêtres fidèles, pour obtenir du pouvoir nouveau leur maintien en place ou leur avancement, qui se sont enrichis d’une façon scandaleuse en accaparant les biens des nobles et du clergé et qui, se glorifiant seuls du nom de citoyens comme autrefois de leurs titres de propriété dont ils semblaient faire des titres de noblesse, s’imposent par la tyrannie et la terreur aux humbles et aux petits sans défense.

26 mars 1793.

Ce soulèvement spontané des masses paysannes manquant d’organisation, de chefs et même d’armes ne put durer longtemps et il fut étouffé dans le sang par les balles et les baïonnettes des troupes républicaines qui furent rappelées en toute hâte des garnisons du Finistère. Heureusement, car les soldats républicains de Redon, las de la situation intenable qui leur est faite, bouclent leurs sacs pour rentrer à Rennes malgré leurs chefs, puisqu’on ne leur permet pas de se défendre. Les papiers d’archives et la caisse sont envoyés à Rennes. Bastide et Bellouard sont nommés commissaires et prient le Département d’envoyer une force armée quelle qu’elle soit. Le général Beysser arrive à temps et délivre cette place stratégique. Ses troupes, lancées sur notre région, promenèrent impitoyablement le pillage, l’incendie et le meurtre. Qu’il suffise de rapporter l’épisode sanglant de la reprise de Rochefort-en-Terre par les troupes républicaines, le lundi 26 mars, où 15 à 20 paysans, surpris inopinément au milieu de la foire qui se tenait ce jour-là, tombèrent sous les balles du 109° régiment d’infanterie et du bataillon de Maine-et-Loire, commandés par le général Petitbois et le colonel Félix. Les Bleus se montrèrent vraiment ce jour-là d’une cruauté révoltante. Ils avaient commencé leur journée en fusillant, pour se faire la main, dix paysans inoffensifs de Caden et de Questembert, surpris par eux à l’auberge du Petit-Molac, se rendant à la foire de Rochefort-en-Terre. Entrés en ville facilement grâce à l’encombrement causé par ceux qui venaient au marché et empêchaient toute garde sérieuse des portes, ils tirent et tuent à tort et à travers, ne faisant aucune distinction entre les gens portant des armes et ceux venus pour leurs affaires. Les femmes et les enfants ne furent pas épargnés. La femme de Maury, l’un des principaux révolutionnaires de Rochefort-en-Terre, tomba sous leurs coups ainsi que l’un de ses enfants âgé de neuf ans. L’un des officiers de cette troupe écrit : « J’ai vu la mère et l’enfant couchés sur le même lit et quatre filles avec une vieille femme pleurant cette double perte. » Les républicains se répandirent ensuite dans les maisons, égorgeant, pillant, brisant tout sur leur passage. Le château lui-même, siège du comité du district, ne fut pas épargné par les soldats qui y mirent en pièces les glaces et les meubles. Naturellement les révolutionnaires célébrèrent à cette occasion le triomphe et la gloire de leurs armes. « Parlons plutôt, comme l’écrit un autre officier républicain, de rapines et d’assassinats. Rochefort offre de toutes parts, une scène dégoûtante de meurtre, de pillage et de débauche. » Apprenant les mauvaises nouvelles venues de Rochefort-en-Terre, les Chouans restés à La Gacilly se retirent et la ville reprend peu à peu son calme. L’alerte passée, ceux qui avaient fui pour éviter de rendre des comptes aux paysans insurgés rentrèrent et le curé constitutionnel avec eux. Les délibérations du conseil municipal du 12 mai et du 20 mai 1793, ( la première concernant les enrôlements volontaires et la seconde l’organisation d’une garde nationale ), montrent d’une façon évidente que tout était rentré dans l’ordre puisqu’elles portent que les arrêtés devront « être proclamés au prône de la Grand’Messe de cette ville.»

4 avril 1793.

Le Batteux, Bastide et Gentil viennent en renfort pour tranquilliser les paroisses environnantes. Roussel, ex-curé de Pluherlin, est capturé à Bains-sur-Oust.

8 avril 1793.

Une délibération du district de Rochefort organise la recherche des coupables de la prise de Rochefort et, ayant su que des chefs chouans s’étaient réfugiés dans la commune de Carentoir, nomme le citoyen Le Blanc pour son commissaire avec ordre de se rendre avec 80 hommes du 3° bataillon du Maine-et-Loire pour y effectuer toutes les perquisitions possibles. Les chefs chouans dont Montméjean ne sont pas trouvés ; par contre, des bestiaux lui appartenant sont saisis et il est décidé de les vendre à la prochaine foire de La Gacilly pour éviter des frais de transport et de nourriture.

27 avril 1793.

Un détachement du 39éme régiment de ligne arrive pour renforcer les troupes redonnaises.

29 avril 1793.

Les administrateurs du district de Rochefort adressent une lettre au citoyen Grinsart de La Gacilly, chargé d’acheminer les vases sacrés pris dans l’église de la Chapelle-Gaceline : « Le citoyen Le Blanc, commissaire des autorités constituées de Rochefort vous remit pendant son séjour à La Gacilly, les vases sacrés mal à propos saisis dans la sacristie de la Chapelle Gasseline par un détachement de la force armée et vous laissa l’ordre de transférer ces vases à Carentoir et d’en prendre récépissé de la municipalité. Nous sommes instruits que vous avez négligé de faire ce dépôt. Le citoyen Le Blanc ignorait alors qu’il y eut à la Chapelle Gasseline un corps délibérant ; instruit de son existence, nous vous réitérons l’ordre de faire de suite la remise de ces vases aux mains des membres de ce corps, dont vous prendrez décharge. Vous resterez comptable de l’exécution. » Qu’advint-il par la suite ???

20 mai 1793.

Chevalier de Carentoir, sous-lieutenant de Montméjean, est arrêté à Carentoir. C’est également à ce moment-là que 14 jeunes gens de Carentoir, refusant la conscription, sont capturés dans les auberges par Hoëo-Boisgestin mais délivrés la nuit même par Montméjean.

23 mai 1793.

Montméjean est arrêté à Malestroit avec Mathurin de Saint-Martin-sur-Oust et guillotiné le 29 du même mois. Les propriétés du premier sur Carentoir sont vendues comme biens nationaux ; sa métairie et son pourpris de la Danais sont adjugés au prêtre assermenté Rubault de La Gacilly pour la somme de 7.175 livres. Comme sous-lieutenants, il avait : Chevalier de Carentoir, Caillet des Fougerêts, né à Saint-Jacob en 1773, le fils d’un garde-gruyer (garde forestier) des de Rieux ; à la mort de son père, il devint garde de la Forêt-Neuve. A vingt ans, devant partir, il se fait hors-la-loi et devient l’intermédiaire indispensable de de Sol. Il fut fait prisonnier à l’enlèvement de La Gacilly en 1795 mais, estimé également par les bleus, ceux-ci faciliteront son évasion. Le fusil d’honneur qui lui fut remis à la Restauration, existait encore chez ses descendants aux Fougerêts il n’y a pas si longtemps. Un des frères Boutémy de Glénac qui s’était signalé comme un des premiers sous-lieutenants, semble avoir eu les qualités d’un combattant de valeur. Il passa en Vendée et fit la campagne de 1794. Il fut fait prisonnier en 1795, près de La Gacilly mais les bleus de ce pays facilitèrent également son évasion. Il mourut à Glénac.Autre sous-lieutenant de Montméjean, c’est Gilles Davalo de Tréal : braconnier, malin, rusé, un jour, les bleus sont mis au courant de l’endroit de sa cache dans une taille. Davalo et deux de ses compagnons chouans devaient couper du blé noir au fermier du Pré-Clos en Tréal. Le soir venu, les bleus cernent le repaire, rien n’ayant bougé, on se rue sur la cache, elle est vide. Pas tout à fait peut-être car trois « reliefs » nauséabonds y attestent le passage récent des trois hors-la-loi. Ensuite, Davalo commande une petite troupe de cavaliers cantonnés aux Fougerêts. Jouvance, le connaisseur du marais, sera son agent de liaison ; facteur, passeur, populaire, sans ennemi même chez les adversaires, c’est lui, dit-on, qui sauva Séguin de La Gacilly en 1795.

Fin mai 1793.

Moins de quinze jours après la prise de Rochefort par les Bleus, une terrible répression est menée par Le Batteux, républicain affirmé de Redon, l’émule du sinistre Carrier de Nantes. Pourtant les troupes républicaines sont peu nombreuses dans la région car elles ont dû marcher vers la Vendée qui vient de se soulever. N’est-il pas drôle alors de voir le général Avril, venant d’arriver à Redon, mobiliser 54 hommes et en emprisonner 60 autres pour les joindre à la garde nationale et au contingent fourni d’office par les petites localités. La Gacilly envoie, sur réquisition de Lochal, commissaire général du représentant du peuple, Boureault, la moitié de sa fameuse milice soit cinquante hommes à Renac, sous le commandement de Guillemin et Le Roy. « afin de recevoir les ordres du citoyen commandant en chef, pour la garde de la rivière d’Ille-et-Vilaine (sic). » Avant son départ pour cette mission, Guillemin eut bien de la peine à constituer, avec l’aide de la municipalité, une liste de cinquante nouveaux hommes pour remplacer ceux du détachement qu’il emmenait.

Nous arrivons à cette époque atroce de notre histoire nationale si bien caractérisée par le nom de la Terreur. Le parti des exaltés ou Montagnards , étant parvenu à dominer la Convention nationale après les journées du 31 mai et du 2 juin 1793, fait arrêter un grand nombre de modérés ou Girondins, expulse les autres de l’assemblée, les oblige à fuir ; ceux qui résistent sont pris et guillotinés ; il impose au pays, par la force, sa tyrannie sanguinaire.

Juin 1793.

Le commissaire du peuple Loyer réquisitionne et emmène tous les bons chevaux du canton de La Gacilly. Un peu plus tard, le citoyen Mignotte, partant de Redon, parcourt toutes les campagnes environnantes, y compris La Gacilly, « à l’effet de requérir tous les foins, pailles et avoines et les faire charoyer à Rennes pour être versés dans les magasins de cette ville à la disposition de l’armée des Côtes de l’Océan. »

12 juin 1793.

L’administration de Roche-des-Trois se replie à Malestroit.

30 juin 1793.

Une réunion plénière et révolutionnaire du conseil général de Redon est tenue pour prendre des mesures efficaces contre la chouannerie. Elle décide d’envoyer chaque jour à midi de Redon, un courrier à Peillac où il trouvera celui de Malestroit et cela autant que les circonstances critiques dureront.

2 juillet 1793.

Le général Avril quitte Redon. Après l’échec des Vendéens sur Nantes, un bataillon de volontaires du Loir-et-Cher arrive à Redon commandé par le colonel de Bègues ; le capitaine Dubois arrive à Rochefort-en-Terre avec des volontaires du Maine-et-Loire.

9 aout 1793. (21 thermidor an II)

Un arrêté du directoire de Redon, tendant à faire approvisionner le marché de Redon, ordonne aux communes qui ont l’habitude d’y apporter leurs marchandises, de ne pas faillir à les apporter encore et cela en quantité déterminée. C’est ainsi que La Gacilly doit fournir 20 livres de beurre et 15 demés de grains. Bien sûr ce n’est qu’un minimum et chaque commune peut apporter une quantité supérieure de denrées. Un rappel de ce décret donnera lieu à un nouvel arrêté le 21 pluviôse an III.

12 et 16 août 1793. (24 et 28 thermidor an II )

Par une loi, la Convention qui ne comprend plus que des extrémistes, ordonne l’arrestation des suspects sans même se donner la peine de définir ce qu’elle entend par ce mot et dans quel cas on le devenait. Cette loi abandonnait tout à l’arbitraire des autorités locales et on devine quel instrument de basse vengeance elle allait devenir dans un pays désorganisé et divisé. La Convention allait encore faire voter coup sur coup les mesures tyranniques pour le peuple : la levée en masse, l’emprunt forcé, le maximum fixé pour la vente ou l’achat des denrées et, enfin, poussé par la haine antireligieuse, décréter l’abolition du culte catholique et son remplacement par le culte de la déesse Raison. Pour faire exécuter ces décrets et ces lois, elle expédie des commissaires du peuple, avec pleins pouvoirs, dans les provinces, crée dans chaque localité un comité de surveillance pour exciter le zèle des autorités locales, sous la menace d’être dénoncées et qualifiées de suspectes, c’est à dire vouées à la prison et à la guillotine. C’est le règne de la terreur qui commence et qui, pendant plus d’un an, va peser si durement et si douloureusement sur notre malheureux pays, versant à flots le sang de nombreuses victimes, la plupart innocentes et faisant déborder sur la France un torrent fangeux d’impiétés infidèles. La Gacilly en eut sa petite part et, par la volonté tyrannique du comité de surveillance imposée à la municipalité, elle dut subir la célébration d’une fête de la Raison en janvier 1794.

13 août 1793. (25 thermidor an II)

Un gendarme de Roche-des-Trois arrive à Redon et prévient que, sur la commune de La Gacilly, il y a des chefs chouans qui se retirent. Des ordres sont donnés sur-le-champ pour les arrêter.

5 octobre 1793. (14 vendémiaire an II)

Le calendrier ordinaire est supprimé et remplacé par le calendrier républicain. Il change les noms des jours et des mois et met, à la place de la semaine de sept jours, la décade de dix jours transportant le repos hebdomadaire au décadi.

Octobre 1793. (vendémiaire et brumaire an II)

Le comité révolutionnaire de Redon n’ayant pas beaucoup agi, Le Batteux devient le président et opère de nombreuses arrestations du 8 au 12 octobre dans les environs. Després, vicaire de Bains-sur-Oust, est l’une de ses premières victimes, il est guillotiné le 27.

11 octobre 1793. (20 vendémiaire an II)

Carrier est à Roche-des-Trois ; il rétablit le Directoire du district.

22 novembre 1793 . (2 frimaire an II)

Le Batteux est nommé commissaire de la ville de Redon. Le Directoire de Redon fait appel au sinistre Carrier de Nantes qui visite la région pour organiser des tournées de répression dans les campagnes ; il passe le 9 octobre à Sixt-sur-Aff et à La Gacilly d’où il envoie une patrouille à Sourdéac pour arrêter Anne de Gouyon.

Louis-Marie de Gouyon, l’aîné de la famille, épouse en janvier 1790, Anne de Kerven, belle-sœur de Guillaume de Foucher chez qui il l’avait connue. On pourrait penser qu’un jeune homme noble qui se mariait à 25 ans en 1790 aurait pu attendre le rétablissement de l’ordre pour se marier mais les de Gouyon n’étaient pas gens à se laisser intimider ; c’est ainsi que Marie de Gouyon, sœur cadette de Louis, se présenta au tribunal de Vannes pour se porter adjudicataire des biens de ses frères émigrés ; personne n’osa renchérir sur elle et le lot lui fut attribué pour 3.000 livres. Anne de Gouyon, prétextant que son jeune enfant est gravement malade de la dysenterie, ce qui est vrai puisqu’il décèdera peu après, refuse de suivre les bleus à La Gacilly ; le chef du détachement consent à la laisser à condition qu’elle se rende à Rochefort-en-Terre sitôt la guérison. Peu de temps après, Anne de Gouyon étant restée chez elle, une troupe de 800 hommes cerne la maison de Sourdéac dès l’aube, arrête la dame du lieu et l’emmène à La Gacilly où elle est vouée aux huées de la populace et accusée d’avoir distribué aux Chouans des cocardes blanches qu’elle aurait elle-même confectionnées ; il n’en fallait pas plus pour l’envoyer à l’échafaud. Or, elle était totalement étrangère à cette affaire ; les cocardes avaient été données aux Chouans de Peillac et des Fougerêts ; en fait ce sont les deux vieilles demoiselles des Aulnays du Pont d’Oust qui étaient à l’origine de cette distribution. Anne de Gouyon est enfermée à la mairie de La Gacilly. Cheval, ancien notaire, assurant les fonctions d’agent national doublé de Séguin et d’un représentant de Le Batteux qui accompagne la colonne, fait subir un premier interrogatoire à Mme de Gouyon et aux autres prisonniers de la journée. Puis elle est interrogée par le commandant du détachement, un jeune homme d’une vingtaine d’années, aide de camp du général Beysser, aidé de deux inquisiteurs dont l’un posait les questions et l’autre écrivait. Pendant l’interrogatoire, l’officier qui n’intervenait pas et faisait les cent pas dans la salle, profitant d’une conversation des deux scribes avec de nouveaux arrivants, passa près de l’accusée et lui glissa à l’oreille : « Ne vous retournez pas, mais écoutez-moi. Niez toujours ferme. Vous serez conduite à Redon et vous demanderez à y être jugée par le militaire. C’est votre droit strict puisque l’accusation porte sur un fait qui relève des Conseils de guerre. Si vous êtes jugée par le civil, vous êtes perdue. » C’est ce qu’elle fit après beaucoup d’hésitation. Les deux inquisiteurs ne réussirent pas à la convaincre et le procès-verbal fut clos sans conclusion. En tout cas, Anne de Gouyon obtient le droit d’aller coucher chez une dame Le Roy, femme d’un chirurgien de La Gacilly. Le lendemain, elle est conduite, en charrette, à Redon, envoyée à l’auberge du Lion d’Or où loge le général Beysser ; là, un représentant du peuple en tournée et deux membres du district l’interrogèrent mais elle leur opposa l’argument d’incompétence. Vexés, ils se retirèrent jurant que le lendemain elle comparaîtrait de force devant la Commune. Jamais elle ne sut ce qui se passa entre le civil et le militaire ; ce qui est sûr, c’est que le lendemain, le jeune commandant entrait dans sa chambre accompagné d’un officier et d’un greffier qui, après lecture de l’acte d’accusation, commencèrent à l’interroger. C’est alors que le jeune aide de camp intervint pour déclarer que l’acte d’accusation était trop vague, trop imprécis puis il frappa un grand coup de poing sur la table en interpellant le greffier trop pointilleux et en arrêtant l’interrogatoire. Deux heures après, un officier remit à Mme de Gouyon un laisser-passer du général en lui disant qu’elle était libre. Un voisin, M. du Fresche de la Giraudais l’emmena chez lui et, le lendemain, Anne de Gouyon rentrait chez elle à Sourdéac. Comment expliquer l’intérêt que lui porta l’aide de camp ? Ici, il y a peut-être un peu de roman, mais il faut dire que la dame était fort jolie, n’avait que vingt-huit ans et le jeune officier n’en avait que trente. De plus, il a été rapporté que ce commandant avait été écœuré par le sort qui avait été fait à cette jeune dame par les habitants de La Gacilly et il y avait, au service de la République, des âmes généreuses et justes. Sa protégée s’informa de lui plus tard pour lui exprimer sa reconnaissance. Elle apprit avec regret qu’il avait été tué en Vendée. Peu de temps après ces évènements, les dames de Gouyon furent à nouveau arrêtées, conduites à Rochefort-en-Terre puis à Josselin d’où elles ne sortirent qu’à la chute de Robespierre.

3 décembre 1793. ( 14 frimaire en II)

Le Directoire du district adresse aux municipalités du district une lettre rappelant que chaque commune a un devoir d’approvisionnement des marchés. Un litige éclate à ce sujet avec La Gacilly qui, étant plus près de Redon, approvisionne plus facilement le marché de cette ville que celui de Rochefort. Un rappel est même fait par le Directoire du district au canton de La Gacilly de « faire passer sous huitaine au district de Rochefort dans le plus court délai 288 quintaux d’avoine et 32 milliers de foin que votre canton doit fournir pour la nourriture de 8 chevaux pendant un an ». Les cuirs sont réquisitionnés chez les tanneurs et les cordonniers. Le 6 du même mois, les souliers le sont aussi. Seul le maire, Augustin Grinsart s’en fit délivrer une paire dans les circonstances suivantes consignées au registre des délibérations du conseil municipal. 15 frimaire an II. Réunion du conseil général. Grinsart, maire, rappelle que l’administration du district de Rochefort écrit sans relâche pour prier de faire le plus de souliers possible pour le service de nos frères d’armes. Il dit : Vous savez comme moi que les cuirs sont d’une rareté étonnante et qu’il importe à la municipalité de prendre tous les moyens de justice pour s’en procurer. Je vous propose un fort cuir de voiture (sans doute un cuir épais pour les harnais) lequel ce me semble serait excellent pour talonage, en ne mettant surtout qu’un morceau sous chaque talon, ce qui serait dans ce cas rendre service à la République et ménager ses cuirs. Le corps municipal délibérant sur la proposition ci-dessus, considérant que cette partie aussi intéressante mérite toutes leurs sollicitudes, arrête que Pierre Soulaine, tanneur, va être appeler pour juger le cuir proposé. Le dit Soulaine, après avoir visité le cuir, a déclaré qu’il était de bonne qualité pour faire talonage surtout en ne mettant qu’un morceau de ce cuir sous chaque talon de soulier et a porté estimation de ce cuir à 16 livres. Mais le dit Grinsart ayant déclaré qu’il ne voulait pas exiger cette somme, qu’il se contenterait d’avoir une paire de souliers pour son cuir, ayant absolument besoin de souliers, en conséquence la municipalité a arrêté que le dit cuir serait taillé et mis en talonage, comme il est dit ci-dessus.»

Si Augustin Grinsart, fils d’un riche notaire, tanneur de profession et en outre maire de La Gacilly, avait tant de peine à se procurer des souliers, comment les autres étaient-ils chaussés ? Suite aux nombreuses réquisitions, les chaussures n’étaient pas les seules choses difficiles à trouver en cette fin d’année. C’est ainsi que les chevaux sont à nouveau réquisitionnés par le citoyen Lochal, commissaire général du représentant du peuple Boureault. La Gacilly dut fournir son contingent ainsi que de l’avoine pour nourrir les dits chevaux pendant un an, un équipage complet pour chaque cheval et un sabre de trente pouces de lame et une paire de pistolets. Peu après, il y eut aussi une réquisition des chanvres pour la marine et un nouveau prélèvement d’avoine pour les troupes.

 Fin de 1793. (nivôse an II)

 Les bourgs les plus révolutionnaires sont La Gacilly, Renac et Derval et certains villages comme les Zéreux aux Fougerêts et Bocquereu à Allaire. Au village de Binon en Bains-sur-Oust, près de la chapelle Saint-Laurent, la famille Dubignon est souvent inquiétée par les Chouans car un de leurs fils, auteur de fables distinguées, est membre de la Convention. Les chefs révolutionnaires les plus en vue sont Joseph Séguin à La Gacilly, Pierre Le Cars dit La Grole ou Pelo à Caden, Geslin à Rochefort-en-Terre, Chédaleux, le vicaire défroqué de Saint-Congard qui livrent leurs anciens collègues et enfin la brute de Savigne à Carentoir.

1794

Janvier 1794. (pluviôse an II)

Un appel d’aide est fait en faveur des armées ; les citoyens sont invités à faire des offrandes patriotiques de chemises, de bas mais surtout de souliers

 Les projets de Carnot, les premiers mois de 1794, laissent le champ libre à la chouannerie puisque les garnisons de Redon, la Roche-Bernard et Rochefort-en-Terre sont envoyées à Saint-Malo. Mais Kléber renvoie les hommes de Saint-Malo et Redon reçoit 800 hommes commandés par le général Bouvard. La perte de plusieurs grands chefs chouans comme Cathelineau à Nantes, Bonchamps à Cholet, La Rochejacquelin dans le Marais Vendéen et la répression sauvage de la Terreur diminuent quelque peu les ardeurs offensives des Chouans d’autant plus que les arrestations se multiplient et que les prisons regorgent de gens innocents.

 

13 janvier 1794 (23 nivôse an II).   

Le comité de surveillance de La Gacilly assemblé arrête que le citoyen Jacques La Loy, son président, se transportera à la municipalité pour l’inviter à mettre les lois en exécution avec plus d’exactitude qu’auparavant. D’où venait ce La Loy (ou Lalouet, car il signe des deux façons) et que devint-il après les évènements ? Questions sans réponse ; envoyé peut-être par le district ou par le département, il ne dut que passer à La Gacilly car les registres ne portent son nom qu’au moment de la Terreur. Le conseil municipal assemblé en hâte, La Loy se présente et dit : « Considérant qu’il est besoin de réveiller l’énergie républicaine, j’invite, au nom de la patrie, la municipalité à célébrer dimanche prochain, jour de décadi, la fête de la Raison, à ordonner des réjouissances au sujet de la prise de Toulon, de la destruction des Brigands de la Vendée et des progrès de l’armée républicaine sur tous les points de la République ; à planter dans la principale place, un arbre de la liberté surmonté du drapeau tricolore et à assister en masse à une aussi belle cérémonie. J’invite le maire à mettre les lois en exécution avec plus d’exactitude. L’insouciance est ici à son comble, le grand nombre des officiers municipaux quand il s’agit de l’exécution de la loi se tiennent toujours dans une coupable inaction. La loi si salutaire du 26 juillet relative à l’accaparement, n’a point été mise en exécution non plus que beaucoup d’autres. » Le citoyen La Loy abuse ici de son mandat de commissaire du peuple pour terroriser de pauvres conseillers municipaux qui font, au contraire, tout leur possible pour remplir au mieux des fonctions pour lesquelles ils ne sont nullement préparés et auxquelles, pour la plupart, ils ne comprennent pas grand chose. Nous les voyons se réunir dès que le district de Rochefort-en-Terre leur envoie des ordres, prendre des délibérations et des arrêtés, nommer des commissions pour l’exécution des lois et règlements ; nous les trouvons même un jour en permanence jusqu’à dix heures du soir « la Patrie étant en danger ». Sans doute ils perdent un peu la tête et ne savent à quoi se résoudre lorsque l’agent national de la commune, le jeune (il avait 28 ans), intelligent et actif Jean Cheval du Châtelier n’est pas là pour les diriger, mais enfin ils font de leur mieux et on ne peut demander l’impossible à ce petit groupe de Gaciliens, marchands, artisans, aubergistes et laboureurs, réunis autour du notaire Cheval et du chirurgien Le Roy, dont plusieurs ne savent pas écrire et peut-être même pas lire, qui sont inondés de lois, de décrets, d’ordres de réquisition, de formules de serment, etc…et qui se demandent avec une inquiétude croissante où on les mène. Ils sont pour la plupart, à ce moment, de braves gens qui, un peu grisés par le grand mot de liberté qu’on prodigue alors pour mieux cacher une nouvelle et insupportable tyrannie, ont accepté avec joie les honneurs, n’en soupçonnant pas les charges et les responsabilités. S’étant cru tout bonnement devenus à leur tour les maîtres du pays, ils commencent à s’apercevoir qu’ils ne sont que des jouets et des instruments entre les mains des meneurs et des exaltés : fonctionnaires révoltés contre leurs anciens maîtres ou étrangers envoyés par le district ou le département. Gens calmes et paisibles, mais peureux devant le pouvoir nouveau et occulte qui leur est imposé, ils n’osent pas secouer le joug de leurs oppresseurs et réclamer leur part de la liberté promise. Comme le voudra l’agent national, le district, le département ou la Convention semble avoir été pour eux la devise d’une conduite qu’ils regardent comme la seule sage et la seule sûre. C’est à peine si, dans leurs rangs, nous trouvons deux profiteurs de la révolution, deux acquéreurs de biens de nobles ou de biens d’église. Ce n’est que dans les années qui suivent que plusieurs se laisseront entraîner dans le mouvement révolutionnaire et que, s’étant habitués à hurler d’abord avec les loups pour ne pas être mangés par eux, ils finiront eux-mêmes par en prendre le langage, les mœurs et le caractère. Mais pour le moment, ils sont plutôt des moutons dociles aux ordres de leurs bergers de passage, tremblants et apeurés à l’odeur du sang répandu tout autour d’eux par les fusils et la guillotine des terroristes.

Ils furent un peu plus dignes sinon plus braves devant la brutale et insolente intervention du citoyen La Loy venant leur enjoindre, au nom du comité de surveillance, d’organiser une fête de la Raison et d’y assister. Ils ne rédigèrent aucune délibération et ne prirent aucun arrêté, se contentant d’inscrire, sur leur registre, la réquisition de La Loy.

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19 janvier 1794. (30 nivôse an II).

Fête de la Raison à La Gacilly.

Une lettre de Saulnier, président du comité de surveillance et un rapport du comité au département font un compte-rendu de cette journée du 30 nivôse an II. Voici la lettre de Saulnier : « Aux administrateurs du Département du Morbihan. Citoyens administrateurs. Encore un triomphe sur nos ennemis, le fanatisme (c’est à dire, en style de l’époque, la religion catholique), est presque aux abois. La Raison si longtemps outragée et méconnue compte déjà dans notre sein un grand nombre de sectateurs. L’Egalité et la Liberté ses deux compagnes reçurent le trente nivôse nos hommages, la fête nationale au sujet de la prise de Toulon a été célébrée avec cette gayeté, ces doux transports qui caractérisent de vrais républicains. Les officiers municipaux dont le patriotisme vous est connu, n’ont rien négligé pour donner le plus de pompe possible à cette fête ; toutes singeries religieuses en ont été proscrites ; un de nos membres prononça au pied de l’arbre de l’Egalité, au milieu d’une foule immense un discours énergique qui embrasa tous les cœurs de l’amour de la patrie, il fit plus, il sut les lui gagner, la joie et l’allégresse étaient peintes dans tous les yeux parce qu’elles régnaient dans tous les cœurs ; étrangers et habitants, tous n’ont fait qu’une même famille et le verre en main, tous ont fait retentir les rues des santés portées à la République et à ses fondateurs ; vers le soir on s’est rendu sous les halles où des danses prolongées bien avant dans la nuit ont terminé cette fête sans-culotine. Au surplus, citoyens, le procès-verbal que vous trouverez ci-joint vous instruira mieux des détails. Salut et fraternité. Saulnier, président du comité. » Ce révolutionnaire enthousiaste, alors âgé de 31 ans, s’appelait Jacques-Godefroy Saulnier et était notaire à la Bouère. Il était le fils de Yves-Jacques Saulnier de la Triberdière, aussi notaire, ancien procureur de la juridiction du marquisat de la Bourdonnaye, ancien procureur fiscal de la Villouët, et de Louise Le Marchand de la Touche. Il avait épousé Scolastique-Marie Eon, fille de René Eon, sieur des Salles et de la Bouère, ancien sénéchal de Sixt-sur-Aff. Voici maintenant le rapport des membres du comité de surveillance : « Le 3 pluviôse an second de la République une et indivisible. Copie du procès-verbal consigné sur le registre du Comité de surveillance de La Gacilly en date du décadi 30 nivôse l’an second de la République une et indivisible. Nous soussignés citoyens composant le comité de surveillance du chef-lieu de canton de La Gacilly, certifions que ce jour de décadi trente nivôse de la République française une et indivisible, aux fins de notre arrêté du 23 de ce mois et de convocation faite au peuple le jour d’hyer et répétée ce jour à son de tambour, voulant célébrer la fête de la Raison et faire des réjouissances au sujet de la prise de Toulon, de la destruction totale des brigands de la Vendée et des progrès continuels de l’armée française dans toute l’étendue de la République, nous nous sommes, en compagnie de la municipalité, de la garde nationale tant à cheval qu’à pied et de plusieurs jeunes citoyennes vêtues en blanc et ornées d’une ceinture tricolore, que nous avions invitées à partager les plaisirs de notre fête, et suivis d’un peuple immense transportés avec le drapeau tricolore sur la place du Cas-Rouge de cette ville, où nous avons fait planter l’arbre de la Liberté en chantant et en faisant chanter par les jeunes citoyennes des hymnes en l’honneur de la République ; d’après quoi nous sommes revenus au bout des Halles faire planter l’arbre de l’Egalité surmonté du drapeau tricolore au pied duquel un de nos membres a prononcé un discours républicain très propre à entretenir dans les cœurs le saint amour de la patrie, tellement que tous les coins de La Gacilly ont retenti de cris d’allégresse et de Vive la République, Vive la Montagne ; ces cérémonies faites, nous avons mis le feu à un bûcher dressé pour cet effet sur la place publique et qui était principalement composé de tous les titres de féodalité existant dans cette ville afin d’éteindre jusqu’au souvenir l’ancienne tyrannie et les flammes ayant dévoré toutes les marques affreuses de notre esclavage, une barrique de cidre a été exposée au pied de l’arbre de l’Egalité et tous les citoyens au milieu de la joie qui les transportait ont mille fois porté des Thoas (sic) à la République, à la Montagne, à la Liberté, à l’Egalité et ont manifesté leur vœu que la Convention Nationale restat à son poste jusqu’à la paix ; et le reste de la journée a été employé aux jeux républicains : de tout quoy avons rapporté le présent sous nos seings au Comité de surveillance à La Gacilly, les dits jours et an que devant, le registre duement signé. Pour expédition conforme au registre. Saulnier, président. La Loy, p. le secrétaire. »

La lettre de Saulnier et le rapport du Comité de surveillance offrent ample matière à des remarques intéressantes. D’abord, il semble bien que pour se faire valoir et montrer son zèle révolutionnaire, le jeune et fougueux secrétaire ait quelque peu exagéré dans le compte-rendu de la fête qu’il avait organisée. Comment avait-il pu réunir « un peuple immense » à La Gacilly, en ce moment, où cinquante hommes, sous le commandement de Guillemin et Le Roy, avaient été envoyés à Renac ; où Guillemin, avant son départ, avait eu beaucoup de peine à constituer, avec l’aide de la municipalité, une liste de cinquante autres hommes pour remplacer ceux du détachement qu’il conduisait. Il ne faut pas oublier qu’à cette époque la ville de La Gacilly était uniquement composée de la rue du Pont (rue La Fayette actuelle), la rue Saint-Vincent, la place du Cas-Rouge, la rue des Ponts, le tour des halles et cinq maisons sur le chemin des Barres, c’est à dire que la ville, du côté du Nord n’allait même pas jusqu’à l’Hôtel de France actuel. D’autre part, le canton de La Gacilly ne comprenait que les communes de Cournon, Glénac, Les Fougerêts et la paroisse Martin, comme on disait alors, et il était impossible d’y trouver un tel public pour une pareille fête. Si la garde nationale à cheval prit part au défilé, elle dut faire bien triste figure, car elle ne pouvait être que très mal montée. En effet, dans le mois de juin précédent, le commissaire du peuple Loyer avait réquisitionné et emmené tous les bons chevaux du canton et que Lochal avait récidivé en décembre.

Les danses qui se prolongèrent sous les halles fort avant dans la nuit furent sûrement un peu bruyantes car danseurs et danseuses n’étaient pour le grand nombre que chaussés de sabots, les cuirs et les souliers ayant été réquisitionnés chez les tanneurs et les cordonniers peu de temps auparavant. La veille de cette fameuse fête, une bannie, faite à La Gacilly, annonce que ne pourront être délivrés que sur bons : le beurre, l’eau-de-vie, la résine, les fers, les aciers et la chandelle de suif à la livre, vu la rareté de ces marchandises. Les habitants de la campagne ne sont pas plus favorisés que ceux de la ville. Ils sont dans une misère noire qui s’aggrave avec la vie de plus en plus chère parce qu’ils sont surchargés d’impôts, privés de leurs enfants enrôlés de gré ou de force dans les armées de la République, épuisés par les réquisitions de toutes sortes pour subvenir aux besoins des troupes qui les malmènent et les pillent ou pour porter secours à des provinces éloignées, menacées de la famine. De plus, tous les anciens fonctionnaires du roi ou des nobles qui ont renié leurs maîtres et se sont enrichis de leurs dépouilles, se parent du titre de citoyen comme autrefois les premiers de leurs titres de noblesse ou de propriété. Il n’y en a que pour eux et leurs femmes naturellement. Tout fonctionnaire du nouveau régime, même le secrétaire de mairie ou le greffier municipal, est qualifié de citoyen et rentre dans la classe privilégiée, tandis que les vieux gaciliens commerçants, agriculteurs ou artisans restent simplement Jean, Jacques ou Mathurin comme avant. Ceux-ci sont d’ailleurs tenus complètement à l’écart de toute charge honorable ou lucrative, taillables et corvéables à merci comme et plus que sous l’ancien régime. Ils ont simplement changé de maîtres, mais il ne paraît pas qu’ils aient gagné au change. Et ces nouveaux maîtres pour la plupart sortis des rangs du peuple, dont les pères encore vivants parfois sont d’humbles marchands ou cultivateurs, traitent avec un souverain mépris ceux qui, simples et honnêtes, n’ont pas voulu courir à l’assaut des places ou s’enrichir à peu de frais par l’acquisition de biens nationaux. Ainsi Charles-Florentin Seguin, originaire de la Moraie « où les palais sont plutôt rares », dont le grand-père, Joseph, venu habiter la Bouère, résidait dans une maison comprenant deux petits appartements, se plaint amèrement , lorsque l’arrivée des Chouans le met en fuite, d’avoir dû passer la nuit « dans une maison de village ». C’est d’ailleurs ce même personnage, ancien huissier à Redon, ancien secrétaire du conseil municipal de La Gacilly, nommé commissaire du pouvoir exécutif à Carentoir qui vient se retirer à La Gacilly pour y vivre des revenus de «ses biens patrimoniaux et nationaux » comme il l’écrit lui-même, jouer au grand seigneur et faire comparaître devant lui en sa maison du bout des Halles, notaires, greffiers et administrés de Carentoir pour y donner des exemptions de service militaire, moyennant finances, bien entendu.

Aussi pour faire éclater parmi les Gaciliens la « gayeté républicaine » dont parle le citoyen Saulnier, ce ne fut pas trop de la présence des jeunes citoyennes en robe blanche avec une ceinture tricolore et de l’arrivée d’une barrique de cidre au pied de l’arbre de l’Egalité. Si l’on s’étonne de voir des jeunes filles prêter leur concours à cette mascarade, il faut se rappeler que, depuis plusieurs années, les petites gaciliennes ne recevaient plus aucun enseignement moral et religieux (l’église était fermée, les bons prêtres avaient dû fuir et le curé constitutionnel, pris de peur, n’osait plus se montrer) et que, par contre, elles ont pour les instruire et les éclairer, la lumière d’une institutrice publique, Perrine Chauvelon. Fille de Pierre Chauvelon et de Perrine Gillette, chirurgien, juré à La Gacilly, il semble, en fait, qu’elle soit, d’après un acte de baptême, la fille naturelle d’un chirurgien et de demoiselle Louise…, elle-même fille de maître …, notaire et sénéchal ; demoiselle Perrine Chauvelon, après une jeunesse plus qu’agitée avait épousé en 1750 Louis Gillard, greffier du marquisat de la Bourdonnaye et procureur fiscal du Bois-Brassu. En 1751, elle habitait avec son mari la maison noble de la Bouère. Restée veuve de bonne heure, elle se retira à La Gacilly où elle mena une existence aventureuse et assez peu édifiante, le veuvage ne lui pesa guère. La Révolution vint à point pour la tirer de la misère en en faisant une institutrice publique. Bien que fort âgée, 71 ans, (elle devait mourir le 2 février 1797 à l’âge de 74 ans), elle est pleine de zèle et d’enthousiasme pour les idées révolutionnaires. Voici, en effet, le serment qu’elle vint prêter le 14 pluviôse an II, devant la municipalité : « A comparu la citoyenne Perrine Chauvelon, veuve Gillard, institutrice dans cette commune laquelle, pour se conformer à la loi, a, entre nos mains, prêté le serment de maintenir la République, la liberté et l’égalité, de n’enseigner à ses élèves d’autres principes que ceux qui émanent de la liberté, de l’égalité et de la Raison et pour preuve de la sincérité de sa déclaration, a signé : Vve Gillard .» Après avoir reçu les leçons d’une telle maîtresse, ses élèves ne pouvaient naturellement manquer à la fête de la Raison célébrée devant les arbres de l’Egalité et de la Liberté.

Mais le clou de la fête fut incontestablement la barrique de cidre. Cela ne pouvait manquer de susciter l’enthousiasme de la population, surtout si l’on songe que le cidre est très rare cette année-là, et que le premier janvier, une quinzaine de jours avant la fête, le conseil municipal, sur le rapport de Cheval disant qu’il est presque impossible de trouver du cidre au maximum, avait fixé le prix de la barrique à 25 livres, c’est à dire le prix d’une bonne vache en 1785 (estimation du notaire Seguin) et le prix du pot à sept sous, c’est à dire le prix d’une chaise de jonc, d’une fourche de fer ou d’une paire de sabots d’après le même inventaire. Les Gaciliens présents multiplièrent les « Thoas », comme ils disent, à la République, à la Montagne, à la Liberté, à l’Egalité, à tout ce que voulurent les organisateurs de la fête, et cela tant qu’il y eut à boire. La vue de la barrique, exposée au pied de l’arbre de l’Egalité, contribua grandement à les faire applaudir à l’embrasement du bûcher formé des titres conservés aux archives de La Gacilly. Ils crurent peut-être, dans leur simplicité, assister à la destruction des marques affreuses de leur esclavage, pour parler comme Saulnier, et pourtant, en brûlant les anciens titres de propriété, ils ne faisaient que supprimer les preuves des acquisitions frauduleuses des nouveaux maîtres qui allaient faire peser sur eux une tyrannie pire que l’ancienne. En tout cas, le citoyen Saulnier fut récompensé de son initiative et de son beau rapport. Il fut nommé juge au district de Roche-des-Trois, mais il ne jouit pas longtemps de sa situation car il mourut en 1796 et fut enterré à La Gacilly.

25 janvier 1794 (6 pluviôse an II).

Pierre Laisnier, administrateur et membre du Directoire de Roche-des-Trois, arrive à Carentoir pour faire exécuter des mesures de sécurité, perquisitions, réquisitions, recherches des déserteurs et des réfractaires à la conscription dans tous les alentours ; ces descentes étaient faites à la demande des municipaux qui voulaient se libérer des Chouans.

26 janvier 1794.( 7 pluviôse an II ).

Le citoyen Moisan se présente à la municipalité chargé de commission pour l’approvisionnement de blé-seigle pour la commune de Bordeaux, « vu l’arrêté du département du Morbihan et du district de Rochefort, qui a attribué à la commune de La Gacilly pour contingent, trente-cinq quintaux de blé seigle pour la dite commune de Bordeaux ; lequel a requis la dite municipalité de conduire le dit blé à Saint-Perreux, au bord de l’eau, si la dite municipalité le peut et est dans la possibilité de le faire et a signé. Moisan ».

16 février 1794 (28 pluviôse an II)

Le département et le district donnent l’ordre d’établir pour chaque commune « un rolle du nombre des bestiaux et de la quantité de fourrage existants, du nombre de charrues (de ceux qui travaillent une assez grande quantité de terre pour en avoir), les noms des particuliers à qui elles appartiennent et ce que chacun des dits citoyens retire de revenu de la terre qu’il travaille ». Six commissaires sont aussitôt nommés pour la commune, avec ordre de déposer dans la huitaine les dits états faits et remplis. Tout cela était ordonné évidemment pour l’établissement de nouveaux impôts. Les commissaires chargés d’aller faire à domicile cette réquisition chez les paysans déjà écrasés par les prestations en nature et les impôts, reçurent de ceux-ci un accueil sans enthousiasme et l’établissement du rôle fut laborieux et pénible.

23 mars 1794. (3 germinal an II)

Réquisition du représentant du peuple du Bois-Crancé : « Tous les jeunes gens de 18 à 25 ans, à l’époque de la publication de la loi du 23 août 1793, sont requis de partir au reçu de la présente promulgation, pour se rendre au chef-lieu qui leur sera désigné et qui est Roche-des-Trois pour La Gacilly ». C’est l’enrôlement forcé dans les troupes de la République de tous les jeunes gens en âge de porter les armes. C’était la première fois qu’on imposait aux populations l’impôt du sang et, comme cette menace était prise pour soutenir un régime nouveau mais déjà abhorré, parents et enfants n’acceptèrent point sans résistance cette nouveauté qui leur paraissait tyrannique. Ce fut l’origine de ces nombreux groupes de réfractaires et de déserteurs qui, cachés dans les bois et les marais, allaient bientôt fournir des troupes toutes prêtes pour la chouannerie qui commençait à se réorganiser sérieusement dans le pays, sous la direction de nobles revenus d’exil ou d’anciens officiers de l’armée royale échappés au désastre des Vendéens

 

6 avril 1794.(16 germinal an II) 

Réquisition des draps, toiles et autres matières propres au campement des troupes. Pendant ce même mois d’avril, voici que Joseph-Marie Seguin, juge de paix, pris d’un beau zèle pour la loi ou plutôt craignant pour sa place, se met à distribuer généreusement amendes et prison à tous les contrevenants aux lois innombrables édifiées par la Convention et souvent inconnues des habitants de La Gacilly. Il condamne à un jour de prison et à l’amende Jean Epaillard et la femme Piguel. Sans égard pour le secrétaire de mairie, le citoyen Deschamps, et pour l’officier municipal, Pierre Roussel, il leur applique la même peine pour avoir vendu des boissons au-dessus du maximum fixé et pour avoir reçu en paiement des assignats à perte. Plusieurs blatiers se voient aussi frappés d’amende pour avoir vendu du blé au-dessus du maximum. Un boulanger, originaire de Carentoir, se verra de même, un peu plus tard, condamné à une amende de 100 livres pour avoir distribué furtivement du pain « non mêlé ». Les Gaciliens de ce temps connurent les restrictions et le régime du pain noir.

26 mai 1794. (7 floréal an II)

D’autres atrocités vont être commises, en particulier l’arrestation du chef chouan Pierre Chevalier, responsable du secteur de Carentoir. La guillotine est amenée de Rennes à Carentoir « à grand renfort de publicité » et Pierre Chevalier est exécuté le 26 mai 1794 (4 prairial an II) devant l’église pour servir d’exemple. L’exécution eut lieu sur les cinq heures du soir et sa tête, plantée sur une pique, fut promenée à travers les rues du bourg par les soldats républicains. Il est rapporté qu’un citoyen de La Gacilly qui assistait à ce spectacle fut tellement écœuré par tout ce qu’il voyait eut l’envie de « tirer dans le tas » de la maison de la Poëllerie où il se trouvait.

Trois jours après, le « maystre en chyrurgie », Charles-Marie Hurel, le républicain, fut exécuté sommairement contre le mur du parc du château de la Bourdonnaye en guise de représailles, cette fusillade est encore rappelée par le nom de Porte-Rouge, endroit où eut lieu l’exécution.

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Pierre Chevalier

Ce 4 prairial de l'an Il (23 mai 1794) en pleine terreur (elle ne cessera officiellement que deux mois plus tard le 9 thermidor (27 juillet) avec l'arrestation et son exécution le lendemain du tyran Robespierre, l'émoi est considérable à Carentoir. Sur la place de l'église la guillotine a été amenée de Rennes à grand renfort de publicité. Le lendemain le couperet tranche le cou de Pierre Chevalier, jeune chef chouan de Carentoir. Désormais l'ignoble instrument inventé par le Docteur Louis et le mécanicien Schmidt, vulgarisé par le docteur Guillotin, prendra dans ce pays le surnom de Perrine Chevalier, ceci en souvenir de ce brave qui avait demandé avant de mourir une plume, de l'encre et une chemise blanche, voulant montrer par là que sa conscience était pure, qu'il mourait pour une noble cause. Une complainte célébra sa bravoure. Il était né en la paroisse du Temple. Il avait épousé Jeanne Tourtal de la paroisse de Tréal. Il exerçait la profession de menuisier et, parait-il était un fameux chouan. Sa capture fut mise au prix de 100 écus. Mais il réussit à échapper à tous les nombreux pièges qu'on lui tendit, jusqu'au jour où traversant un clos dénommé le Clisson, il fut trahi par les jappements joyeux de son petit chien, aboyant de plaisir à la vue de son maître.

Les gendarmes postés en permanence près de là se précipitant sur les pas du fugitif réussirent à l'arrêter et à s'emparer de lui. Il fut jugé militairement et condamné à mort.

Le jour de son exécution il refusa le ministère du prêtre assermenté Rubault de La Gacilly. On dit qu'un prêtre fidèle, posté à un endroit convenu d'avance put lui donner l'absolution. C'était un fort bel homme, aux larges épaules, à la figure douce et martiale. Il fut exécuté le 24 mai 1794 sur les 5 heures du soir.

 Y a t'il un lien entre la date de la mort de Charles Marie (26 Mai) avec celle de Pierre Chevalier?

Les chouans de Carentoir ont-ils voulu venger leur chef par chouans interposés?

Les tueurs, travaillant «en commando» étaient étrangers au pays. Sur les neuf ou dix participants à l'action un seul, certainement leur chef, parlait le français, les autres le breton. De qui ce groupe reçut-il ses instructions ou des ordres? De quelle nature a été l'altercation que Charles Marie eut avec ses futurs tortionnaires avant de pouvoir s'esquiver et rentrer chez lui à Saire? Pour avoir été mis en joue par l'un d'eux, la dispute dut être d'une rare violence. La gâchette fut-elle pressée, la balle s'enraya-t-elle? Le pistolet était-il chargé? L'engin était-il humide?

Dans un faubourg de Carentoir, Bourienne, le jeune Mathurin Hersart, 14 ans, a du vague à l'âme. Il s'ennuie. Mais lorsqu'il apprend qu'une exécution capitale va avoir lieu sur la grande place du bourg, il n'a de cesse de faire partager son enthousiasme à son entourage. Et quelle aubaine de pouvoir se distraire gratis! Il en parle à son voisin Joseph Garel qui le dissuade d'aller assister à ce triste spectacle.(Garel restera caché durant trois jours tremblant d'effroi par peur de la guillotine). Rien n'y fait ... Il ira malgré cet avertissement. Il sent qu'il a besoin d'émotions fortes. Il sera largement servi ! Son père Jean Hersart ne prend pas parti. Pour avoir acquis la maison de la Marmillière, bien national, il sera fusillé par les chouans de Savigne deux ans après.

Le gringalet se met en route persuadé d'assister à un beau et touchant spectacle. Bien placé près de l'échafaud, Mathurin ne bronche pas lorsqu'il voit la tête de Pierre Chevalier tomber dans le panier. Le bourreau ou un membre du directoire, peut-être un agent national, on ne sait, l'a repéré et a remarqué sa bonne allure. Ce serait une excellente chose, se dit ce personnage, que ce soit un adolescent qui promène au bout d'une pique la tête toute ensanglantée du supplicié: bel exemple pour les jeunes de ce pays qui en ont tant besoin. Il est fort bon de montrer à la population que la jeunesse sait elle aussi apprécier les bienfaits de la révolution, sauvée de l'obscurantisme prôné par les prêtres! Le galopin est donc fermement prié de passer à l'exécution de ce projet. Voici donc notre Mathurin transformé en porteur d'une drôle de bannière, sous l'oeil goguenard de ses copains qui le brocardent en catimini. Le freluquet doit faire le tour de Carentoir exhibant au bout de sa pique la tête du martyr.

Sinistre mascarade! Il ne se sent pas très malin dans cette posture. Il en sort tout déboussolé, guéri a jamais des affres de l'ennui. Le récit de sa prouesse est parvenu jusqu'à nous.

Sainte Guillotine! Rasoir national dont Samson est le barbier. On l'appelle aussi planche à assignats, vasistas, Petite Louison ou Louisette (référence au Docteur Louis l'inventeur), cravate à Capet. On dit de ses victimes: ils font la bascule, mettent la tête à la fenêtre, demandent l'heure au vasistas. Elle est canonisée lors des messes rouges:

« Sainte Guillotine,

Protectrice des patriotes

Priez pour nous !

Machine admirable, ayez pitié de nous!

Sainte Guillotine délivrez nous de nos ennemis! »

Et quelle production littéraire! La coquette corrigée ou la Guillotine d'amour. On joue aussi au théâtre le César de Voltaire, son buste est coiffé du bonnet rouge à cocarde tricolore. Les belles courtisanes portent souvent une coiffure «à la lucarne», ou les cheveux bouclés «à la victime». On les rencontre dans les 4 000 salles de jeu de la capitale.

La guillotine orne la tabatière des priseurs, elle s'accroche en pendentifs d'or à l'oreille des femmes. Les chères têtes blondes peuvent jouer dans la rue avec des réductions de la belle machine en ivoire ou en bois, tandis que sur les Champs Elysées, non loin de l'échafaud, Polichinelle passe lui aussi à la guillotine, à la plus grande joie des petits et des grands.

La guillotomanie fait des ravages.

Un député girondin, au dessert, sort sa guillotine miniature pour trancher la tête des flacons-poupées remplis de liqueur rouge. Charmante époque!

A Cambrai, le délégué Lebon organise une «fricassée de têtes». Il assiste lui même à toutes les décapitations pour surveiller et vérifier la qualité du travail. Il aura l'occasion d'essayer le tranchant du couperet lorsque un peu plus tard sa tête tombera elle aussi dans le panier.

En 1792 lors d'une exécution, lorsque la tête du supplicié fut exhibée à la populace toujours friande de beaux et d'attendrissants spectacles, on vit le fils de l'exécuteur trébucher, tomber de l'échafaud et se tuer ... Le bourreau fondit alors en larmes !

La tête du conventionnel Gardien, jetée à côté de celle d'un girondin mordit sauvagement cette dernière.

Le 18 juin 1847 la dynastie des Samson s'achève avec le licenciement d'Henri Clément Samson accusé d'avoir mis en gage «la veuve» chez un usurier pour régler ses dettes de jeu. Fatale imprudence!

En 1907, le Docteur Dassy de Lignières nettement inspiré tenta de faire revivre la tête de l'assassin Ménesclou en lui transfusant le sang d'un chien vigoureux.

La guillotine fut remisée en 1981 dans les caves d'un musée des «Arts et Traditions Populaires »...

 

Gilles Davalo

Gilles Davalo, chef chouan de la région de Carentoir, habitait au village du Rocher en Tréal. C'était un braconnier, un malin: dans son sac ne manquait jamais le lièvre désirable ni le bon tour à jouer aux bleus. Joyeux compagnon, brave type ne refusant pas la bolée mais gardant toujours assez de présence d'esprit pour pouvoir échapper à tous les piège qu'on lui tendait. Le district réclama son arrestation. Plusieurs expéditions armées contre lui au village du Rocher furent inutiles. «Un rival en amour» le dénonça alors qu'il devait aller chez le fermier du Préclos pour coucher et couper du blé noir. Les bleus cernèrent la cache de taille où ils le croyaient. Mais l'oiseau s'était envolé. Il fut pris en 1799 mais trouva le moyen de s'échapper. Les patriotes le regardaient comme très dangereux. Il distribuait les armes et les munitions les jours de rassemblement et les gardait dans un magasin quand les chouans rentraient d'expédition. En 1987, un habitant de ce village m'a montré, obturée par une grosse pierre, une cache qui avait servie à dissimuler un fusil.

Beauregard, chouan interrogé par les bleus, nie avoir été en contact avec Davalo. En réalité, celui-ci était bien chez lui mais réussit une fois de plus à s'échapper après avoir essuyé un coup de fusil. Beauregard interrogé sur les assassins de Charles Marie Hurel déclare qu'il lui a été dit que Davalo était au nombre des assassins.

Il faut noter que cette assertion par présomption vient de la part de Foulon, le nouveau beau-père de Charles Marie, celui-ci s'étant remarié le 5 juillet 1784 avec Perrine Marie Foulon après le décès de sa première épouse Jeanne Marie Françoise Cartron.

Est-ce bien Davalo qui aurait donné des indications pour la capture de Charles Marie Hurel ? Charles Marie Hurel aurait-t'il donné des informations sur Davalo ?

29 mai 1794. (10 floréal an II).

A la place de Saulnier, parti pour Roche-des-Trois, avait été nommé un autre président du comité de surveillance, Chedalleu. Celui-ci écrit à l’agent national du district de Roche-des-Trois : « Continuation de la marche révolutionnaire dans notre commune. L’esprit et le désintéressement républicain y sont toujours excellents. Notre jeunesse guerrière est peut-être à présent aux prises avec les esclaves du tyran de l’Angleterre. Eh bien, nos femmes et nos enfants sont occupés à faire de la charpie, il y en a déjà une petite quantité de faite, nous espérons t’en faire passer au premier jour. Le comité me charge de te demander l’instruction pour faire le salpêtre, n’en ferions-nous qu’une livre, elle sera toujours utile à la patrie. Salut et fraternité. Chedalleu, président. »

9 juin 1794. (21 prairial an II).

Les membres de la municipalité gacilienne humblement soumis aux volontés de toutes les autorités qui s’imposaient à eux par la force et la violence eurent pourtant, un jour, un court moment de révolte qui mérite d’être signalé à leur honneur. Ils prennent, le 9 juin 1794, sous l’inspiration de Jean Cheval, la délibération suivante : « Le conseil général de la commune, après avoir eu lecture de l’arrêté du département du Morbihan du trois de ce mois, et entendu son procureur de la commune, jaloux de concourir aux mesures à prendre sur les moyens de rétablir l’ordre et la paix dans l’étendue de la République : en conséquence, le conseil à l’unanimité nomme pour commissaire le citoyen Jean Cheval, son procureur de la commune, à la charge de se rendre de suite en la ville de Rennes pour conférer avec les députés des autres communes, districts et départements, sur les moyens de sauver la chose publique, promettant le conseil d’approuver et de seconder de tous leurs efforts les mesures qui seront prises à cette fin. » Et ils signent courageusement, du moins ceux qui le savent faire. Cette déclaration était un désaveu de la violence des Montagnards et une adhésion aux modérés, hommes de l’ordre et de la tradition. Mais cette tentative d’indépendance et cette manifestation de courage civique n’allaient malheureusement pas avoir de suite. Le vent vint à tourner, les terroristes reprirent la direction de la Convention du département et du district et les municipaux dociles suivirent le mouvement.

Chedalleu ne fit que passer à la présidence du comité de surveillance de La Gacilly car le 9 juin, c’est un nouveau président qui écrit au district de Roche-des-Trois : « Citoyens, le Comité n’a que de bons rapports à te faire des habitants de cette commune. Il ne s’est rien produit contre les vœux de la loi, pendant cette décade. La fête de l’Etre suprême a été solennisée le jour de la décade ( le jour du décadi). Beaucoup de personnes de la campagne y ont assisté. Plusieurs discours leur ont été adressés pour leur faire apercevoir combien plusieurs d’entre eux avaient été trompés par les fanatiques (c’est à dire les prêtres fidèles et même les schismatiques). Plusieurs hymnes ont été chantés en l’honneur de cette belle fête qui a été terminée aux cris de Vive la République, vive les Montagnards. Salut et fraternité. Seguin le Jeune. » L’enthousiasme a un peu baissé depuis la fête de la Raison et le compte- rendu est moins enflammé. Ce n’est pas certes la faute du nouveau et jeune président. La fiche confidentielle envoyée sur son compte par Roche-des-Trois à Vannes porte : « Bon patriote, zélé pour la réussite de la Révolution et s’y employant tout entier. » Ce qui se vérifiera par la suite. Il appartenait à une honorable famille originaire de la Moraie ( le grand-père Joseph y était né ), village alors en Carentoir puisque la Chapelle-Gaceline n’était ni paroisse ni commune. Cette famille vint par la suite à la Bouère. Il était le second fils de maître Jean-Marie Seguin, notaire et procureur du marquisat et de Jeanne-Louise Grinsart. Né le 27 octobre 1764, son père avait alors trente ans. Un des oncles de Seguin le Jeune, messire Julien Seguin, était prêtre depuis 1748 et venait de mourir lorsque éclata la Révolution. Un autre de ses oncles maître Joseph-René Seguin, époux de Marie-Anne Sero de la Bouère, était notaire et procureur de la Villouët ; il résidait à la Moraie. La fille aînée de ce dernier, Marie-Louise Seguin, était religieuse ursuline à Malestroit où elle fit profession en 1780, sous le nom de sœur Geneviève. Mise en demeure en 1790 de reprendre sa liberté ou de rester au couvent, elle déclara qu’elle voulait continuer la vie commune. Expulsée en 1792, elle se retira dans la maison maternelle à la Bouère où on la retrouve signalée en 1798 et en 1799 et où elle mourut en 1806.

Ambitieux, le jeune Charles-Florentin Seguin eut vite fait de secouer le joug des souvenirs religieux et des traditions respectables de sa famille et il se lança à corps perdu dans le mouvement révolutionnaire. Il était huissier à Redon où il venait d’épouser Agathe-Françoise Niget lorsque la municipalité de La Gacilly l’appela, en novembre 1793 comme secrétaire en remplacement de René Deschamps nommé commis à l’administration du district de Rochefort-en-Terre. En juin 1794, il donne sa démission, étant nommé membre du comité de surveillance du district et il entre immédiatement en fonction pour réquisitionner quatre faucheurs et deux botteleurs pour les prairies du Pont d’Oust. Le second acte public que nous ayons de lui est son rapport sur la fête de l’Etre Suprême. Nous le retrouverons souvent désormais dans les récits qui vont suivre car il fut le principal et le plus ardent agent révolutionnaire dans le canton de La Gacilly et dans celui de Carentoir et c’est surtout par ses dénonciations, ses menaces, ses exactions que les Gaciliens connurent les horreurs du régime terroriste. Il signait Seguin cadet ou Seguin le Jeune pour se distinguer de son frère aîné Joseph-Marie-Anne Seguin, ancien notaire et procureur fiscal de la Bourdonnaye et, à cette époque, juge de paix du canton de La Gacilly.

Des mesures de sécurité sont prises ; 52 soldats sont cantonnés « à l’étape de Tréal » tandis que la société régénérée et montagnarde de Ploërmel écrit : « Il y a encore des armes dans quelques maisons, surtout à La Gacilly ». Cinquante hommes et un commissaire viennent y faire des recherches et ont pour but de jeter une terreur salutaire dans les campagnes. Les arrestations et les exécutions se multiplient jusqu’à la chute de Robespierre et, pour les environs de La Gacilly, jusqu’à l’arrestation de Le Batteux. Avec la fin de la Terreur, il y a alors des difficultés de vie matérielle ; ceci n’est pas fait pour calmer les esprits. A La Gacilly, l’agent national Cheval est accusé, en septembre 1794, de connivence avec les Chouans ; on lui reproche de ne jamais rien fournir aux réquisitions et d’y soustraire également son frère Pierre qui habite le Châtelier et est d’ailleurs réfractaire. Dans la ville de La Gacilly, on tremble, on monte la garde jour et nuit et surtout les républicains appellent au secours car les Chouans redeviennent menaçants avec à leur tête un nouveau chef, le chevalier de Silz. C’est alors qu’apparaît l’histoire de la fausse monnaie. On a dit qu’elle fut fabriquée au château du Brossay en Saint-Gravé. Il y eut plusieurs agents distributeurs arrêtés en particulier Nicolas Baucherel des Fougerêts qui se fit prendre à La Gacilly. En passant pour fou, il réussit à se tirer d’affaire.

Après la chute de Robespierre et l’épuration des divers corps constitués, une réorganisation des juges de paix et des greffiers est entreprise. Boureault, représentant du peuple à Rennes, demande qu’on lui envoie la liste de tous les citoyens capables d’occuper les diverses fonctions publiques afin d’épurer les corps constitués des plus farouches révolutionnaires. Degoussée, Bastide et Le Batteux en furent écartés.

16 juin 1794. (28 prairial an II)

Hoëo-Boisgestin de Carentoir réquisitionne « des vivres de campagne pour la troupe qui l’accompagne pour se transporter avec la force armée dans les communes du district ». Il réquisitionne en même temps dix volontaires qui doivent être fournis par le maire pour l’accompagner. Le cas est curieux de ces volontaires qui ne marchent que par force et sur désignation du maire et du conseil municipal. C’est ce qui explique qu’ordinairement ils n’allaient pas bien loin. Ils désertaient à la première occasion, se cachaient dans les bois ou allaient grossir les troupes des Chouans. En plus, en ces tristes temps, la « mouchardise » et la délation jouent un rôle prépondérant. C’est ainsi que, dès les premiers jours de la Révolution, le curé Chantreau a été dénoncé par Clémenceau. En ce mois de juin 1794, dans le même ordre d’idée, débute l’affaire Guillemin. Joseph Guillemin, fils de Jean et de Françoise Métayer, marchands dans la rue des Ponts (emplacement de l’ancienne maison Sevet et de la route actuelle de Redon, à côté du puits , c’est à dire Le Panorama actuel) est ce Gacilien qui partit avec Le Roy pour conduire à Renac le premier détachement de volontaires en mai 1793. Il avait été autrefois gendarme à Rochefort-en-Terre et c’est, sans nul doute, son passé militaire qui lui valut ce poste de commandement. De retour de son expédition, il avait été chargé de réorganiser une garde nationale de 50 hommes et il en avait été nommé le chef. Abusa-t-il de l’autorité que lui donnait son nouveau titre pour molester ou malmener quelques-uns de ses compatriotes ; manqua-t-il de souplesse et d’empressement pour exécuter les mesures contradictoires et souvent vexatoires du comité de surveillance et du conseil municipal ; ou fut-il simplement en butte aux jalousies de ceux qui enviaient une place importante et souvent profitable lors des réquisitions dans les châteaux des environs ? Difficile de le savoir car les plaintes formulées contre lui restent vagues et imprécises. Toujours est-il qu’un rapport de l’agent national, Jean Cheval, le dénonce, le 23 mai 1794, au district de Roche-des-Trois, comme mauvais citoyen. Sans attendre la réponse du district, Cheval convoque le 5 juin le conseil qui prend l’arrêté suivant : « Le corps municipal assemblé pour délibérer sur l’affaire du nommé Guillemin, dénoncé au directoire de Roche-des-Trois par la municipalité de cette commune pour cause d’incivisme, de trouble à la garde, d’insulte au maire en fonction, enfin de plusieurs troubles occasionnés par lui à différentes reprises, arrête que le dit Guillemin est incapable de remplir la place de capitaine de la garde nationale, qu’il sera sous huitaine nommé quelqu’un à sa place, le déclare homme très suspect ». Le conseil ne s’en tint pas à ces menaces et, quelques jours plus tard, il nommait le citoyen Jean-Marie Guillotin, officier de santé à Redon puis à La Gacilly, commandant provisoire de la garde nationale et faisait saisir les armes et les munitions en possession de Joseph Guillemin. Naturellement ce dernier proteste contre les accusations lancées contre lui et contre la saisie d’armes qui sont sa propriété et il écrit à son tour au district. Les administrateurs de Roche-des-Trois pris entre l’autorité municipale et le commandant de la garde nationale qu’ils craignent de voir passer avec armes et hommes aux Chouans que de Sol de Grisoles, nouveau chef chouan à la place de de Silz, organise dans tout le canton, ne savent à quoi se résoudre et proposent la solution suivante pour essayer de concilier les parties : la démission forcée de Guillemin sera acceptée et les armes saisies seront rendues à Guillemin sur un reçu de ce dernier. La décision n’arrange personne et même mécontente tout le monde. Guillemin, appelé devant le conseil municipal, en juin, refuse de s’y rendre et, fort d’une lettre reçue de Roche-des-Trois, ordonnant à la municipalité de rendre les armes et les munitions, refuse de donner le reçu demandé par le conseil. Nouvel échange de lettres entre La Gacilly et le district et toujours sans résultat. Enfin, sur avis de Roche-des-Trois reçu par le comité de surveillance, le conseil municipal bat en retraite. Il rend les armes tout en protestant, pour la forme, contre la violence qui lui est faite. Voici le texte de sa délibération embarrassée : « Nous soussignés, maire et officiers municipaux de la commune de La Gacilly et faisant droit aux conclusions de l’agent national de cette commune, déclarons que ne voulant pas désobéir au réquisitoire à nous déposé ce jour par le nommé Joseph Guillemin et signé de deux administrateurs et de l’agent national de Roche-des-Trois, remettre au dit Guillemin deux fusils doubles, un fusil simple, un sabre, deux fleurets, cinq livres de balles, quatre livres de plomb et cinq cartouches, le tout saisi chez le dit Guillemin comme étant déclaré suspect et mauvais citoyen par arrêté de la municipalité en date du 4 prairial dernier ; la remise faite sous la responsabilité de l’administration de Roche-des-Trois à laquelle on fera passer pour la seconde fois les arrêtés du 15 prairial et du 17 messidor, avec un de celui-ci qui y sera joint. Déclarons en outre derechef ne pas nous retracter de l’arrêté du 15 prairial et que copie du tout sera adressé au comité de salut public ». En somme, c’est une reculade sur toute la ligne et Seguin le Jeune, président du comité de surveillance, pourra en riant sous cape de la docilité du conseil municipal, se féliciter de la solution de cette question épineuse en écrivant à l’agent national du district, le 21 prairial an II (3 juin 1794) : « Citoyen. Le comité n’a que de bons rapports à te faire des habitants de cette commune. Il ne s’est rien commis contre les vœux de la loi durant cette décade, si ce n’est l’affaire Guillemin dont tu as eu connaissance et qui se trouve terminée par la marche que tu as indiquée ».

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8 juillet 1794. ( 20 messidor an II )

Du district, voici qu’arrive aux membres de la municipalité gacilienne, un blâme pour leur initiative du 9 juin. Immédiatement, repris par la peur, ils rédigent un nouvel arrêté annulant le premier et craignant encore de n’en avoir pas fait assez, ils se mettent à plat ventre devant la Convention terroriste. On voit bien que Cheval n’est plus là. Il est parti pour Rennes où l’essai de fédération des modérés devait du reste subir un échec lamentable. La forme embarrassée de leur délibération, sa longueur, ses redites, ses incorrections, montrent bien qu’ils ont perdu leur belle assurance du mois précédent. « Sur avis du district que la réunion de Rennes pourrait servir de prétexte aux ennemis du bien public, pour troubler et empêcher l’unité de la République, d’autant qu’il a été nommé un commissaire chargé de se réunir aux autres communes, pour concourir aux intérêts du salut public, considérant encore que cet arrêté n’a jamais entendu méconnaître la Convention Nationale ni les décrets qui en ont émanés, que néanmoins il est résulté de la réunion de plusieurs députés des communes, districts et départements des arrêtés préjudiciables à l’unité et à l’indivisibilité de la République, que par un décret de la Convention du 26 juin non encore communiqué officiellement, mais connu par avis du district, il est enjoint à tous administrateurs et officiers du peuple, de révoquer tous les arrêtés tendant à faire méconnaître l’existence de la Convention Nationale ; le conseil révoque son arrêté du 9 juin, arrête au surplus que la présente délibération sera publiée et affichée et que expédition d’icelle sera envoyée au Comité de salut public de la Convention Nationale, en preuve de son inviolable attachement tant à la Convention Nationale qu’à l’unité et indivisibilité de la République. »

12 août 1794. ( 25 thermidor an II)

Les cordonniers sont réquisitionnés ; ils sont tenus de fournir « 5 paires par décade ». La commune de La Gacilly reçut même un ordre plus stricte avec « la réquisition des cuirs qui se trouvent chez les tanneurs et les cordonniers » avec nomination de contrôleurs « pour surveiller ces artisans et les empêcher de détourner leur matière première ».

5 septembre 1794 (28 fructidor an II).

Après l’affaire Guillemin, voici que les dénonciateurs s’attaquent au jeune, intelligent et actif agent national, Jean Cheval du Châtelier. N’ayant que 29 ans, il est en fait le vrai chef du canton ; obligeant et serviable pour tous, il avait trouvé le moyen difficile à cette époque de haine, d’avoir des sympathies dans tous les camps. A la prise de La Gacilly par les Chouans en 1793, il est nommé, par leurs chefs, commandant de la ville pour le roi. D’autre part, il est l’homme de confiance du district de Roche-des-Trois qui ne voit que lui pour maintenir l’ordre et le respect des lois dans ce coin agité dépendant de son administration. Cette situation prépondérante ne pouvait manquer de lui faire des jaloux et c’est ce qui arriva. Obligé de s’absenter deux mois au début de 1794, il avait laissé le conseil municipal empêtré dans toutes sortes de difficultés dont il avait eu mille peines à sortir d’où plaintes et récriminations des membres du conseil. L’occasion parut bonne à Augustin Grinsart, le jeune maire de La Gacilly, d’écarter un rival gênant et il dénonce Cheval au district écrivant contre lui une longue lettre d’accusation. Comme le résultat ne venait pas assez vite au gré de ses désirs, il voulut se faire appuyer par le conseil municipal, mais là, il se trompa d’adresse. Voici le compte-rendu de la réunion du conseil du 5 septembre 1794 : « Le maire a dit : Citoyens, il y a environ trois mois que nous avons délivré un réquisitoire au nommé Pierre Cheval du Châtelier (jeune frère de Jean Cheval) en cette commune, de se rendre à La Gacilly pour de compagnie avec d’autres gardes nationaux, conduire à Roche-des-Trois des prisonniers en état d’arrestation dans cette ville ; que Jean Cheval, agent national, changea de son écriture le nom qui était porté et y substitua celui de Julien Glains, journalier et pauvre et le força de faire la corvée attribuée à Pierre Cheval, son frère ; que le même Cheval s’est opposé constamment au départ de plusieurs gens de la première réquisition en gardant son frère avec lui qui est de ce nombre, malgré les différentes invitations de cette municipalité, que lorsqu’il s’agit de prendre des conclusions contre les réfractaires aux lois, il n’en prend aucune ou il les prend à l’avantage de ces derniers, qu’il n’a jamais pris aucune mesure de sûreté, ni cherché à faire exécuter le maximum, que souvent il s’est montré le défenseur des contrevenants à la loi, que plusieurs fois il a entravé la marche de la municipalité par sa négligence, que hier la municipalité avait donné un réquisitoire au citoien Jean Cheval du Lieuvix et Olivier Goupil de la Bouère pour conduire à Roche-des-Trois des cuivres et chanvres, lequel fut remis à Jean Boutin pour le remettre aux ci-dessus dénommés. Le dit Cheval instruit de ce fait se transporta chez Boutin, raya le nom de Cheval et y substitua celui de Métayer quoique ce dernier avait fourni son harnais dernièrement, ce qui occasionna beaucoup de discussion et que la municipalité a été obligée d’envoyer cette nuit commander les chartiers ; que le dit Cheval a soustrait à la municipalité différents fusils dont il a armé des gens reconnus mauvais citoyens et non habitants de cette commune, des gens qui ont déjà participé au Brigandage, que depuis longtemps il retient les rolles de 1792 et a refusé plusieurs fois de les remettre à la municipalité ; c’est pourquoi le maire requiert que le conseil général délibère sur les faits à demi avoués par le dit Cheval et demande que son certificat de civisme lui soit retiré et a signé. . » L’attaque était adroite et perfide, partant de légers abus d’autorité franchement excusables pour arriver à l’accusation grave de partager avec le Brigandage, c’est à dire la chouannerie, mais elle avait contre elle d’être lâche, puisque Cheval était absent et de ne porter vraiment que pour les gens de l’administration centrale, étrangers à La Gacilly. Mais en rappelant que Jean Cheval avait empêché le départ de nombreux jeunes gens du pays, s’était opposé à l’application trop sévère des lois oppressives, n’avait pas fait exécuter la loi du maximum, avait retenu chez lui les rôles de 1792 et, par conséquent, arrêté ou au moins rendu difficile la perception des impôts nouveaux et trop lourds qui pesaient sur les contribuables, cette attaque violente montrait aux Gaciliens d’une façon évidente les services rendus par Cheval à ses compatriotes. Il n’était pas jusqu’à l’accusation de Brigandage qui ne leur parut une recommandation, car ayant à leur tête quelqu’un en bons termes et peut-être en relation avec les Chouans qu’ils savaient organisés dans toutes les communes du canton, ils se sentaient plus en sûreté contre les incursions et les attaques qui pourraient être tentées contre La Gacilly. Les Gaciliens le comprirent et, pour une fois, ils furent braves. Ils ne voulurent pas suivre le maire qui s’était fait l’écho très servile des fonctionnaires et étrangers du comité de surveillance. « Le conseil général, délibérant sur les dires du maire et la question mise aux voix, savoir si on retirera ou non le certificat de civisme du dit Cheval, les citoyens Louis Clémenceau, (frère de l’enregistrateur) et Le Roy (officier de santé qui par jalousie ou intérêt nourrissait une animosité contre Cheval) ont été d’avis de le retirer. Les citoyens Paterne Soulaine, Jean Hersart, Pierre Soulaine, Joseph Hervy, Jean-Marie Perrigue, Pierre Roussel, Joseph Guehenneuc, Julien Tatard ont été d’avis de le lui laisser et sans aucune punition. En conséquence le dit Cheval reste suivant cet arrêté dans ses fonctions. Et à bon droit le maire a dit qu’il requérait que copie du tout serait adressé à l’administration de Roche-des-Trois pour être statué ce qui sera vu opportun et que le conseil général a arresté malgré que le dit Cheval ait convenu de la vérité des inculpations portées contre lui par le maire en présence du conseil de général (sic). » L’affaire fut donc portée devant le comité de surveillance de Roche-des-Trois. Grinsart renchérit sur les précédentes accusations. Le sieur Cheval n’a rien fait pour assurer la levée des nouvelles recrues en mars 1794, a rendu à Pierre Graud des Zéreux, son fusil réquisitionné par Soulaine, officier municipal, pour monter la garde, etc., etc. Cela amena enquêtes sur enquêtes, confrontations, discussions de témoins, dépositions longues et contradictoires formant un dossier très volumineux (liasse 1251 des archives départementales). Comme les dépositions étaient généralement favorables à Cheval et que, d’autre part, l’administration centrale avait besoin de ce dernier pour la période troublée qui s’annonçait, le comité de Rochefort renvoya les adversaires dos à dos, en les maintenant provisoirement dans leurs fonctions.

27 septembre 1794. ( 5 vendémiaire an III )

« Entendu l’arrêté du Comité de salut public du 16 floréal qui défend le commerce des pierres à fusil et la lettre d’administration du 4° jour des Sans culotides, avons nommé par commission pour rapporter l’état et procès-verbaux des pierres à fusil qui peuvent se trouver chez les marchands de cette commune, Jacques-Marie Le Roy, chirurgien. »

3 octobre 1794 . ( 11 vendémiaire an III ). 

Le citoyen Janvier présente une commission de l’administration du district de Roche-des-Trois, à l’effet de presser le départ des grains qui doivent être conduits à Redon et à Vannes dans les magasins militaires.

7 novembre 1794. ( 17 brumaire an III).

La garde nationale de La Gacilly dont Jean-Marie Guillotin était devenu le capitaine n’a guère qu’un rôle de parade. Mais cela va changer car les Chouans organisés en compagnies régulières dans toutes les paroisses environnantes, ne cachent plus leur intention de s’attaquer aux amis de la Révolution, de faire rendre gorge aux acquéreurs de biens nationaux, de s’emparer des grains confisqués aux émigrés et aux nobles qui combattent avec eux, se regardant comme les vrais propriétaires de ces biens volés. Les administrations républicaines des chefs-lieux de district et de canton prennent peur et réclament secours et protection contre les dangers qu’ils sentent les menacer. C’est Roche-des-Trois qui commence le 7 novembre ; au conseil municipal gacilien, Grinsart communique une lettre de Roche-des-Trois « qui donne à entendre qu’il peut y avoir dans nos parages des Brigands qui peuvent avoir quelques mauvais projets et invite tous les bons républicains à se réunir au chef-lieu de district pour les repousser en cas d’attaque » ; après la lecture d’icelle, le maire a dit : « Mes frères (sic), j’ai appris que l’arbre de la Liberté de Lezereux (Les Zéreux) à une lieue d’ici, avait été coupé la nuit dernière. Rien ne nous annonce plus le Brigandage. Je crois qu’il serait urgent de prendre des mesures de sûreté. » Le conseil général délibérant répond à l’administration sur cette lettre qu’il soit de suite fait offre de service de la garde nationale de cette commune à l’administration, arrête de plus qu’il sera dressé un état de toutes les armes qu’il peut y avoir en cette commune, et décide que tous les particuliers qui peuvent en avoir seront tenus d’en faire la déclaration à la municipalité dans les 24 heures de la publication du présent arrêté sous peine de confiscation, arrête de plus qu’il sera ordonné au capitaine de la garde nationale de cette ville de faire monter dès ce soir une garde de 10 hommes pour la sécurité publique. Augustin Grinsart a bien raison d’être inquiet et de trembler car il va bientôt apprendre à ses dépens que les menaces des Chouans ne sont pas vaines et que, bien organisés cette fois, par d’anciens officiers de l’armée royale ou de l’armée vendéenne, les catholiques morbihannais outrés de la persécution religieuse croissante, réduits à la misère par les impôts et les réquisitions, ne voulant pas laisser leurs jeunes hommes servir un régime abhorré, veulent commencer une campagne sérieuse contre les centres révolutionnaires, lutter pied à pied contre les troupes envoyées pour dompter le pays en plein soulèvement. Bien que moins bien pourvus que leurs adversaires en armes et en munitions, leur courage et leur hardiesse vont donner bien du fil à retordre aux généraux Hoche et Quentin envoyés pour briser leur résistance et il faudra toute l’habileté et la souplesse de Hoche, toute la fermeté et la discipline de son subordonné pour arriver à les vaincre après de nombreux et souvent sanglants combats sur tous les points du département.

10 novembre 1794. ( 20 brumaire an III )

Présentation au conseil d’une commission du citoyen Louis Viviers, en date du 26 vendémiaire, par laquelle il était nommé par l’administration de Roche-des-Trois, commissaire pour surveiller les tanneurs de ce canton.

15 novembre 1794. ( 25 brumaire an III )

Ordre est donné à Jean Cheval, agent national, de réquisitionner quatre hommes pour le service militaire à Vannes. « Qu’ils soient pris, dit la lettre, parmi les patriotes de cette commune et parmi ceux qui soient le moins utiles à l’agriculture ». Sont désignés d’office : Jean Rouxel de la Gazaie, Julien Glains du Pâtis, Julien Lucas et Bonaventure Guiho de cette ville. Tous les quatre sont agriculteurs, comme par hasard.

22 décembre 1794 ( 2 nivôse an III )

L’ordre est donné de recenser grains, foins, pailles, chanvres et bestiaux. Sont désignés comme commissaires pour la ville, René-Noël Rubault, l’ancien curé constitutionnel et Denys Chedalleux. A toutes ces charges qui pèsent sur les Gaciliens, il faut ajouter le logement et le ravitaillement de la troupe amenée à La Gacilly pour défendre les personnes et les propriétés des patriotes, c’est à dire surtout des fonctionnaires.

26 décembre 1794. ( 6 nivôse an III )

Nouvelle réquisition de quatre hommes pour Rochefort et ensuite pour Vannes. Sont désignés : Michel Hochet, Joseph Rabin du Pâtis, Joseph Garel de la Corblaie et Thomas Hallier de la ville. Mais ils ne partiront point car ils figurent en 1795 dans les rangs de la garde nationale de La Gacilly.

1795

Au début de l’année, la Convention thermidorienne engage des négociations avec le chef chouan Charrette à la Jaunaye et à la Mabilais dont les clauses sont acceptées en mai par Stofflet. L’amnistie est accordée aux insurgés ainsi que le libre exercice du culte. Mais en juillet, avec le débarquement d’émigrés à Quiberon, les hostilités reprennent.

13 février 1795. ( 24 pluviôse an III )

Après Augustin Grinsart, voici que Charles-Florentin Seguin, l’ancien président du comité de surveillance de La Gacilly qui a eu de l’avancement et est devenu membre du comité révolutionnaire de Roche-des-Trois, s’émeut à son tour ; pris de crainte pour ses propriétés (l’ancien secrétaire du conseil municipal a été un grand acquéreur de biens nationaux), il adresse de Roche-des-Trois, le 13 février (24 pluviôse), une lettre aux officiers municipaux de La Gacilly, leur enjoignant de faire désarmer tous les habitants de la campagne de cette commune et de faire déposer les armes au chef-lieu du district et ce, sous bref délai. Il enjoint également de faire monter une garde toutes les nuits jusqu’à ce que la tranquillité publique soit bien rétablie tant pour la sécurité des citoyens que pour leurs propriétés. Comme il le montre assez, Seguin n’avait qu’une médiocre confiance dans les paysans de la commune pour garder ses propriétés et il avait raison car beaucoup étaient chouans et presque tous sympathiques aux Chouans. Ainsi la garde nationale ne compte point dans ses rangs de paysans de La Gacilly en dehors de la Bouère et du Pâtis trop rapprochés de la ville pour échapper à la surveillance du comité révolutionnaire et , pour faire un peu figure, elle est obligée de se recruter à Cournon, au Plessis-Morio, à Lestun avec Etoré et Hervé de la Buissonnaie, mais c’étaient des volontaires par force si on peut dire, car, tout en faisant partie de la garde nationale, ils font partie de l’armée des Chouans et font le coup de feu contre les patriotes qu’ils défendaient hier. Les révolutionnaires de La Gacilly n’avaient pas attendu la lettre de Seguin pour prendre leurs précautions. La garde était montée toutes les nuits et précisément, alors que l’administration municipale réunie prenait connaissance des ordres de Roche-des-Trois, se présente, à la mairie, le citoyen Mathurin Robert « lequel a dit, qu’étant commandant de garde la nuit dernière, il avait été avec Guillaume Le Roux et Jean Macé, deux des fusiliers de la dite garde en patrouille, qu’étant au Pavillon près le marché de cette ville, il leur avait été lancé un coup de fusil, qu’ils s’étaient repliés en ville, qu’il avait de suite fait battre la générale. Le peuple se rassembla tous (sic) sous les halles à attendre l’ennemi mais il ne vint personne. » Le maire dit : « Citoyens, nous sommes tous les jours menassés (sic) de la part des Brigands ; ils raude (sic) continuellement aux environs de cette ville, nous avons tous à craindre pour notre vie et celle de nos concitoyens, il est nécessaire que nous prenions des mesures pour mettre nos vies et nos propriétés en surté (sic). Je suis d’avis que nous envoyons de suite une députation des habitants de cette ville vers le général Crique (Krieg) à Redon lui exposer notre danger ».

20 février 1795. ( 2 ventôse an III)

Une députation est donc envoyée à Redon pour que le général, arrivé depuis peu, envoie des renforts. En pure perte d’ailleurs , puisque c’est le contraire qui se produit, Krieg vient de recevoir l’ordre de rallier toutes les petites garnisons locales pour envoyer une grande partie de ses troupes à la frontière ; il ne faut pas oublier que la France est toujours en guerre contre l’Autriche et la Prusse. La Gacilly, au lieu de recevoir des renforts, envoie une compagnie de volontaires. Devant cette contradiction, les patriotes de La Gacilly s’affolent et écrivent aux administrateurs de Roche-des-Trois pour exposer leurs inquiétudes. Mais ils ont beau dire que les Brigands rôdent dans les communes voisines des Fougerêts, Glénac, Bains-sur-Oust et Saint-Vincent-sur-Oust, rappeler que les patriotes montent la garde tous les soirs disposés à se défendre et que malheureusement ces patriotes sont presque sans munitions, le district ne peut venir à leur aide et le leur fait savoir. Le 8 mai, nouvelles plaintes : « Nous nous sommes adressés en vain à Redon. La désolation se fait entendre de toute part ». Ils n’en ont pas fini avec les émotions et les incidents qui se multiplient autour d’eux et qui ne vont faire qu’augmenter leur crainte et leur angoisse.

Fin février 1795 .( Ventôse an III )

Des pillages effectués par les Chouans ont lieu à Sixt-sur-Aff, Goven et une attaque est opérée sur Allaire qui provoque l’installation de nouveaux cantonnements républicains aux environs de Redon. Les troupes ayant été retirées de La Gacilly, les habitants viennent à Redon exprimer les craintes qu’ils ont de voir piller les grains appartenant à la République. Bien que La Gacilly n’appartienne pas au district de Redon, le directoire de cette ville, donne cependant 25 hommes jusqu’à ce que le district de la Roche-des-Trois ait enlevé les grains. Il nomme en outre en qualité de commissaire, Joseph Marie Seguin, le juge de paix du canton.

12 mai 1795. ( 23 prairial an III )

Un groupe de 17 ou 18 Gaciliens, blatiers et cultivateurs, avec 23 chevaux sont réquisitionnés pour aller chercher au prieuré de Ruffiac, des grains provenant de la région de Caro. Ayant pris livraison du grain, ils s’en revenaient le soir le long de la route de Malestroit lorsque, à Saint-Donat en Saint-Nicolas-du-Tertre (Saint-Denat, dit au district, le commissaire Corvec), ils sont arrêtés par trois Chouans armés qui, ayant reconnu la nature du chargement qu’ils connaissaient sans doute déjà par leurs amis de la région, les prièrent de s’arrêter d’abord, puis de vouloir bien les suivre et les conduisirent à travers bois et forêts jusqu’au château de Castellan en Saint-Martin-sur-Oust où on débarrasse les chevaux de leurs charges et on garde prisonniers les Gaciliens ayant à leur tête le maire même de La Gacilly, Augustin Grinsart. L’un d’entre eux, grâce à l’obscurité ou peut-être au relâchement de la surveillance à l’arrivée à Castellan, lieu de réunion d’un groupe important de Chouans, parvint à s’échapper avec son cheval. Il se nommait René Chesnais et habitait le Pâtis. A bride abattue, il se lança dans la direction de Saint-Martin-sur-Oust où il arriva au point du jour. Il tomba au milieu de la troupe bleue du commissaire Corvec de Roche-des-Trois qui y cantonnait alors pour surveiller les passages de la rivière d’Oust à Cronha (Cranhac ?), Rieux près de Castellan et le Guélin menacés par les Chouans. Chesnais raconte son histoire et celle de ses compatriotes à Corvec qui ne dut pas être médiocrement ému de savoir que lorsqu’il veillait au Sud pour empêcher les Chouans de passer la rivière, ceux-ci agissaient librement au Nord et derrière lui. Il écrit immédiatement au département pour demander du secours. « Il y a là-bas à Castellan, dit-il, environ 400 hommes réunis (ils se sont singulièrement multipliés depuis le départ de Chesnais qui n’en avait vu qu’une vingtaine), des grains en énorme quantité…Le maire est blessé. Il faut agir de suite pour saisir les Brigands et délivrer les captifs. » Et l’ancien gendarme, transformé en stratège, dresse tout un plan de campagne. Inviter l’administration de Redon à faire partir un détachement sur Peillac et le Pont d’Oust ou encore par Saint-Gravé sur le Guélin ; Malestroit pourrait marcher par Saint-Congard…Mais Corvec s’était trop empressé de jeter ce cri d’alarme. Le jour où sa lettre arrivait à Roche-des-Trois, y parvenait également une lettre des officiers municipaux de La Gacilly, un peu plus rassurante : « Nous apprenons, disent-ils, que, dans la journée d’hier, les Chouans nous ont arrêté 23 chevaux chargés de blé venant de Ruffiac. Les hommes qui les conduisaient ont été relâchés mais ils n’ont ramené ni chevaux, ni grains ». Et la lettre est signée de Grinsart, maire. Si vraiment, comme le disait Corvec, il avait été mis à mal par les Chouans, ses blessures n’étaient pas graves puisqu’il avait pu franchir sans trop de fatigue les 13 à 14 kilomètres qui séparent Castellan de La Gacilly. Mais le retour des prisonniers et le récit de leurs mésaventures n’étaient pas de nature à rassurer les révolutionnaires du pays. Ce n’était pas cependant la première fois que les blatiers de La Gacilly étaient arrêtés par les Chouans mais ceux-ci habituellement se contentaient de prendre les grains et renvoyaient les hommes et les chevaux. Cette fois, de Sol avait gardé même les chevaux « pour tout le temps qu’il en aurait besoin ». Cependant, comme il avait dit aux Gaciliens qu’il rendrait les chevaux le lendemain à Carentoir, quelques-uns s’y rendirent et rentrèrent en possession de leurs bêtes. Les Chouans de de Sol venaient, en effet, de s’emparer de Carentoir. Ayant appris que Corvec, le commissaire du district, devait s’y rendre avec la troupe de Cornet pour procéder à l’enlèvement des grains réquisitionnés et réunis dans les greniers publics de Carentoir, ils le devancèrent et ils occupèrent le bourg pour le fermer aux troupes républicaines et s’emparer eux-mêmes des grains. Cette seconde chouannerie, à l’inverse de celle de 1793 qui avait été uniquement religieuse, était à la fois religieuse, politique et économique. Ce fut même en beaucoup de circonstances une guerre de grains et de farine. A ce moment régnait une misère atroce dans toute la région. L’hiver précédent avait été long et rigoureux. Des réquisitions toujours plus exigeantes et plus multipliées avaient achevé d’enlever aux paysans leurs provisions de grains et de fourrages pour ravitailler Rennes, Redon, Nantes et même Bordeaux. Le pays était menacé de la famine par les exigences des commissaires du district qui parcouraient les campagnes accompagnés de troupes bleues pillant, ravageant, brûlant tout ce qu’elles trouvaient sur leur passage et ne se privant guère de maltraiter et même de tuer les paysans inoffensifs. C’est ainsi qu’en ces jours de mai 1795, les Bleus en passant fusillèrent à Saint-Martin-sur-Oust, un paysan laboureur travaillant dans son champ. Poussés par la misère et par la faim, les paysans se révoltèrent, s’unirent aux Chouans organisés dans le pays et coururent en armes aux greniers publics où étaient accumulés les grains des réquisitions.

13 mai 1795. ( 24 floréal an III )

Une lettre de de Sol, chef des Chouans pour le canton de La Gacilly, datée de la 3° année du règne de Louis XVII et adressée au commissaire Corvec, explique les raisons de ces enlèvements de grains. « J’ai donné l’ordre à mes soldats d’arrêter tous les blatiers, de se saisir des charges et de renvoyer les hommes pour sauver le pays d’une disette prochaine. En effet, le pays de La Gacilly est pressuré, on lui prend ses grains pour en nourrir les villes voisines. Il en sera ainsi tant que les hommes du commissaire useront de menaces pour exproprier les habitants. De pareils exemples et même de plus terribles, s’il est nécessaire, sont seuls capables de sauver le malheureux pays menacé d’une disette prochaine ». Pour obéir à ses ordres, ses hommes multiplièrent à cette époque les coups de main sur tous les points de la région. L’église de Peillac avait été transformée en magasin à grains et à fourrages. En mars, les Chouans la vidèrent de son contenu. En avril, Michel Pério, le chef des Chouans de Peillac, enlève les blés déposés au château du Brossay. Il a même la gentillesse d’en prévenir les autorités du district auxquelles il écrit : « N’ayant trouvé personne pour me mettre les clés des greniers en main, j’ai fait enfoncer deux portes. Je prie les agents républicains de recevoir les remerciements que je leur dois pour avoir conservé jusqu’ici la quantité de grains déposés au château cy-dessus nommé ». Mais toutes leurs expéditions ne furent pas des victoires et ils durent plusieurs fois fuir devant les troupes républicaines survenant en grand nombre. C’est ce qui leur arriva par exemple à Carentoir les 12 et 13 mai 1795, le lendemain de leur succès. S’étant emparés du bourg, sans coup férir, dans la soirée du 12, ils se laissèrent surprendre le lendemain matin par la troupe de Cornet accompagnant Corvec et durent fuir en hâte laissant dans les greniers les grains qu’ils voulaient prendre. Un Chouan fut tué pendant l’attaque et deux autres gravement blessés : Hercouet de Saint-Jacut et Claude Laurent de Saint-Martin-sur-Oust ; faits prisonniers, ils furent ramenés le soir à La Gacilly par Corvec qui y vint cantonner avec sa troupe.

Corvec, pendant son court séjour à La Gacilly, fut assailli des réclamations et des doléances des patriotes effrayés, à juste titre, de l’attitude menaçante des Chouans des environs. Mais il se contenta d’appuyer la demande de secours faite au département et regagna Roche-des-Trois avec ses troupes, laissant dans le désespoir tous ceux qui n’ayant pas la conscience tranquille à cause de leurs injustes réquisitions, de leurs acquisitions de biens d’église et de biens de nobles, de leurs dénonciations de prêtres fidèles ou de suspects de chouanage avaient tout lieu de craindre les représailles des Chouans .

27 mai 1795. ( 8 prairial an III )

Vannes répondit « qu’il était impossible d’aller en force dans la commune de La Gacilly, l’attention des généraux étant accaparée par les ennemis de l’extérieur et de l’intérieur ». Alors c’est l’affolement parmi les fonctionnaires du nouveau régime et ceux qu’ils ont compromis avec eux. Ces « braves » qui se vantaient en pluviôse (février), en écrivant au district, d’être prêts à se défendre contre toute incursion des Brigands, ne songent plus qu’à fuir et aller se mettre sous l’abri des baïonnettes républicaines à Roche-des-Trois et à Redon. Ils ont tellement hâte de se sauver qu’ils abandonnent derrière eux leurs femmes et leurs enfants et qu’ils en oublient d’emporter leur argent. Cependant quelques-uns d’entre eux n’auront pu partir à temps et ils vont se trouver pris dans la tourmente.

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Attaque de La Gacilly par les Chouans.

 

8 juin 1795 .( 20 prairial an III)

Récit du garde national Etoré

Le 8 juin 1795, la ville de La Gacilly est encerclée par les Chouans de Glénac, des Fougerêts conduits par de Sol de Grisolles et Caillet de Saint-Jacob et de Saint-Martin-sur-Oust . Ce jour-là, le garde national Etoré, cultivateur à Lestun en Cournon, factionnaire de garde, a raconté à J.M. Seguin, le juge de paix, l’attaque des Chouans. Ce dernier a dressé un procès-verbal quelques jours après. « L’attaque eut lieu à l’aube vers les trois heures du matin dans la nuit du 19 au 20 prairial ; alors qu’il était de garde à La Gacilly, qu’aussitôt que le jour commença à paraître, la garde se retira pour se reposer à l’exception des factionnaires, qu’il était factionnaire avis (près) la porte de Hersart, qu’environ une demie heure après la garde, étant encore en faction, il entendit beaucoup de monde venant de la rue du cimetière armé de fusils, qu’il leur cria : Qui vive ? Qu’on lui répondit : Républicains ; en approchant, qu’il leur répéta : Qui vive ? Halte-là, qu’on lui répondit : Habitants de La Gacilly, que voyant que c’étaient pas des habitants de La Gacilly, il se récria : Qui vive ? Halte-là, qu’au même moment, il fut tiré sur lui cinq coups de fusil, qu’alors il se rasa le long des maisons et vint se cacher contre la porte d’écurie de Guillotin, fit passer son fusil par un trou dans l’écurie et se cacha dans la porte ; que les dits royalistes étant entrés chez différents particuliers, il entendit saisir sur la rue un homme qui se nommait Robert et sur lequel on fit feu ; qu’il fut lui-même trouvé par un royaliste qui vint gâter de l’eau contre la porte de la dite écurie, qu’il fut conduit lui-même au milieu de leur troupe dans laquelle il reconnut de Sol de Grisolles, les deux Péreau, ( c’est Pério qu’il veut dire), le nommé Puissant ci-devant volontaire, le nommé La Feuillade, le fils aîné de Jean Potier des Fougerêts, Pierre Le Fresne de Maure, les deux Boutemy de Glénac, le fils de Mathurin Hervé de la Bussonaye en Cournon, domestique à la Grignonnaye ; qu’ayant été relâché sur ce qu’il était étranger lequel venait chercher un chirurgien pour sa femme en couches, il ne resta pas à voir ce qui se passait. Ajoute qu’il y a environ un mois et demi que les Chouans des Fougerêts et de Saint-Martin-sur-Oust lui volèrent un cheval et cinq demés et demi de seigle qui furent amenés par Joseph Belsoeur, Louis Chotard et Noblet de la commune de Les Fougerêts, que de Sol avait promis de lui faire rendre son cheval en retour du voyage de Carentoir, mais qu’il n’en a rien fait. »

La relation du factionnaire Etoré qui nous renseigne exactement sur l’arrivée des Chouans, n’a plus la même précision pour le reste du récit et est sur beaucoup de points en contradiction avec les dépositions des autres témoins. Il faut se rappeler que Etoré étant de garde ne peut déclarer avoir abandonné son poste après avoir tiré un seul coup de fusil au lieu des trois prévus. C’est pour cela qu’il affirme avoir fait les trois sommations réglementaires alors que Jean Hersart et Anne Provost, femme Denoual, aux portes de qui cela se passait, ont formellement entendu un seul qui vive, halte-là auquel il fut répondu : Royalistes et qui fut suivi de quelques coups de fusil. Caché derrière la porte de l’écurie de Guillotin sur le chemin du Vaugleu, il n’a pu voir ce qui se passait sur la place et la rue devant les Halles, par conséquent la mort de Robert et le pillage des maisons particulières. Les Chouans n’entrèrent chez les particuliers qu’après l’occupation de tous les quartiers.

 

 

Autres témoignages.

 

 

Mathurin Robert.

Seule victime, et d’ailleurs accidentelle, de cette échauffourée matinale, Mathurin Robert était originaire de la paroisse de Domloup du diocèse de Rennes. Il avait, le 12 juillet 1791, alors qu’il était domicilié à Redon, épousé à La Gacilly, Marie-Anne-Jacquette Grinsart, fille de Joseph-Marie Grinsart, dit Lasalle et de Marie-Elisabeth Simonnet. Il était donc le beau-frère d’Augustin Grinsart, maire de La Gacilly et de Philippe Gatault, menuisier, et le cousin germain de Joseph et de Charles-Florentin Seguin et par conséquent connu de tout le monde à La Gacilly et aux environs. Sans situation bien définie à Redon, effrayé peut-être de la tournure que prenaient les évènements, il s’était réfugié avec sa femme chez son beau-père et il venait d’accepter la situation plus que modeste à cette époque, d’instituteur public de la commune. La Convention avait bien en effet décrété l’organisation d’un enseignement national et fixé sur le papier des traitements pour les instituteurs, mais jamais un centime ne fut versé aux intéressés. Du reste, ce traitement était bien insignifiant puisqu’il n’atteignait pas 1.000 francs (en valeur de 1840). Il n’avait, d’ailleurs, guère eu le temps d’exercer ses nouvelles fonctions, s’il les exerça jamais, car c’est seulement à la fin de janvier 1795 que le conseil municipal avait pris un arrêté expropriant François Clésio de sa maison de la rue du Pont pour la transformer en école primaire publique et la période troublée qui avait suivi, avec ses alertes incessantes, ses gardes de jour et de nuit pour la garde nationale dont Mathurin Robert faisait partie, n’était guère favorable à une organisation scolaire régulière.

 

Le Pillage.

En tout cas, les Chouans ayant reconnu la malheureuse victime et regrettant leur erreur involontaire, comme ils le disent à tout venant, se répandirent rapidement dans les différents quartiers de la ville pour s’assurer qu’ils en étaient bien les maîtres. C’est alors que Etoré et Viviers, appréhendés l’un à la porte de l’écurie de Guillotin, l’autre chez lui, au presbytère de l’époque furent conduits devant l’état-major réuni sur la place du Cas Rouge. Etoré fut immédiatement remis en liberté et regagna Lestun. Viviers après interrogatoire fut maintenu en état d’arrestation et confié à la garde de quelques hommes sûrs, place Saint-Vincent.

Les Chouans s’occupèrent alors du but principal de leur venue à La Gacilly, qui était de se procurer des armes et des munitions. Ils en manquaient en effet et, parmi les assaillants, Jeanne Le Roy, aubergiste, en signale un qui n’avait comme arme qu’une cognée. Comme les Chouans étaient à peu près tous du pays et connaissaient parfaitement tous les membres de la garde nationale de La Gacilly, la recherche des armes fut rapide et facile. Dix fusils, un sabre, celui de Roussel, agent municipal, une certaine quantité de cartouches et de balles, constituèrent leur butin de cette journée. Mais les envahisseurs n’en restèrent pas là. Leur premier soin fut d’abattre l’arbre de la Liberté planté devant les Halles, à côté du puits, et ensuite l’arbre de l’Egalité sur la place du Cas Rouge. Cela ne faisait évidemment de mal à personne. Mais ils voulurent de plus profiter de leur victoire pour satisfaire les rancunes accumulées contre les fonctionnaires d’un gouvernement honni, persécuteur et oppresseur, par leurs exactions, leurs réquisitions et leurs dénonciations, et contre tous ceux qui les suivaient, les soutenaient et aussi les imitaient. Des groupes de Chouans se portent à leurs maisons mais ils n’y trouvent pas ceux qu’ils cherchaient. Un grand nombre de révolutionnaires sont partis d’avance se mettre à l’abri à Roche-des-Trois et à Redon. Ceux qui n’ont pu le faire viennent de se sauver dans les campagnes environnantes au premier coup de fusil de la nuit et ils n’ont laissé que leurs femmes et leurs domestiques pour garder leurs demeures. Alors les assaillants furieux commencent à piller et à tout briser chez leurs ennemis, se mettant facilement la conscience à l’aise avec ce principe que tous les fonctionnaires de la République sont des voleurs et que, les rançonner, c’est reprendre son bien.

Il faut bien se rappeler que les Chouans de 1795 ne sont plus seulement, comme en 1793, des catholiques révoltés contre un gouvernement persécuteur de la religion. Leurs rangs se sont grossis de tous les adversaires du régime et en particulier des réfractaires à la conscription militaire vivant de vols et de rapines, et de déserteurs de l’armée républicaine qui, entraînés aux violences et aux pillages, étaient fort peu recommandables. Il y en avait dans les rangs des vainqueurs de La Gacilly. Thérèse Clavier, femme de Georges Poligner, tanneur, reconnaît parmi eux le nommé Lequain de Rouen, ex-tambour des armées de la République, qui faisait partie de la troupe cantonnée à La Gacilly au cours de l’année 1794 mais avait quitté les rangs républicains pour entrer dans l’armée catholique et royale. Le garde national Etoré a de même reconnu les ex-volontaires Puissant de La Gacilly et Lefèvre de Maure-de-Bretagne. Rien donc d’étonnant que dans l’enivrement de la victoire, un certain nombre de Chouans se soient laissé aller à des actes regrettables de pillage. Le juge de paix, Joseph Seguin, fit à ce sujet un long rapport au district ; désirant appuyer les réclamations de ses amis et les siennes, il exagère certainement sur bien des points. En voici de larges extraits qui montrent les horreurs de ces temps de guerre civile. « Ce matin-là, laissant de côté la maison de Joseph Seguin qui fut préservée par le corps de Mathurin Robert, ils se dirigèrent vers la demeure de Patern Soulaine qui habitait place du Cas Rouge, à l’entrée de la rue Saint-Vincent, dans le prolongement de la maison Berthaux (première maison à gauche de la rue Saint-Vincent). Patern Soulaine, gros marchand de la localité, était le beau-frère du percepteur Clémenceau et acquéreur comme lui de biens nationaux. Il s’était, avec son beau-frère, réfugié à Roche-des-Trois. Voici la déclaration de sa femme Marguerite Chollet : « Etant couchée, elle entendit faire dans la porte de sa demeure une grande décharge de coups de fusils par des gens qui criaient : Vive le Roy, et dire : Ouvrez de par le Roy ou nous enfonçons. Déclare qu’elle se leva et ouvrit la porte, qu’au même instant 30 ou 40 hommes armés de fusils, de baïonnettes, de pistolets, de sabres, entrèrent, la saisirent en la menaçant de lui brûler la cervelle, se saisirent d’elle et lui donnèrent une pousse contre le lambris, dont elle fut blessée à la tête, qu’on lui demanda des armes et de la munition, qu’ils prirent tout ce qu’elle avait d’argent dans la boutique et la marchandise qui leur plut, qu’elle reconnut sur la rue les deux Boutemy de Glénac. »

Une voisine, Marie Méaude, femme de Joseph Danard, maréchal, réveillée par le bruit qui se faisait chez Patern Soulaine et entendant les injures et les menaces adressées à sa femme, croyant qu’on allait la tuer, descendit pour lui porter secours, mais ne trouva plus personne. Elle vit tous les linges dispersés dans la place. Patern Soulaine se vit ainsi enlever tant en espèces qu’en marchandises une assez forte somme.

Renée Soulaine, sœur de Patern et épouse du citoyen Clémenceau, enregistrateur à La Gacilly et réfugié lui aussi à Roche-des-Trois, reçut de même la visite des Chouans. Elle reconnut Potier fils des Fougerêts, le fils de Gilles Belsoeur, sabotier, des Fougerêts et La Feuillade, maçon, également des Fougerêts qui s’appelait en fait Louis Bocherel et était originaire de Renac. Elle déclare que ce dernier voulait la faire fusiller, qu’elle se cacha ensuite dans un coin de sa maison et ne vit plus rien. Sa maison fut pillée comme celle de son frère Patern.

Les Chouans ne pouvaient oublier leur plus implacable ennemi, Charles-Florentin Seguin. Lui aussi avait fui pour aller se cacher à Roche-des-Trois. Sa maison, sise au haut des Halles, fut mise à sac. La commission des experts constata chez lui : une armoire brisée et les serrures forcées, meubles et effets sans dessus-dessous et épars par la place. Lui-même déclara, plus tard, avoir été, ce jour-là, victime d’un vol de mouchoirs, d’argent et d’assignats pour environ 2.000 livres; ayant ainsi réglé leurs comptes dans le haut et le centre ville, les vainqueurs redescendirent la rue du Pont et pénétrèrent dans les maisons des citoyens Viviers et Dufihol. Louis Viviers, ancien tanneur et, pour le moment, négociant, habitait le presbytère de l’époque. Originaire de la paroisse de Châtre, en Dauphiné, fils de Jean Viviers et de Marie Chabrol, il avait épousé, en novembre précédent, Marie-Anne Le Gall, veuve de Noël Le Quéré de Plonéour (Finistère) et fille de Gilles Le Gall, ancien notaire et procureur fiscal de la Bourdonnaye, et actuellement juge au tribunal révolutionnaire de Roche-des-Trois. Le portail de sa cour fut forcé, la porte de la maison brisée ainsi que les serrures de ses armoires. Une première déclaration de lui porte : vol de 18 livres de numéraire, de 60 à 80 livres d’assignats, de 18 chemises à son usage, de 80 paires de bas dont 3 de soie, de 25 mouchoirs de poche et de col, de 2 douzaines de chaussons de fil, de 3 douzaines de serviettes, un chapeau et une culotte de drap noir ; tous les meubles forcés ou brisés dans la cuisine ou dans la chambre. Ces bris ont été faits avec une hache de poing prise chez Jean Mabon de cette ville. Louise Poligner, sa femme, déclare qu’on la leur a enlevée. Quelques jours plus tard, il déclare, qu’outre les objets reférés en sa déclaration du 20 prairial, il s’est aperçu en arrangeant ses hardes qu’il lui avait été volé un habit noir et deux gilets de coton, qu’il reconnut parmi les auteurs de ces délits Caillet le Jeune de Saint-Jacob, au Champ de Foire, lorsqu’ils l’emmenaient, lui Viviers, prisonnier, qu’il entendit nommer chez lui, lors du pillage, Mesnard des Fougerêts, qu’il reconnut également La Feuillade ainsi que Lefèvre que l’on dit de Maure-de-Bretagne et qu’il avait été quelques jours auparavant fait prisonnier à La Gacilly en qualité de chouan (affaire de Carentoir), qu’il a entendu nommer leur chef de Sol. Viviers fut en effet d’abord fait prisonnier, emmené par la rue du Pont et la rue Saint-Vincent jusqu’au marché aux vaches, non sans avoir reçu le long de la route invectives et horions. Il fut ensuite relâché sur l’intervention de Caillet, le capitaine des Fougerêts. Tout ceci : entrée des chouans, mort de Robert, recherches des armes et des munitions, pillage des maisons des révolutionnaires, fut fait très rapidement. Il était cinq heures du matin, le soleil se levait, c’était le plein jour. Comme presque tous les Chouans étaient du pays, beaucoup ne tenaient pas à être reconnus par leurs voisins de La Gacilly. Comme, d’autre part, ils n’avaient trouvé dans la place aucun des révolutionnaires notoires, ils pouvaient craindre qu’ils n’aient eu le temps d’alerter les garnisons républicaines de Redon ou de la Bourdonnaye, ou encore Corvec qui parcourait toujours le pays avec sa troupe, et n’ayant nulle envie de voir se renouveler la surprise de Carentoir qui leur avait coûté de nombreux morts et blessés, ils s’en allèrent vers la Forêt-Neuve par la rue Saint-Vincent, emportant leur butin et emmenant comme prisonnier Louis Viviers qui fut du reste relâché de bonne heure.

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Un Chef Chouan.

Chef Chouan ’il décide de relancer les actions des Chouans de la région. Très entêté, il sera le dernier des derniers insurgésLe comte Louis-Charles-René De Sol de Grisolles, né à Guérande le 29 décembre 1761, fils d’Athanase de Sol et de Jeanne de Sécillon, d’abord officier de marine, rejoint Condé en 1791. Puis on le retrouve à Jersey en janvier 1795 ; il rentre en France en mars avec d’Andigné en débarquant près d’un village de Saint-Quay-Portrieux. Aussitôt dénoncés, ils sont arrêtés ; d’Andigné réussit à s’échapper mais de Sol, blessé, est fait prisonnier par les gardes-côtes ; lors d’un transfert, il s’échappe lui aussi et rejoint Guérande. Ne trouvant personne de sa famille, il se rend à Béganne au château de Trégoët qui est alors une propriété des de Sécillon. C’est là qu’il décide de relancer les actions des Chouans de la région. Trèsentêté, il sera le dernier des derniers insurgés. Il commence par réorganiser les bandes et les groupe en leur donnant des ordres grâce à des émissaires et se constitue un état-major avec M. de Mondoré comme colonel, deux Sécillon, ses deux cousins, comme chefs de bataillon, l’abbé Panhéleux, ex-recteur de Théhillac pour le ravitaillement et les renseignements. Il commence par attaquer les convois de charrettes qui emmènent le produit des perquisitions ; puis le blé et les autresmarchandises sont mis en lieu sûr. Il s’attaque ensuite aux greniers municipaux pas toujours très bien gardés. C’est la raison pour laquelle, depuis le 10 mai, celui de La Gacilly est gardé militairement jour et nuit. Puis il prend possession de tous les passages d’eau : Branféré est gardé par Gilles Sébilet tout dévoué à M. de Pioger ; le Port-Corbin, sur l’Aff, est généralement desservi par un des Debray de Coquelin.

De Sol change souvent de domicile accompagné de ses deux ordonnances Jean et Pierre Jaffredo de Limerzel. Quand il vient dans les environs de La Gacilly, il s’arrête très souvent à la Noë Cado tenue par M. Boudet qui, à la fin de l’année, est arrêté et incarcéré à Redon puis remis en liberté ; né à Saint-Domingue, ce dernier se faisait passer de nationalité américaine ; il fut pendant longtemps administrateur des Fougerêts et fit même arrêter des prêtres réfractaires. D’un autre côté, on peut se demander pourquoi de Sol n’eut jamais d’ennuis tout en rendant d’énormes services à la chouannerie ; peut-être parce que sa maison constitua le point de correspondance des princes pendant un certain temps. Après avoir quitté le commandement chouan de la région de l’Aff, on retrouve de Sol, quelques années plus tard, impliqué dans l’affaire de la « machine infernale ». Arrêté et enfermé au Temple à Paris, il sera délivré avec la Restauration et décèdera à Bordeaux le 13 avril 1886 après avoir été nommé gouverneur du château de Pau.

 

La Chouannerie racontée par un Gacilien.

Joseph Coué était cultivateur au village de Brozéas où il décéda à l’âge de 76 ans le 6 décembre 1839 ; voici le récit qu’il a fait de la chouannerie à La Gacilly alors qu’il habitait le village de la Villio.

Georges Cadoudal ,chef des chouans, sur l’échafaud« Les royalistes ou les chouans auraient bien voulu s’emparer de La Gacilly et venger sur elle la mort de leur capitaine Chevallier, exécuté à Carentoir par la guillotine de Redon que l’on avait fait venir exprès et que, depuis ce temps, on nommait Perrine Chevallier ; mais les Gaciliens étaient sur leurs gardes. La troupe unie aux citoyens fouillait les alentours par des rondes continuelles et défendait l’approche de la ville que les chouans n’osaient attaquer de vive force et en plein jour. Grâce à cette active surveillance qui ne s’endormait jamais, on se croyait en sûreté quand tout à coup les propos bavards et indiscrets d’une petite fille, Anne Séro, vinrent mettre tout le pays en émoi et attirèrent de grands malheurs sur Brohéas. La discrétion dans un temps de guerre civile est une vertu mille fois plus précieuse encore qu’en un temps ordinaire.

Le général de Soles, chef de l’armée royale dans le Morbihan, rencontra, en traversant avec son escorte les prairies de la Roche Gestin, la petite Annette qui gardait son troupeau et lui demanda s’il n’y avait point de chouans dans les villages voisins. « Nenni, monsieur, dit-elle ; s’il y en avait, nous irions bien vite en prévenir les gens de La Gacilly ». Ainsi, continue le chef royaliste inconnu à l’enfant, tous les hommes de ton village sont de bons citoyens et je pense que, quand ils rencontrent des chouans, ils ne manquent pas de les arrêter ou de leurs tirer de bons coups de fusil. « Je ne sais pas, répliqua Anne Séro, mais il y a un tel et un tel qui disent que s’ils pouvaient en empoigner quelques-uns, ils ne les manqueraient point ». Le chef royaliste s’éloigna avec son escorte après cette courte conversation qui se répandit bientôt dans les villages et vint nous terrifier tous.

Un soir je me couchai fatigué après avoir travaillé tout le jour et je m’endormis d’un profond sommeil. Vers minuit ma femme effrayée me réveilla en sursaut. « Joseph, me dit-elle, ne vois-tu à travers le guichet de la fenêtre de la lumière dans la rue du village ? On y fait un bruit bien extraordinaire. » Au même instant, j’entends frapper à ma porte et crier d’ouvrir. Sans répondre, je m’habille à la hâte et me dispose à m’évader par une porte de derrière. Elle était gardée, la maison était cernée. Je saisis ma hache bien résolu à vendre cher ma vie ; mais que pourrais-je faire contre une multitude ? Je serais bientôt désarmé. Mieux valait agir de ruse. Une simple cloison séparait ma demeure de celle du voisin, absent en ce moment. J’engage sans bruit ma hache entre deux planches et j’en fais sauter une qui me procure une issue dont je profite pour aller me blottir sous un lit, après avoir réparé les traces de mon passage. La porte céda peu après sous les coups des assaillants. Ils arrachent ma femme de son lit en lui criant : « Où est ton chouan de mari ? » Rassurée et trompée par cette question, ma pauvre femme répond que je suis un bon citoyen. Aussitôt les coups pleuvent sur elle avec les injures. On la traîne par les cheveux. En entendant ses cris de douleur, je m’élance à son secours. Je renverse deux de ses bourreaux et le troisième prend la fuite ; mais la foule se précipite dans ma maison et je tombe sous les baïonnettes. Aucune cependant ne me fit de blessure grave. L’un de nos agresseurs me prend alors sous sa protection et m’ordonne de prouver que je suis honnête homme en régalant la compagnie. Je ne me fis pas prier. Mon lard est dépecé, mon cidre coule à écuellées. Heureux d’en être quitte pour les frais de l’orgie, je ne refusais rien, lorsque l’un des convives s’écria que je le menaçais d’un coup de couteau. « Comment cela, répondis-je, je n’ai pas de couteau et vous tenez le mien dans votre main ? » « C’est un pataud, c’est un coquin » s’écrièrent alors toutes les voix en couvrant la mienne. On me saisit, on me lie les mains derrière le dos avec une corde à charrette et l’on m’accouple coude à coude à l’un de mes voisins. Quatre autres nous attendaient garrottés de la même manière. Nos plaintes, nos réclamations nous attirèrent de cruelles railleries et des insultes. C’était, disait-on, un triomphe que l’on nous préparait à La Gacilly. Ce fut en effet dans cette direction que l’on nous fit marcher ; mais arrivés au lieu-dit Rincelet, dans la prairie de la Ville Orion, on nous fit faire halte et l’un des chefs nous signifia que nous allions mourir et qu’il nous restait le temps nécessaire pour faire un acte de contrition. Un peloton qui marchait devant nous pour éclairer la route reçut l’ordre d’apprêter les armes et de nous coucher en joue. Au commandement de feu, je me jetai brusquement à terre en renversant sur moi deux de mes compagnons. Je ne fus pas atteint par les balles. Les chouans, jugeant à notre immobilité que nous étions tous morts, s’éloignèrent en deux bandes et disparurent par divers côtés dans l’obscurité de la nuit. Quand je n’entendis plus aboyer les chiens réveillés par l’explosion, j’entrepris de me délivrer de mes liens ; j’y parvins non sans peine. Rendu à la liberté, et je puis dire à la vie, je m’empressai d’éteindre le feu des bourres qui, par l’effet de la décharge, avait pris aux vêtements de quelques-uns de mes pauvres compagnons, tous muets et immobiles autour de moi. Une voix cependant, une voix faible et languissante s’éleva du milieu des victimes et me cria : « Compère, pour l’amour de Dieu, détache-moi ? » Je courus à celui qui m’implorait ainsi, c’était François Hervy et je vis avec joie que, malgré ses nombreuses blessures, il pouvait encore marcher. Je l’aidai et nous quittâmes ce champ de carnage auquel nous échappions seuls. Nos autres compagnons étaient bien morts, c’étaient Jean Poligné, Jean-Marie et Olivier Séro, René Rubin et Jean Geoffroy. La nuit du 16 mai 1795 ne s’effacera point de notre mémoire, je vous assure. Les bourreaux, continue le même narrateur, ne se bornèrent pas à ce seul crime. La nuit du 16 mai couvrit de son ombre d’autres forfaits non moins atroces. En quittant le lieu où ils nous avaient assassinés, ils se dirigèrent vers le village de la Pételaye, à un kilomètre de là ; un pauvre malade, Mathurin Rubaud gisant presque mourant dans son lit, ils l’y fusillèrent. La bourre mit le feu à la paille et le meurtre faillit se terminer par un incendie. Joseph Rubaud, son frère, fut aussi surpris pendant son sommeil ; ils l’arrachèrent du lit en l’accablant de coups et le traînèrent par les cheveux jusqu’au billot de son bûcher où ils lui tranchèrent la tête avec une hache. Ce n’était pas pourtant la première fois que ce malheureux village était témoin de ces horribles scènes. On n’y avait pas oublié que, cinq mois auparavant, l’arpenteur Joseph Fichet s’entendit un soir appeler à sa porte par des voix qu’il ne connaissait pas. Il se chauffait, entouré de sa famille, près du grand foyer et portes closes. Tout paraissait suspect en ce temps de désordres. On conseilla vivement à Joseph de ne pas sortir ; mais lui, qui n’avait jamais fait de mal à personne, ne pouvait croire qu’il eut des ennemis. Malgré les efforts faits pour le retenir, il sort plein de confiance et tombe percé de trois balles » .

L’imprudence d’un enfant avait fait tout le mal. Un mot indiscret suffisait alors pour compromettre la vie des hommes les plus inoffensifs. Chaque commune et chaque parti avaient leurs monstres qui se faisaient, avec une joie féroce, les instruments de toutes les vengeances. Anne Séro, petite gardeuse de moutons, était bien coupable mais ses remords tardifs ne réparèrent pas le mal qu’elle avait fait.

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Autre Recit

Les petites villes perdirent alors leurs garnisons appelées dans la Vendée. Dans la nuit du 8 juin 1795, une faible patrouille sortit des retranchements gaciliens pour faire une reconnaissance aux environs de la ville. Elle ne découvrit rien et rentra fatiguée en laissant pour toute garde une sentinelle à l’entrée de la rue Saint-Vincent. A peine s’était-on abandonné avec confiance au premier sommeil que les chouans quittant les champs dans lesquels ils s’étaient cachés au nombre de six cents, se présentèrent à la sourdine à la porte Saint-Vincent, la franchirent et se formèrent en colonne serrée pour descendre dans la ville. Le « qui-vive » de la sentinelle avait été suivi de près de son coup de fusil d’alarme. Quelques habitants s’éveillèrent en sursaut et firent feu sur l’ennemi par leurs fenêtres. Ces diverses explosions furent un signal d’alerte pour le reste des citoyens ; le maire lui-même battit la générale et son beau-frère, M. Robert, sauta l’un des premiers par sa fenêtre, son fusil à la main, en criant « Aux armes » pour tenter d’organiser quelque résistance ; mais les Chouans débouchèrent sur la place où ils firent un feu de peloton sous lequel tomba le premier M. Robert, aimé de tous, l’un des meilleurs citoyens de La Gacilly, ancien vérificateur des rôles de Bretagne dont la Révolution avait fait d’abord un officier de la municipalité de Redon, un commandant de la colonne mobile de la garde nationale de cette même ville puis un secrétaire du district de Savenay et qu’elle venait de charger d’établir à La Gacilly l’une de ces écoles publiques, impossibles alors au milieu de ces troubles mais dont le projet devait être réalisé quarante ans plus tard au même lieu par le fils même de la victime. Les Gaciliens trop peu nombreux pour repousser l’invasion et n’ayant pu se rallier, se sauvèrent isolément en abandonnant leur ville aux Chouans. Ceux-ci célébrèrent leur triomphe en renversant et en foulant aux pieds l’arbre et le bonnet, emblèmes de la liberté, en se livrant au pillage, en exigeant sous peine de mort toutes les armes des habitants, enfin en insultant et maltraitant les femmes et les vieillards abandonnés à leurs vengeances. Ils allaient terminer par l’incendie lorsqu’ils prirent la fuite à ce cri soudainement répandu : « Les Bleus, les Bleus ». Les Gaciliens fugitifs, rentrés dans leurs foyers, n’y menèrent qu’une vie inquiète, toujours prêts à la fuite quand il leur arrivait de coucher dans leurs lits. La pacification vint enfin quelques années après leur rendre le repos qu’ils ne connaissaient plus.

1796

En 1796, beaucoup d’émigrés rentrent au pays, en particulier Louis de Gouyon qui se réfugie à Sourdéac. Vu les exactions commises par les Chouans et cette arrivée massive d’émigrés, le commissaire Jean-Marie Leblanc ne se sent pas rassuré et il écrit à sa hiérarchie :

« Il est bien cruel pour des républicains que leur vie, menacée par des Chouans, ne soit pas plus en sûreté au milieu de ceux qui sont spécialement chargés de la défendre. J’abandonne le tout à votre prudence et à votre discrétion, en vous priant d’en conférer au général Quantin qui n’approuvera certainement point de pareils excès dans sa division. Je vous observe que je travaille ici à faire rappeler ce commandant et sa compagnie et que je ne désespère pas d’y réussir auprès du général Bravot qui doit nous arriver aujourd’hui… ».

La première victime de cette injuste dénonciation fut le commandant militaire qui fut déplacé par le général Quantin. Il y eut par la suite des enquêtes et des contre-enquêtes sur le cas Leroy, mais comme les rapports furent, en grande majorité, favorables à l’intéressé, elles tournèrent plutôt à la confusion de ses lâches accusateurs. Voici l’un de ces rapports qui donna lieu à ce que l’on a appelé l’affaire Leroy.

« Moi, Leblanc, je rapporterai seulement le rapport de Gilles Le Gall, ancien juge au marquisat de la Bourdonnaye, puis juge à Roche des Trois et, pour l’instant, commissaire provisoire du pouvoir exécutif à La Gacilly et, par conséquent, peu suspect de sentiments réactionnaires.

La Gacilly, 22 messidor l’an 4 rép. 1796. » Le Commissaire provisoire du pouvoir exécutif près l’administration municipale du canton de La Gacilly au Commissaire du même pouvoir près le département du Morbihan. « Le citoyen Le Roy dont vous me parlez n’est plus agent municipal de cette commune, je vous ai envoyé sa démission du 10 prairial, il est remplacé par Louis Viviers. Le Roy est un jeune homme de 27 ans, seul officier de santé ici, aimant son état et le lucre qu’il produit ; naturellement doux et obligeant, mais jaloux de ses prérogatives, se laissant aisément prévenir ; léger, souvent inconséquent, n’aimant pas le travail, surtout celui étranger à son état ; avec ses dispositions, je n’ai pu tirer quelque parti de son administration qu’à force de réquisitoires par écrit. Le commandant de ce cantonnement était logé chez lui. Ils étaient liés d’amitié, en sorte que depuis que nous sommes en état de siège, toute l’autorité se trouvait concentrée dans cette maison, on en faisait parade à l’occasion, ce qui produit des jaloux et des ennemis qui, se couvrant du manteau du patriotisme outré, se plaignaient de ce que le civisme et l’égalité n’étaient d’aucune considération ; dans ces circonstances, arrive le citoyen Moysan qui néglige de déclarer l’objet de son voyage et, malheureusement, se lie d’amitié avec les esprits prévenus contre l’administrateur d’où la source du mal. Moysan passe ici plusieurs jours, il a un fort cheval, il est requis de transporter à Redon des cuirs verts ; il paraît s’y refuser, on le force, son refus est dénoncé au bureau de police militaire qui se tenait chez Le Roy et, par celui-ci, Moysan est condamné à une amende ; il en élude la condamnation qui pouvait être déplacée, l’aigreur augmente, on ne parle plus de ménagement. Un habitant d’ici est cotisé 100 livres à l’emprunt forcé, Le Roy le fait rayer sur la liste. Pour remplacer cette diminution, il indique Moysan qui est taxé sur notre rôle pour 400 livres par le département ; s’ensuivent des injures. Tout ceci s’est passé sous mes yeux et il est clair que des ressentiments personnels ont donné lieu aux plaintes portées contre Le Roy. Pendant son administration, il n’a opprimé aucun habitant à ma connaissance, quoiqu’il ait reçu bien des injures dans l’exercice de ses fonctions. Je lui dois, au contraire, la justice d’assurer qu’il a fait volontairement des avances considérables pour les subsistances de la troupe et l’a médicamentée avec soin sans aucun salaire. Si au goût de quelques-uns Le Roy n’est pas d’un patriotisme assez prononcé, toujours au moins s’est-il soumis aux lois de la République et les a observées. Il a pansé les Chouans blessés trois ou quatre à l’occasion. Quand il a été requis, étant seul officier de santé de son état dans ces parages, il se flattait de pouvoir aller en sûreté traiter ses pratiques. La force armée lui a même conduit des Chouans que, dernièrement, ils lui ont volé un cheval chargé de grains venant de Malestroit et valant plus de 200L. On ne peut d’ailleurs, avec fondement, lui imputer la moindre intelligence avec les ennemis de la République, ainsi toutes les plaintes vagues sont dénuées de réalité. Vous tirerez de ces renseignements vrais tout le parti que vous jugerez convenable. Salut et Fraternité. Le Gall. »

Le 26 juillet, Le Gall reçut la réponse suivante :

« Le citoyen Le Roy est suffisamment jugé citoyen par le fait que vous me rapportez dans votre lettre du 22 messidor. Il a, de votre aveu, pansé des Chouans blessés ; en d’autres termes, il est complice des Chouans et je ne pouvais me dispenser de le faire arrêter et mettre en jugement, si l’amnistie n’avait pas effacé son crime ; car, ne vous y trompez pas, si le cri de l’humanité lui faisait un devoir de panser les hommes qui avaient besoin des secours de l’art, le cri de la Patrie, opprimée et trahie, lui commandait de faire arrêter ses bourreaux dont il connaissait le repaire. Le citoyen Le Roy n’est excusable sous aucun rapport. Les patriotes qui l’ont dénoncé ont rempli un devoir sacré et impérieux et il est heureux que la démission de ce fonctionnaire s’en soit suivie car il eut été impossible de le maintenir en place ». (Réponse sans signature mais de même écriture que les ordres du général Quantin).

Cette lettre mettait fin à l’affaire puisqu’elle ne prévoyait comme sanction que la démission de Le Roy et que c’était chose faite depuis longtemps. Le Roy put donc continuer en paix l’exercice de la médecine pour le plus grand bien des Gaciliens. L’Empire fera de Le Roy un maire en 1808 et il se montrera un administrateur intègre, soucieux des intérêts particuliers et communaux. Son premier soin sera de faire rendre gorge aux citoyens peu scrupuleux qui avaient profité des troubles pour arrondir leurs propriétés au préjudice de la commune. Il mourut le 15 novembre 1810

Les Gaciliens ont encore d’autres raisons de se souvenir de ce nom de Le Roy. La mère de Jacques Le Roy, née Turquety, offrit en mai 1832, de donner et d’abandonner à la commune sa propriété nommée Butte du Château contenant 32 ares 50 centiares pour être employée à servir soit de cimetière, soit d’emplacement d’église et, en cas d’insuffisance de terrain convenable pour inhumation, Mme Veuve Joseph Séguin, sa fille (Jacquette Le Roy), s’engageait également à donner un jardin situé tout près de la Butte du Château. Ce legs avantageux pour la commune fut accepté en 1833.

1797

Dans les premiers mois de cette année-là, une épidémie terrible s’abat sur les enfants et les adolescents et en fait disparaître un nombre considérable ajoutant des deuils cruels et répétés à toutes les autres peines qui affligent alors les Gaciliens. Toutes ces calamités qui fondent à la fois sur la population et surtout sur les pauvres ont un effet auquel ne s’attendent sans doute pas les meneurs révolutionnaires de la petite cité, celui de réveiller le sentiment religieux violemment comprimé pendant la période de persécution et de terreur et de faire les pauvres gens se tourner vers Dieu. Une preuve manifeste en est donnée dans l’empressement mis par des jeunes gens de 16 à 18 ans et par des jeunes filles et même des femmes de 15 à 27 ans à s’inscrire pour suivre le catéchisme fait par le curé constitutionnel en prévision de la confirmation annoncée pour le mois de septembre

Le registre porte la mention suivante :

« Je certifie que la visite faite par Monsieur Le Masle, évêque du Morbihan, accompagné de Messieurs Girardin agissant en qualité de secrétaire et de Perrotin, curé de Sérent, résidant à Malestroit, de Beruyer, curé de Ploërmel et du soussigné, et que le dit évêque y a donné la confirmation le 4 septembre 1797, an cinq de la République française et indivisible.

R.N. Rubault, curé constitutionnel de La Gacilly.

 

Il est assez curieux de remarquer que cette liste dressée par le curé constitutionnel est presque exclusivement formée par des enfants de cultivateurs et d’ouvriers et, qu’à part Jeanne Jarnier, l’épouse de l’huissier Puissant, les noms des fonctionnaires et des meneurs révolutionnaires n’y paraissent pas. Par ailleurs, en dehors de Louise Sero, il est remarquable de constater que les personnes nommées appartiennent à la ville ou aux villages placés sur l’unique route de ce temps-là vers Malestroit et Rochefort, lieu de passage incessant des troupes républicaines et des colonnes mobiles qui parcourent le pays. Les habitants de cette région sans cesse sous la surveillance de l’armée sont bien obligés, faute de mieux, de recourir au curé constitutionnel pour l’exercice de la religion. Mais les autres villages, gardés par la distance et la difficulté des communications, restent fidèles aux bons prêtres cachés dans le pays. Ils ont recours aux offices de Noël Rubault que pour les actes officiels des baptêmes et des sépultures et restent en dehors de la communion avec l’intrus.

Le 2 mars 1797, Seguin adresse une lettre aux administrateurs du département dans laquelle il chante victoire. Les soldats bleus, envoyés par son ordre aux Fougerêts, viennent enfin de faire une capture importante, celle d’un prêtre insermenté : l’abbé Louis Briand de Carentoir, fils de Guillaume Briand, officier de santé. Ancien vicaire en résidence à la Chapelle-Gaceline, il s’était d’abord, après avoir refusé de prêter le serment schismatique, retiré chez son père, d’où, ne se sentant plus en sûreté, il s’était réfugié aux Fougerêts. C’est là qu’il fut pris. Voici le rapport de Seguin :

« Des patrouilles journalières et nocturnes roulent dans cet arrondissement pour surprendre les assassins. Heureusement, aujourd’hui une sortie de La Gacilly en a rencontré un fameux dans la commune des Fougerêts si célèbre par les mauvais sujets qu’elle fournit. Le prêtre Briand a été saisi et ramené à La Gacilly …Il est tellement connu pour ses forfaits que je ne dois pas m’amuser à les retracer. Je pense qu’un brigand aussi extraordinaire vous est connu. Employez, je vous prie, tous les moyens qui sont en votre pouvoir pour qu’il ne revienne jamais dans le pays attendu qu’il en est le fléau. Seguin Le Jeune.

Avec une telle recommandation et faite en ces termes, l’affaire de l’abbé Briand était claire. Arrivé à Vannes, il fut interrogé puis fouillé. Au procès-verbal de son interrogatoire, la note suivante est jointe :

« On a trouvé sur lui un petit portefeuille contenant deux linges avec des hosties que je vous ai fait remettre. Salut fraternel. »

Amené devant le tribunal, il reconnut ne pas avoir prêté le serment demandé par la constitution civile du clergé. Il fut immédiatement condamné à la déportation, puis conduit de brigade en brigade à l’île de Ré. Après y avoir séjourné un an, il eut la chance d’en revenir et se retira alors aux Fougerêts.

Peu de temps après cet épisode, Joseph Marie Seguin se met en tête de rendre obligatoires les règlements jamais observés à La Gacilly et concernant le décadi qui devait remplacer le dimanche pour le repos hebdomadaire de la semaine révolutionnaire portée à 10 jours au lieu de 7. Poussés par lui, le commandant de la force armée et celui de la gendarmerie informent l’administration municipale que les marchés de La Gacilly se trouvent à des jours prohibés par les règlements du département et qu’ils ont des ordres pour les fixer au tridi et nonedi de chaque décade au lieu du samedi de chaque semaine, comme autrefois. Le conseil municipal ne se laisse pas faire. Il se réunit pour rédiger une protestation et, en son nom, Jean Cheval écrivit au département une lettre montrant « l’inconvénient d’abolir un marché aussi conséquent que celui de La Gacilly. » Il eut gain de cause et les marchés restèrent fixés comme d’habitude ;

Vers le milieu de l’année, les Chouans de la région, organisés par de Sol de Grisolles, commencent à se montrer sans crainte et multiplient les coups de main audacieux contre les gendarmes, les troupes républicaines et les percepteurs de l’impôt. Il n’est question que d’arrestations de diligences, d’enlèvements de dépêches, de gendarmes et de soldats surpris et désarmés à Guer, Campénéac et Beignon. C’est pourquoi Seguin craint pour les fonds départementaux. D’ailleurs un autre danger menace aussi les fonds publics, c’est la bande de faux-chouans, déserteurs de l’armée républicaine. L’administration municipale avait envoyé une plainte aux autorités du département sur les agissements de ces tristes individus. Des soldats républicains déguisés en Chouans parcouraient le pays de La Gacilly, forçant les habitants à crier : « Vive le roi ! », pillaient les charniers, engageant les habitants à ne pas payer les contributions et se faisaient servir à boire et à manger. Ils avaient même enlevé Julien Calo du Lieuvy, acquéreur de biens nationaux, sous prétexte de suspicion. Mais les autorités départementales dont ces égorgeurs faisaient le jeu en terrorisant les populations et en jetant un mauvais vernis sur le nom des Chouans, se gardèrent bien d’intervenir. 

Cependant, sous la direction de de Sol, les Chouans continuaient à se recruter et à s’organiser dans le canton de La Gacilly, ce qui commençait à inquiéter Seguin. Il écrivait le 25 juin à Vannes :

Nous avons des renseignements sûrs que, dans le courant de cette décade, huit brigands à cheval, à la tête desquels était de Sol, ont parcouru les communes des Fougerêts et de Glénac pour enrôler les anciens Chouans. De Sol disait aux habitants de la campagne qu’il était muni de sept millions qui lui avaient été donnés pour payer les recrues. Il disait qu’il ne voulait enrégimenter les habitants que pour conserver les propriétés, les personnes des braves gens et pour le rétablissement de la religion ; à chaque individu qu’il recevrait sous ses ordres, il lui ferait promettre qu’il ne ferait ni ne concourrait à aucun assassinat, que malheureusement cela n’était déjà que trop arrivé du temps de la chouannerie, mais que c’était un malentendu. » 

Quelques jours plus tard, dans une autre lettre, Seguin dénonce une réunion de Chouans à Peillac et fait savoir que des marchands de toile très suspects sont passés à Carentoir. Cependant, comme tout reste calme extérieurement dans le canton, il se rassure un peu et écrit le 25 août :

« Tout va bien, je ne connais pas de brigands dans le canton. Comme un grand nombre des habitants des Fougerêts ont pris part à l’ancienne chouannerie, j’ai envoyé plusieurs fois le commandant de la troupe pour s’assurer qu’ils étaient à leurs travaux. Il est toujours revenu satisfait. »

Toutefois, par mesure de précaution, Seguin se préoccupe de réorganiser la garde nationale réduite à une dizaine d’hommes et de former une colonne mobile pour aider la troupe régulière dans ses expéditions dans le canton. Le 4 septembre 1797 (16 fructidor an VII), par ordre de Seguin et sous sa présidence, le conseil municipal prend l’arrêté suivant :

« Considérant que des brigands armés parcourent les hauteurs qui nous environnent, tentent encore sous le vain prétexte de la Royauté, de rallumer le flambeau de la guerre civile ; ils pillent ceux qui refusent de s’associer à leurs forfaits et portent la désolation et la mort dans la demeure des citoyens paisibles. Considérant qu’il est urgent de poursuivre ces brigands jusqu’à leur défaite entière, de veiller à la conservation de nos propriétés, de notre existence, de notre bonheur et celui de nos concitoyens qui sont actuellement attachés au maintien de l’ordre et de la tranquillité publique, arrêtons qu’il sera formé une colonne mobile de 25 hommes…Considérant en outre que plusieurs de nos concitoyens vivent de leur travail eux et leur famille, qu’il ne sera pas possible qu’ils fassent le service journellement sans recevoir les vivres et la paye militaire, arrêtons qu’il sera demandé aux pouvoirs publics de leur allouer vivres et solde… » 

La colonne mobile fut immédiatement constituée avec la formation suivante :

Gradés :

Charles-Louis Clavier, lieutenant.

Alexandre Orinel, sergent.

Pierre Soulaine, fils de Pierre, caporal.

Mathurin Mahé, caporal.

Fusiliers :

Jean Rondouin, Pierre Rondouin, Mathurin Audran, compagnon de Jean Epaillard, Joseph Grimaud, Georges Denoual, Thomas Hallier, Joachim Le Maître, Julien Danard, Mathurin Boucher, fils de Mathurin, Jean Vincent, Vincent Sorel, Yves Boucher, fils de Joseph, Guéno, compagnon de Gilles Epaillard, Louis Thomas de la Bouère, Jean Piguel de La Gacilly, Mathurin Cheval du Brossay en Cournon, Jean-Marie Duhirel, fils, de la Ville Orion, Guillaume Le Masson de La Gacilly, Jean Moulin, Auray, fils, de la Bouère.

En novembre 1797, survint un événement qui devait avoir de graves conséquences pour l’avenir car il allait, pour La Gacilly, devenir un petit 18 fructidor en faisant passer le pouvoir des modérés aux extrémistes. Le 10 novembre mourrait, âgé de 75 ans, Joseph-Gilles Le Gall, homme de loi et commissaire du directoire exécutif près la municipalité du chef-lieu de canton de La Gacilly. Originaire de Quimperlé, époux de Gillette Blanchard de Malestroit, venu comme procureur fiscal du marquisat de la Bourdonnaye, il avait été nommé en 1793 juge au district de Roche-des-Trois ; puis, en 1795, il était devenu commissaire provisoire à La Gacilly et, enfin, en 1796, commissaire en titre du directoire exécutif dans ce chef-lieu de canton. Ce vieillard, à qui on confiait le pouvoir à 73 ans, n’apporta guère de zèle et d’activité à l’exercice de son mandat, ce qui valut aux Gaciliens deux années de tranquillité relative. Mouchardé par les membres du comité de surveillance à cause de sa tiédeur révolutionnaire, il faisait l’objet au département d’une fiche sévère et sans indulgence « Patriote sans conduite, préférant le vin à tout le reste. » C’est pourtant à ce moment-là qu’il rédige le rapport sur le citoyen Le Roy, rapport que le citoyen Le Blanc adresse au commissaire du département et dans lequel Le Gall prend courageusement la défense de Le Roy injustement accusé par Le Blanc et Seguin.

La place de Le Gall ne reste pas longtemps vacante. Le citoyen Charles-Florentin Seguin qui, nommé commissaire de Carentoir, n’a pu y rester en résidence tant il s’est fait détester de la population et a été obligé de se réfugier à La Gacilly, sous la protection des troupes républicaines, ne demande qu’à changer de situation. Il fait agir ses amis de Vannes et de Roche-des-Trois. Le 5 janvier 1798, il est nommé commissaire du directoire exécutif de La Gacilly et remplacé à Carentoir par Gaudin, un ancien officier de cavalerie, mais lui aussi sera détesté et devra se réfugier à La Gacilly. Avec Charles-Florentin Seguin surnommé Le Jeune pour ne pas le confondre avec son père comme commissaire et Viviers comme agent municipal, le pouvoir passe aux mains des extrémistes et les exactions vont reprendre, des perquisitions sont opérées dans les villages soupçonnés d’accointances avec les Chouans. Les Gaciliens retrouvent, comme aux mauvais jours de la Terreur, les tracasseries et les dénonciations contre les gens tranquilles, suspects de tiédeur révolutionnaire.

La loi qui condamne à la prison ou à la déportation les prêtres qui n’ont pas prêté le serment schismatique, n’a pas été rapportée. Elle est restée lettre morte grâce à la modération des administrateurs du département. Après le 18 fructidor, elle est remise en vigueur et les troupes républicaines, sous la direction des commissaires du Directoire, recommencent, dans les campagnes, la chasse aux prêtres réfractaires avec d’autant plus de zèle qu’une prime en argent est allouée à ceux qui font arrêter un de ces prêtres ; Seguin réclamera cette prime pour les limiers à ses ordres.

Le zèle révolutionnaire qui anime certains fonctionnaires de La Gacilly et les pousse à la persécution et à la dénonciation de ceux qui sont suspects de modérantisme, a pour sources principales l’ambition et la jalousie.

Un séjour fait à La Gacilly vers la fin de l’année 1796 par une des principales personnalités révolutionnaires de Paris, n’est sans doute pas non plus étranger à cette recrudescence de sentiments avancés et d’agissements tyranniques. Ce personnage n’est autre que Louis-Jérôme Gohier, le président du tribunal criminel du département de la Seine. Né d’une famille rennaise, après de bonnes études chez les Jésuites de Tours, il s’inscrit comme avocat au parlement de Bretagne à Rennes. Elu député du Tiers-état en 1789, il passe rapidement d’une sage modération au jacobinisme le plus extrême, faisant un long discours le 27 novembre 1791 en faveur de la constitution civile du clergé, demandant le 8 février 1792, la mise sous séquestre des biens des émigrés, faisant ordonner le 17 septembre de la même année les destructions des titres de noblesse à la Chancellerie. Ministre de la Justice en 1793, président du tribunal de la Seine en 1795, juge au tribunal de cassation en 1797, il deviendra en mai 1799 membre du Directoire lorsque ce gouvernement sera renversé par Bonaparte le 9 novembre 1799. 

En septembre 1796, il arrive à La Gacilly pour régler des affaires personnelles ; en effet, il vend sa propriété de Mabio achetée le 17 août 1786, en son nom et au nom de son épouse Madeleine-Louise-Charlotte du Moulin, de Marie-Gillette-Félicité Roquelin à Mélanie Folliard. C’est pourquoi, au début de 1797, la fréquentation de Gohier, les conversations avec lui et, sans doute, la promesse de son appui en haut-lieu, n’ont eu pour effet que de rallumer le zèle révolutionnaire de Charles-Florentin Seguin. L’année commençait donc sur de biens tristes auspices. La guerre civile est momentanément arrêtée mais laisse derrière elle ruines et dévastations. Les cultures incomplètement faites, les moissons ravagées par les belligérants et recueillies dans de mauvaises conditions, les réquisitions de toutes sortes ont installé aux foyers des paysans, la misère et la faim. C’est sans nul doute à ces causes qu’il faut attribuer des faits navrants comme celui qui émut la population gacilienne le matin du 1° février 1797. Une enfant abandonnée est trouvée dans la rue Saint-Vincent. Voici le rapport officiel de cet événement :

Ayant appris qu’un enfant avait été exposé à la fenêtre du citoyen Roussel, sise rue Saint-Vincent, nous avons vu et remarqué un enfant couché sur une poignée de foin, soutenu sur la dite fenêtre par deux petites pierres pour l’empêcher de tomber sur la rue, le corps enveloppé dans un vieux et mauvais tablier de grosse toile teinte en noir lié avec du gros fil de reparon et la tête couverte d’un morceau de drap rayé et d’un tetron de linge. Jacques-Marie Le Roy, officier de santé, a reconnu que c’est une fille née depuis 24 heures, bien portante et bien constituée. La petite fille abandonnée fut baptisée ce jour et nommée Anne-Joséphine.

1798

A La Gacilly, les patriotes de la République règnent en maîtres absolus. C’est cette année-là que furent créées les bandes dites des « galériens », en fait de faux chouans, de véritables égorgeurs. Dans la région, l’une de ces bandes va opérer avec pour chef un Kermorin de Questembert, puis plus tard un allemand nommé Muller. Pourtant, dans les environs de La Gacilly, le résultat des recherches et des perquisitions est nul pendant toute l’année. Dès que Seguin arrive quelque part avec sa troupe de Bleus, les paysans sont tranquillement occupés aux travaux des champs et les prêtres réfractaires si bien cachés qu’ils sont insaisissables.

1799

Si en 1793 les Chouans menèrent une guerre très dure contre la République, l’année 1799 est marquée aussi par une guerre sans merci, sans grandes prises d’armes mais plutôt faite d’une multitude d’escarmouches locales : les Anglais approuveront et mettront tous leurs espoirs dans ce nouveau soulèvement et tenteront d’aider les Chouans en particulier avec le débarquement. Ces coups de main militaires, ces attaques de villages ou de petites villes de garnison vont se succéder jusqu’à la fin de l’Empire.

Février 1799.

Seguin a plus de succès dans ses recherches et ses perquisitions. Dans les premiers jours du mois, il trouve un nommé Jean Audran, marin de réquisition, c’est à dire désigné d’office et envoyé à Brest pour être incorporé dans la marine ; il est en congé irrégulier et n’a pas rejoint son poste. Il l’arrête et le remet à la garde de Guillaume Leroux, geôlier de la maison d’arrêt de La Gacilly. Jean Audran demande un délai de deux décades pour effectuer un mariage avantageux. Le délai lui est accordé et il reprend sa liberté ; le mariage n’étant qu’un prétexte, il retrouve les Chouans que de Sol de Grisolles, revenu au pays, est en train de recruter et d’organiser, à moins qu’il n’ait rejoint la bande de déserteurs de l’armée républicaine, comme lui, appelés les faux-chouans ou contre-chouans, qui ravagent et pillent en ce moment Peillac et Saint-Martin avant de s’attaquer à La Gacilly.

4 février 1799. (14 Pluviôse An VII)

Peu heureux contre les personnes, Seguin va montrer son zèle en poursuivant les pipes réactionnaires vendues dans le pays et qui troublent étrangement les administrateurs du département comme le prouve la circulaire adressée à tous les commissaires des cantons ce jour-là : « On vient de saisir dans cette commune des pipes portant à la partie supérieure du pied l’empreinte du n° 18 surmonté d’une couronne avec un écusson de chaque côté. Dans toutes autres circonstances, cette empreinte ne devrait susciter que le mépris, mais dans l’état où nous nous trouvons, tout doit fixer notre attention. C’est par tous les moyens qu’on entretient dans les campagnes le fol espoir du retour de la royauté et qu’on alimente l’esprit de révolte. Je vous recommande, citoyen, de vous transporter avec un administrateur dans toutes les boutiques de votre ressort, d’y saisir toutes les pipes qui porteront de semblables empreintes. Vous vous ferez présenter la facture que vous joindrez au procès-verbal de saisie déposé au secrétariat de votre administration.

Seguin se met aussitôt en campagne et quinze jours après, il répond :

« Aussitôt la réception de votre circulaire du mois dernier relative aux pipes portant l’empreinte du n° 18, je me suis transporté chez tous les marchands de cet arrondissement ; je les ai toutes vérifiées. Je n’en ai trouvé aucune portant cette empreinte, ni aucun autre signe propre à rappeler les absurdités de l’ancien régime despotique.

Salut et fraternité.

Seguin Le Jeune.

Juin 1799.

Lassés des mesures vexatoires prises contre eux par le gouvernement abhorré du Directoire, les Chouans, de leur côté, s’organisent dans tout le pays pour reprendre les armes et secouer un joug intolérable. De Sol continue de changer très souvent de résidence, parfois il est au château de Bignac chez un nommé Guiho, ensuite il se cache au château de la Berraye en Caden ou à celui du Bois-de-Ros chez un nommé Lubert en Limerzel ou encore à la Cour-de-l’Etier en Béganne. En ce mois de juin, il passe à cheval, escorté de sept cavaliers, aux Fougerêts et à Glénac où il annonce aux cultivateurs qu’il dispose de sept millions pour faire des recrues, qu’il enrégimente les habitants dans le seul but de défendre la religion, de conserver les propriétés et les personnes des braves gens ; il fait promettre à quiconque s’enrôlant sous ses ordres de ne pas coopérer à aucun pillage ou assassinat parce qu’antérieurement de pareils forfaits avaient été trop fréquents dans la chouannerie mais que c’était un malentendu. C’est ainsi qu’il constitue la 4° légion dite de Muzillac et de Redon ; il prend le titre de chef de légion avec, comme lieutenant-colonel, M. de Mordoré de Guérande et, comme chefs de bataillon, toujours Pierre Le Cars dit Pelo de Caden, ses deux cousins Sécillon du château de Trégoët en Béganne et, en plus, le chevalier Du Bot de la Grée en Augan.

12 Juillet 1799.

L’abominable circulaire adressée ce jour-là aux administrateurs des départements de l’Ouest par le ministre de la police Fouché et vite répandue dans le public, contribue pour une bonne part à hâter le mouvement insurrectionnel. « Vous connaissez, citoyens, écrit le ministre, les dangers qui entourent la République…Il ne s’agit pas de faire le triage des bons et des méchants ; dans ce pays maudit, il n’y a que des coupables. Vous aurez à votre disposition l’emprunt forcé, le séquestre, la loi des otages et la force armée… Vous devez employer sans ménagement la loi des otages ; elle vous permet d’emprisonner comme otages tous les suspects, aïeuls, aïeules, pères, mères, frères et sœurs des Chouans ; elle autorise même à les fusiller s’ils essayent d’avoir recours à la fuite. Cette loi est large, élargissez-la encore selon les besoins de la situation ; prenez sur vous : le pouvoir vous soutiendra dans vos efforts révolutionnaires. »

Exaspérés d’être ainsi mis brutalement hors la loi, les Chouans réorganisés décident de reprendre les armes pour se défendre au lieu de se laisser égorger. Bien que le soulèvement général n’eut lieu que le 15 octobre suivant, déjà des petites troupes bien armées et bien dirigées parcourent le pays, refoulant dans leurs cantonnements les troupes républicaines et faisant trembler ceux qui se sont compromis avec le régisseur persécuteur. C’est ainsi que le nouveau commissaire de Carentoir dut fuir sa résidence, se cacher dans les blés et enfin se réfugier à La Gacilly. Il y fut suivi d’un certain nombre de fonctionnaires et de quelques parents et amis.

16 Septembre 1799.

La garnison de La Gacilly, renforcée de la colonne mobile, a beau, sur les ordres de Seguin, multiplier les sorties, les Chouans restent insaisissables. Au retour d’une de ces expéditions infructueuses dans la région de Tréal, le 16 septembre, quelques gardes nationaux accompagnés de soldats bleus, surprennent sur la route un prêtre réfractaire, le saisissent et le ramènent à La Gacilly où il est mis en prison. C’est l’abbé Mathurin de la Villeloays, originaire de Saint-Nicolas-du-Tertre, prêtre habitué de Carentoir. N’ayant pas voulu prêter le serment schismatique, il était venu se réfugier auprès de sa sœur Marie-Marthe de la Villeloays, épouse de François de la Boissière à la Touche Peschard et y vivait caché depuis la Terreur. Cette sœur avait connu avant lui l’horreur des prisons révolutionnaires. Arrêtée, en 1793, en sa qualité de noble et de femme d’émigré présumé (son mari, lieutenant de vaisseau, n’avait pas reparu dans le pays), elle avait subi à Rochefort-en-Terre un emprisonnement de plus de 18 mois en compagnie de ses voisines de Glénac : Madame de Gouyon, née de Fouché, les trois filles de cette dernière et Madame de Quélo, née de Forges. Relâchée en 1794 sur ordre des représentants du peuple Guermeur et Guenzo, après l’avis suivant du comité révolutionnaire : « On ne l’estime pas dangereuse. On ne lui croit que bien peu d’influence à raison de la modicité de sa fortune. » Elle était revenue à la Touche Peschard, avait racheté cette terre vendue nationalement comme bien d’émigré et y vivait depuis lors avec son frère. Les Gaciliens doivent un spécial souvenir de reconnaissance à cet abbé de la Villeloays qui passa toute la Révolution au milieu d’eux, y exerçant en cachette son ministère sacerdotal et fut, après la tourmente, le premier recteur de La Gacilly. Arrivé à Vannes, l’abbé de la Villeloays est mis en prison puis, dès le lendemain, 3° jour complémentaire an 7 républicain, conduit devant le juge Lauzer pour être interrogé. Voici le jugement qui lui infligea une sévère condamnation : « Considérant que le nommé Pierre-Alexandre-Mathurin Villeloays est resté sur le territoire de la République française sans avoir donné à la patrie des gages de sa soumission, l’administration départementale arrête que le dit Pierre-Alexandre Villeloays sera déporté et conduit à cet effet dans la citadelle de l’île de Ré. » L’abbé de la Villeloays, encadré de gendarmes, part donc pour l’île de Ré où il est interné à la citadelle avec un grand nombre de confrères du Morbihan et d’ailleurs. Mais il n’y reste pas très longtemps. Les démarches de sa sœur, Madame de la Boissière qui demande et obtient pour sa libération un avis favorable du conseil municipal de Carentoir, coïncidant avec les dispositions plus libérales du Consulat, amènent sa mise en liberté dans les premiers mois de 1800 et il revient à la Touche Peschard.

Octobre-Novembre-Décembre 1799.

Les évènements importants qui surviennent durant ces trois derniers mois de l’année, apportent aux administrateurs du département de sérieux soucis. Voici venu le moment où les révolutionnaires sont, à leur tour, pillés et rançonnés et où les persécuteurs d’hier sont amenés, comme leurs anciennes victimes, à trembler, à fuir et à se cacher. Cependant Seguin et ses amis se tranquillisent encore en songeant qu’ils conservent une garnison qui, grossie de la garde nationale réorganisée, peut les garder en sûreté derrière le rideau solide de barricades élevées sur tous les chemins d’accès à La Gacilly d’autant plus que, le 22 septembre, le commissaire du Directoire, de passage à La Gacilly, reçoit la requête suivante de l’administration centrale de Vannes : « Nous sommes occupés de l’organisation des colonnes mobiles en compagnies franches qui vont être mieux armées et équipées. » Aussi, c’est un véritable désespoir qui s’empare d’eux lorsque, le 27 octobre, Seguin reçoit de Vannes la circulaire suivante lui annonçant la suppression du cantonnement.

« Les brigands viennent de se montrer réunis en certain nombre et de forcer les jeunes gens de plusieurs communes de marcher avec eux. Les mesures que prend le général pour déjouer le dernier effort de la rage impuissante de ces scélérats nécessitent la levée momentanée du petit cantonnement placé dans votre endroit. Il vient de l’ordonner et de prendre en conséquence des dispositions. Veuillez donc vous concerter avec le commandant militaire et requérir de suite des voitures pour que les fonds des contributions et des autres revenus, les armes et les principaux dépôts suivent la force armée. Tous les citoyens sont invités à se retirer avec elle dans les cantonnements qu’elle va occuper et à se réunir aux colonnes mobiles de ces endroits. Nous allons donner des ordres pour qu’en ce cas, les vivres, le logement et la solde leur soient fournis ainsi qu’aux militaires jusqu’au moment très prochain où les brigands vont être anéantis et où le rétablissement des cantonnements actuels mettra les patriotes à même de rentrer avec sécurité dans leurs foyers. »

Fin Octobre 1799.

Le poste républicain de La Gacilly se replie sur Rochefort-en-Terre. Tous les fonctionnaires (à l’exception du juge de paix Joseph Seguin et du maire Jean Cheval), le curé constitutionnel, la garde nationale, les membres de la colonne mobile, les acquéreurs de biens nationaux et tous ceux qui se sont compromis à la suite de Charles-Florentin Seguin dans les poursuites contre les prêtres fidèles et les perquisitions chez les suspects de chouannerie ou de tiédeur pour les idées révolutionnaires quittent le pays. Ils partent, laissant maisons, femmes et enfants à la merci de l’ennemi, avec une précipitation telle que beaucoup, Seguin le premier, oublient d’emporter des effets de rechange et essaieront de revenir à La Gacilly en chercher une quinzaine de jours après.

Peut-être avaient-ils pris à la lettre la circulaire de l’administrateur annonçant que les brigands allaient être anéantis dans un moment très prochain, mais c’était une très grosse erreur et ils vont rester trois mois hors de chez eux. Il est curieux de constater que tous ces gens qui font volontiers les matamores et les tranche-montagnes lorsqu’ils se sentent soutenus par les baïonnettes républicaines, filent comme des lapins devant la simple menace des fusils chouans. C’est qu’ils n’avaient pas la conscience tranquille et qu’après avoir poursuivi, traqué et tyrannisé leurs compatriotes en union avec l’armée révolutionnaire ou qu’après s’être enrichis des dépouilles de la noblesse par l’achat de biens nationaux, ils avaient à craindre des représailles de la part de ceux qu’ils avaient ainsi ruinés et molestés. En tout cas, ils partent 65 de La Gacilly, (dixit Seguin) mais il faut évidemment comprendre dans ce nombre Boudard, agent municipal de Cournon, Martin, agent de Saint-Martin-sur-Oust, les fonctionnaires de Carentoir déjà réfugiés à La Gacilly, (car ils signeront avec eux à Rochefort-en-Terre). L’arrivée d’un groupe si nombreux de bouches inutiles dans cette petite ville déjà encombrée de troupes, entourée d’un pays en pleine insurrection, (ce qui rendait tout ravitaillement impossible), fut vu d’un très mauvais œil par la population et les Rochefortais firent à leurs voisins un accueil qui fut très froid d’abord, puis ne tarda pas à devenir hostile

3 Novembre 1799.

Comprenant, un peu tard, la difficulté et la fausseté de la situation des pauvres réfugiés de La Gacilly, Seguin s’agite de façon désespérée pour faire rétablir le cantonnement de La Gacilly, ce qui serait le seul moyen de sortir de l’impasse où il s’est fourvoyé et ses compatriotes avec lui. Le 12 brumaire, il écrit à Vannes :

« Depuis que nous sommes réfugiés, plusieurs chouans qui n’ont pas rejoint la grande bande parcourant notre pays veulent forcer les habitants à se joindre à eux et ils ne manqueront pas d’en engager beaucoup si, sous peu de jours, on n’y établit une garnison…Il n’est peut-être pas dans la République une commune comme celle de La Gacilly qui mérite mieux la protection et la sollicitude des amis de la liberté qui remplissent les fonctions supérieures. Sur 80 habitants en état de porter les armes, nous sommes 65 de réfugiés et le surplus se borne à traîner une vie languissante, couchant dans les haies. Ce n’est pas tout : les mêmes républicains, par leur conduite, tiennent en bride plus de 10 communes environnantes et les empêchent de se lier à nos ennemis. » 

Le lendemain, il rédige une supplique dans le même but, qu’il signe avec un certain nombre de ces compagnons d’infortune : Guillemin, Puissant, Royer, adjoint, Ledault, garde-forestier, Martin, Pierre Roussel, Pignaud, Viviers, Gaillard, administrateur du département. La réponse de Vannes précisait qu’il était impossible de reléguer dans un coin du département les troupes nécessaires pour poursuivre les brigands. Le 6 novembre, Seguin revient à la charge :

« Le 14 (5 novembre), ayant passé à La Gacilly pour prendre des effets, nous avons été informés que des bandes de brigands circulaient dans toutes les communes environnantes : Les Fougerêts, Martin, Nicolas, Tréal et Carentoir pour forcer les habitants de se joindre à eux. Les malveillants disent que les réfugiés ont déserté la cause de la République. Mais comment seraient-ils restés à La Gacilly ? Il n’y a pas de cantonnement pourtant bien nécessaire. »

Signent cette nouvelle supplique les réfugiés déjà nommés et de plus : Deschamps, Le Masson, Denoual père, Provost et Poligner.

8 Novembre 1799.

Il lance un dernier appel aux administrateurs sur un ton à la fois tragique et presque menaçant ; en fait, il s’agit d’une lettre où éclate en termes peu mesurés un réel désespoir :

« Puisque les circonstances exigent que nous soyons sacrifiés quoique notre patriotisme devait nous en préserver, nous vous prévenons que si sous trois jours vous ne faites pas avoir une garnison, vous forcerez 40 d’entre nous à préférer une mort certaine plutôt que de voir nos familles mourir de faim. Oui, citoyens, nous y sommes décidés et que feriez-vous à notre place ? Nos femmes et nos enfants sont sans pain depuis notre refuge. Triste spectacle ! Vous nous avez promis votre protection. La troupe est ce qu’il nous faut ou nous dirons que nous sommes abandonnés. »

Et pour appuyer sa supplique, il convoque à la signer le ban et l’arrière-ban des réfugiés. En plus de ceux qui ont souscrit les deux premières, nous trouvons les noms suivants : Orinel, Joseph Bizeul, Patern Soulaine, R.N. Rubault, Gatault, Bourdonnay, Boudard. C’est pour les besoins de sa cause et essayer d’apitoyer les âmes sensibles des administrateurs que Seguin agite le spectre de la famine menaçant les femmes et les enfants restés à La Gacilly, car c’est faux, pour le moment du moins. En particulier la femme et les trois enfants du commissaire n’ont point à craindre de mourir de faim puisque, au 25 décembre suivant, on pourra prendre dans ses greniers, après deux pillages successifs : 43 demis de blé noir provenant de ses biens nationaux et patrimoniaux, comme il le dira lui-même. Ce qui était trop réel et dont il ne parle pas, c’est que la situation des réfugiés à Rochefort-en-Terre était devenue intenable et qu’ils n’y voyaient qu’une issue : le retour à La Gacilly sous la garde d’un détachement de troupes. Mal vus de la population civile, ils étaient en outre maltraités et malmenés par les soldats bleus qui les traitaient de fuyards et de lâches. C’était tous les jours des disputes, des rixes, des batailles. Un jour, c’est un citoyen de La Gacilly qu’on avait trouvé tué d’un coup de baïonnette sans qu’on puisse savoir par qui. Une autre fois, c’est un garde national qui est tué en duel par un militaire. On connaît le nom de la victime, c’était Mathurin Cheval de Cournon, fusilier de la colonne mobile. Il était donc urgent de remédier à cet état de choses, d’où le ton de la dernière supplique. L’administration départementale y faisait répondre dès le 18, mais c’était pour inviter les réfugiés à la patience :

« Vous avez convenu vous-mêmes que vos dangers eussent été plus réels si on vous avait laissé une petite garnison incapable de vous préserver. Le général Harty attend de nouvelles troupes et peut-être pourra-t-il répondre à votre demande de secours. »

Ces promesses vagues et sans garantie sérieuse ne faisaient point l’affaire des malheureux réfugiés qui, pour comble, étaient regardés comme indésirables par le commandant de la place occupé à fortifier la ville contre une attaque attendue des Chouans. Il faut dire que les réfugiés gaciliens ne prirent pas de service dans les colonnes mobiles où on leur assurait pourtant les vivres et la solde militaire, celle-ci à vrai dire assez problématique. Cette non-participation ne devait pas être très bien vue par le commandant. Les réfugiés gaciliens, conscients de l’hostilité grandissante à leur égard, n’attendirent pas cette réponse puisque, après avoir rédigé leur lettre dans la matinée du 8 novembre, ils quittèrent en hâte Rochefort-en-Terre dans la soirée et coururent se réfugier à Redon où l’autorité militaire réunissait des troupes pour poursuivre les Chouans de de Sol. Le commissaire de La Gacilly et ses amis croyaient y être plus en sécurité car plus voisins de leur sphère d’influence et de relations.

10 Novembre 1799.

Dès le 9 novembre, beaucoup de royalistes armés se réunissent à Saint-Martin-sur-Oust, aux Fougerêts et à Glénac pour attaquer Redon où ils pénètrent le 10 au matin sous les ordres de de Sol. Aussitôt les commissaires dont celui de La Gacilly adressent une missive au commissaire du Directoire près l’administration centrale, datée de Redon du 20 brumaire où il est dit : « Beaucoup des habitants de La Gacilly et de Carentoir se sont liés à eux et nous ne doutons nullement qu’un bien plus grand nombre ne va s’y joindre s’il n’y vient sous peu une force importante .» De Sol quitte Redon le 14 novembre au matin sous les menaces et l’arrivée subite du général Gency qui est remplacé, deux mois plus tard, par le général Chabot, celui-ci prend le commandement de la région de l’Aff , de Guer à Redon.

21 novembre 1799.

Il est souvent question du débarquement qui, en 1795, fournit à Charette des milliers de fusils anglais, des canons et 45.000 livres en or. Mais, en Bretagne, plusieurs débarquements eurent lieu dont celui de Quiberon le 21 novembre 1799 : les Anglais occupaient alors Belle-Ile. En fait beaucoup d’armes et des barils d’argent furent débarqués à Billiers : un convoi de 85 charrettes prit la direction d’Elven et un autre convoi de 200 charrettes, sous la direction de de Sol, prit la direction de Limerzel, Béganne, Redillac en Saint-Jacut puis la forêt de la Bourdonnaye. Si l’argent a pu être découvert et employé par certains, par contre, les armes et les munitions ont disparu sans laisser aucune trace. Où sont-elles ? Pour aller de Saint-Jacut à la Bourdonnaye, elles ont dû passer pas très loin de La Gacilly, à Saint-Jugon par exemple.

 

PERSONNAGE IMPORTANT

JOSEPH-MARIE SEGUIN.

(Voir Personnalites importantes)

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